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Développement d'une activité de plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM) en agriculture biologique, à mi-temps

De Triple Performance
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L'Enracinée © Brice Caharel.

Très engagée dans le développement de la filière des plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM) en Ile-de-France, Aline Aurias crée en 2018 la ferme L’Enracinée à Gometz-le-Châtel où elle produit des plantes aromatiques et à tisanes en agriculture biologique qu’elle commercialise exclusivement en circuits courts. Elle nous présente ici son activité qu’elle mène à temps partiel et nous partage son expérience sur le développement d’un atelier PPAM.

Parcours d'installation

Après avoir travaillé plusieurs années pour la rédaction d’un journal, Aline Aurias s'intéresse de plus en plus au monde agricole. Sensible aux enjeux environnementaux et alimentaires, elle quitte son entreprise pour se former en agriculture et part faire diverses expériences sur des exploitations maraîchères. Elle réalise notamment des stages en permaculture lors de woofings à l’étranger, et découvre la production des PPAM.


De retour en France, elle suit deux formations du pôle Abiosol pour mûrir son projet :

  • « De l’idée au projet » qui lui permet d’aborder les sujets relatifs à l’installation en collectif, la forme juridique, la recherche de foncier.
  • « Paysan Demain » qui propose 4 stages de 2 semaines avec des journées de regroupement.

En 2016, elle fait un BPREA spécialisé sur les plantes sèches à Montmorot dans le Jura. Pendant sa formation, elle multiplie les expériences sur différentes fermes.


Au fil de ses expériences, et notamment au travers de la formation Paysan Demain, Aline réalise qu’au-delà du volet production agricole, c’est davantage l’aspect militant de la paysannerie qui l’intéresse. Son objectif : « participer à la prise de conscience et à l'évolution agroécologique du monde agricole, de la filière PPAM et de ses acteurs et consommateurs ».


En 2018, Aline crée la ferme L’Enracinée à Gometz le Châtel en Ile-de-France et produit des plantes aromatiques et à tisanes en agriculture biologique. Entrepreneure à l’essai pendant 3 ans au sein de la coopérative Les champs des possibles, elle devient l’année dernière entrepreneure associée salariée de la coopérative. Elle choisit de développer cette activité à mi-temps et de garder un pied dans la rédaction en tant que pigiste. Pendant les premières années de fonctionnement, Aline organise également des conférences sur des thématiques agro-écologiques en partenariat avec une association locale.

Par cette production agricole et son activité complémentaire de vulgarisation scientifique, elle souhaite participer à la redynamisation de la filière PPAM en Ile-de-France, dont les productions restent encore anecdotiques par rapport aux productions maraîchères qui se développent.

L'exploitation

L’exploitation L’Enracinée comprend un terrain de 3 ha dont 1,7 ha de bois. Sur les 1,3 ha restant, un ancien verger transformé en prairie de fauche et de pâture, et inexploité depuis 30 ans, Aline cultive des plantes à tisanes et aromates en agriculture biologique, sur environ 1500 m², le restant constituant une friche fleurie et arborée.

Sa production compte une trentaine de plantes entre les espèces cultivées et la cueillette en sauvage. Aline ne fait pas nécessairement le choix de la diversité et préfère faire des volumes plus importants avec moins d’espèces, étant à mi-temps sur cette activité. Le choix de faire de la plante sèche et non des aromates frais permet de simplifier la logistique.

Les plantes sont cultivées en lignes permanentes de 80 cm de large, séparées par des passe-pieds de 60 cm de large. La longueur des planches est variable du fait des arbres présents sur l’exploitation : 15, 20 et 25 m.

Aline propose divers produits en vrac : aromates, tisanes, sels aromatisés (aromates broyés et mélangés au sel). Elle travaille également sur un projet de poudres d’aromates à destination des transformateurs et restaurateurs.

L’ensemble des produits est vendu en circuits courts auprès notamment d’AMAP, de magasins spécialisés et magasins vrac. La commercialisation s’étend de septembre à avril.

La transformation des PPAM

La transformation des PPAM est très différente selon les plantes. Sur certaines plantes, on récoltera toute la partie aérienne, pour d’autres uniquement la partie fleur. D’autres espèces seront directement cueillies en sauvage.

Les étapes

Récolte, mise en séchoir, tri, conditionnement et commercialisation.

Le séchage

La spécificité de la plante sèche est le séchage. Pour Aline, l’objectif est ici de « gagner la course contre l’oxydation ». Il faut réussir à sécher la plante avant qu’elle s’oxyde afin de la fixer dans l’état où on l’a récoltée pour conserver ses couleurs et ses autres propriétés organoleptiques. Après récolte, il faut donc directement passer à l’étape de séchage ou sinon prendre des caisses aérées à l’abri de la lumière le temps de passer au séchage.

Faire un séchoir peut être facile. Faire un très bon séchoir capable de gérer de grosses quantités de plantes devient plus complexe.

Aline travaille avec un séchoir qu’elle a auto-construit dans le cadre d’une formation organisée par le pôle Abiosol et donnée par Thibaut Joliet, producteur et formateur dans le Jura, et auteur d’une étude sur le sujet intitulée « Etude comparative de systèmes de séchage par déshumidification en Franche-Comté ».

  • Dimensions du séchoir : 1,50 m de haut sur 1 m de profondeur et 3 m de large.
  • Dimensions des claies : 0,5 m².
  • Nombre de claies : 15.
  • Capacité du séchoir : 40 kg de plantes séchées en parallèle (jusqu’à 5-6kg plantes/m² de claie).
  • Exemples de durées de séchage :

Les durées de séchage varient selon les plantes et selon la façon dont elles sont travaillées en amont (effeuillées, laissées sur la tige, tronçonnées etc). Le process majoritaire par défaut est l’effeuillage à sec ou en frais. La façon de travailler la plante avant et après séchage va dépendre de la cible client : il faut savoir à qui on souhaite vendre. Par exemple, on partira davantage sur une plante entière taillée grossièrement pour de la phytothérapie animale ou à l’inverse une plante effeuillée à la main, sans tige, pour un produit de grande qualité.

Répartition du temps de travail

La production (plantation, désherbage, récolte) prend ⅓ du temps de travail. Il reste ensuite la partie séchage, mélange, conditionnement et commercialisation. Le conditionnement est une étape chronophage, à prendre en compte.

Conseils dans le développement d'une activité PPAM

  • Définir s’il s’agit d’un atelier principal ou d’un atelier secondaire, pour déterminer le temps de travail et budget qu’on peut y consacrer.
  • Quel que soit le type d’activité (principale ou secondaire) : multiplier les expériences auprès de différentes fermes, aller sur le terrain. Avant de construire son système, il faut voir comment le rendre le plus durable et ergonomique possible.
  • Bien définir la cible. Le choix de la clientèle conditionne la transformation, la façon dont on va récolter la plante et dont on la travaillera avant et après séchage.
  • Le séchage :
    • Pour un atelier secondaire : réfléchir à la bonne adéquation entre l’outil que l’on souhaite mettre en place (séchoir, matériel) et l’argent que ça va rapporter.
    • Pour un atelier principal : le séchoir demandera un investissement plus important. C’est le cœur de la production.
  • Pour des maraîchers souhaitant développer un atelier PPAM, bien choisir les plantes à travailler : choisir des plantes qui sèchent rapidement, sur la tige pour éviter des temps d’effeuillage en saison, et nécessitant un système de séchage minimal. Par exemple : si vous possédez une pièce dédiée pour les courges avec un déshumidificateur, cette pièce peut être utilisée pendant la belle saison pour le séchage en installant simplement des cadres avec des moustiquaires alimentaires. ATTENTION : prévoir un espace de stockage conséquent si vous stockez des plantes séchées sur tiges.
    • Plantes qui sèchent rapidement : toutes les plantes méditerranéennes (thym, romarin, sauge, sarriette, origan), la verveine et certaines fleurs (attention toutefois pour les fleurs car elles nécessiteront davantage de travail).  
    • Plantes qui demandent un temps de séchage plus long : menthe et ciboulette. Pour la ciboulette, il est préférable de prévoir un bon séchoir avec une très bonne ventilation et un déshumidificateur (elle perd 9/10ème de son poids).
  • Réussir à poser un prix pour rentabiliser le travail réalisé à la main. Expliquer son prix et faire goûter les produits.
    • Retour sur un partenariat : la ferme L’Enracinée a commencé à travailler avec un distillateur qui propose du rhum arrangé avec de la verveine produite sur la ferme. La verveine proposée par Aline est 3 fois plus chère que celle vendue par des grossistes, cependant le distilleur en utilise 4 fois moins dans ses préparations que celle de son précédent fournisseur et se débarrasse du goût de chlorophylle que lui donnait la verveine taillée entière.  En payant sa verveine plus cher le kilo, le distilleur gagne de l’argent car il en utilise moins. Des essais avec d’autres plantes (thym citron, basilic) se sont déjà montrés concluants et d’autres sont prévus l’année prochaine.
  • Point de vigilance : se restreindre sur le nombre de produits et le nombre de plantes. Si on veut pouvoir vivre de cette activité économique, il faut réussir à faire des économies d’échelle, donc rationaliser ce qu’on est capable de gérer en diversité. Bien qu’il existe une forte demande en France, beaucoup d'exploitations ont du mal à être viables.
  • Conseils pour la surface de culture de PPAM en lien avec les moyens humains et matériels :
    • Si le désherbage est manuel, ne pas prendre une surface au-dessus de 2500 m².
    • De 3500 à 5000 m², être à minima un équivalent temps plein avec une petite mécanisation.
    • Au-dessus, passer au mécanisé ou à deux ETP.

Bilan

Aline commence à atteindre un équilibre satisfaisant. Le choix d’être en double activité lui permet d’allier à la fois son envie de production et de garder du temps pour les aspects plus publics de son militantisme paysan.

Actuellement, Aline est en pleine réflexion sur les problématiques liées à la ressource en eau qui vont devenir de plus en plus récurrentes. Pour cultiver ses PPAM sur ses sols limono-argileux, elle peut difficilement faire l’impasse sur l’irrigation pour les fleurs. En effet, si elle n’arrose pas, ses fleurs ont un tout petit calibre, ce qui impacte la production puisqu’à temps de récolte égal, le poids récolté est moindre. A titre d’exemple, pour récolter 5 kg de camomille, il faut récolter 50 000 fleurs quand elles sont bien épanouies. Si les fleurs sont de petit calibre, on peut facilement doubler cette quantité et le temps de travail associé. Aline réalise des essais de micro couvert local qui s’avèrent satisfaisants sur certaines cultures bien que cela puisse engendrer une certaine compétition sur l’eau. L’utilisation de paillage là où il ne risque pas d’entraver la récolte est également un levier intéressant.

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