Maintenir les chaumes de céréales en interculture pour préserver la biodiversité lors du semis de CIPAN

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Couvert de trèfle bien installé dans les éteules de céréale après moisson (Source et crédit photo : FDC 32/Agrifaune).


Les parcelles de céréales sont des habitats de choix pour les espèces inféodées aux grandes cultures comme les perdrix grises, les cailles des blés, les alouettes des champs ou les bruants proyers. Les chaumes de céréales sont des lieux privilégiés pour l’hivernage d’un bon nombre d’espèces aviaires[1].

Objectifs

Ces dernières années, les déchaumages précoces pour implanter les CIPAN ont provoqué une perte d’habitat conséquente pour l’avifaune, l’empêchant de terminer son cycle de reproduction[2]. Pour y remédier, la conservation des chaumes droites lors du semis des engrais verts semble être une solution adaptée[3]. Les engrais verts (CIPAN) sont essentiels pour répondre aux objectifs de captation des nutriments du sol, de stockage du carbone, d’amélioration de la structure du sol, d’augmentation du taux de matière organique du sol[4] et également pour apporter un abri et une ressource alimentaire à la faune sauvage à l’automne.

Bénéfices attendus

La conservation des chaumes permet le maintien dans les parcelles des oiseaux des champs. Ils peuvent être considérés comme des auxiliaires avec un potentiel impact sur le stock semencier présent à la surface du sol[5] (voir figure n°1). Les couverts d’intercultures ont un rôle de stockage des nutriments et de protection de la surface du sol contre l’érosion ou les excès du climat. (Voir fiche Couverture des sols).


Relation entre le nombre de Bruant Jaune et le stock semencier en surface (GWCT Allerton projet)

Une alouette des champs adulte consomme en moyenne 6g de graines par jour. Sur une année, un couple d’alouettes peut consommer environ 3,2 kg de graines d’adventices pour 9 mois de présence en France. Cependant si les céréales sont déchaumées trop précocement, le temps de présence des alouettes sera presque divisé par 2 et la consommation de graines d’adventices également. Source : Powolny T. (2012)

Parole d'expert

La moisson induit une modification rapide de l’habitat pour la petite faune sauvage qui y vit. Le maintien des chaumes de céréales permet de limiter l’impact de ce phénomène en conservant un lieu favorable au cycle de vie de nombreuses espèces.» David Granger, Chargé de mission agriculture, faune sauvage et dégât de gibier à l’Office Français de la Biodiversité.

Méthodologie et comment mettre en place cette pratique sur mon exploitation ?

Pour concilier ces différents objectifs, il existe des alternatives au semis post déchaumage : le semis dans la céréale avant moisson et le semis direct dans les éteules. Les engrais verts composés de plusieurs espèces sont préconisés car une espèce seule ne peut répondre à tous les objectifs. Les engrais verts diversifiés complexes sont généralement plus productifs que les mélanges simples. Dans un mélange complexe, il y aura toujours quelques espèces qui arriveront à se développer quelles que soient les conditions climatiques.

Un couvert favorable à la biodiversité doit être suffisamment :

  • Couvrant pour créer un abri en période hivernale et concurrencer les adventices
  • Circulant pour que la petite faune sauvage puisse se déplacer facilement[6].


Source: FRC Champagne-Ardenne


Le programme Agrifaune a testé et validé un certain nombre de couverts permettant de concilier agronomie, économie et faune sauvage. Cliquer ici pour accéder à ces couverts.

Le semis à la volée avant récolte

Il y a deux périodes de semis possibles pour le semis d’engrais vert à la volée.

A la sortie de l’hiver, avant que la céréale ne redémarre

Le semis à la volée peut être effectué avec le semoir distributeur d’engrais ou le distributeur d’anti-limace. Pour assurer une bonne levée, un passage d’herse étrille peut être effectué en complément. Les trèfles sont les plus adaptés à ce mode d’implantation.


Semé à 10kg/ha, ils germeront en fin d’hiver et seront « étouffés » par le blé jusqu’à la moisson. Après la récolte, le trèfle installé profitera de la luminosité et de l’humidité résiduelle pour croître et se développer. Cette technique permet d’obtenir un couvert végétal quel que soit le niveau de précipitation en période estivale.


Coût du trèfle semé à la volée à 10 kg/ha : environ 60 €/ha.

Conseil

Cette pratique est déconseillée dans les parcelles avec un problème de dicotylédones adventices comme le chardon. En effet, le désherbant détruirait le couvert avant la moisson.

Dans le dernier mois avant la moisson

Soit quelques jours avant la récolte, soit pendant une pluie dans les semaines précédentes.


Les semis à la volée avant récolte doivent être effectués avec un semoir distributeur d’engrais en utilisant les passages de pulvérisateurs. L’intérêt est de profiter des dernières précipitations avant la récolte et de l’humidité résiduelle présente en surface pour placer les graines en conditions optimales de levée. Dans certains contextes pédoclimatiques, la surface du sol est trop sèche au moment de la moisson, ce qui rend le semis inefficace. Il est alors préférable d’anticiper le semis et de profiter des dernières précipitations dans le courant des mois de mai/juin.


En semis à la volée avant moisson, il est préconisé de semer des petites graines pouvant germer facilement comme l’avoine, le sarrasin, le millet ou le colza.


Attention à la rémanence des herbicides utilisés en végétation de la céréale, ceci pourrait handicaper le développement du couvert.


Pour plus d’informations sur les plantes pouvant facilement être semées à la volée sous la coupe de la moissonneuse, vous pouvez consulter les fiches couverts d'Arvalis ou l'outil du GIEE MAGELLAN ACACIA (Aide au Choix et à l'Adaptation des Couverts d'Interculture dans les Assolements).


L’aspect complexe de cette pratique va être la répartition homogène des graines à la surface du sol, notamment pour les petites graines comme le trèfle. Le semoir n’aura aucun mal à répartir les grosses graines mais les plus légères en revanche auront du mal à être projetées sur l’ensemble de la distance souhaitée. Pour compenser ces contraintes physiques, il est recommandé de « coller  » les petites graines aux grosses avec un mélange de farine et de glucose en poudre.

Conseils

Recette de collage de graine pour 1 ha pour un mélange semé à 110 kg/ha :

Munissez-vous d’une bétonnière pour effectuer le mélange.

  • 100kg grosses graines / 2 litres d’eau / 10 kg de glucose - Mélanger
  • 6 litres d’eau pour créer la colle - Mélanger
  • 10 kg de petites graines - Mélanger
  • 14 kg de farines pour assécher le mélange et éviter la prise en masse.


Pour plus d’informations, visionnez la vidéo du GIEE MAGELLAN:



Le semis à la volée a l’avantage d’avoir un débit de chantier très élevé (10 ha/heure) avec un coût très faible. De plus, les travaux se font durant une période calme. Cependant, cette technique nécessite une pluie après l’épandage ou le semis pour obtenir une bonne levée.

Les semis en direct dans les éteules

Couvert d’interculture implanté avec un semoir direct dans les éteules à la mi-juillet. Crédit photo : Charles Boutour.

Pour réussir l’implantation d’un engrais vert dans les éteules (chaume laissé sur place après la moisson), le semis direct avec un semoir à dents permet d’obtenir de très bons résultats. Les petites dents du semoir (environ 1 cm de large) vont ouvrir un sillon bien dégagé pour favoriser le contact sol-graine. Pour ce type de semis, le semoir à disque est déconseillé car il a tendance à accumuler des résidus dans le fond du sillon. Ces résidus l’assècheront, limitant fortement le potentiel de germination. Pour réduire l’assèchement, il est préconisé de laisser des pailles hautes (40 cm)[7]. La réussite du semis en sera améliorée.

Il est recommandé de semer dès le passage de la batteuse et au plus tard trois jours suivant la récolte. Cette technique de semis est intéressante car elle permet de conserver de l’humidité résiduelle encore présente à la moisson tout en assurant un placement des graines optimal. Elle est également économe en coût d’utilisation à condition d’avoir un semoir adapté. De plus cette méthode permet de semer une plus grande diversité d’espèces que le semis à la volée.

La destruction des engrais verts

La méthode de destruction la moins impactante pour la faune sauvage est le gel. Mais les périodes de gelées se faisant de plus en plus rare, il est compliqué de se fier à cette méthode.


Le pâturage de l’interculture est une option intéressante, mais elle n’est pas applicable partout car la présence d’un troupeau de ruminants est nécessaire sur ou à proximité de l’exploitation.


Pour le déchaumage superficiel et les modes de destruction mécaniques, la mise en place des techniques d’effarouchement doit être envisagée car ces couverts pourraient devenir des pièges mortels pour la petite faune.


En dernier lieu si aucune autre alternative n’est possible, le désherbage chimique reste autorisé.

Limites

Lorsque les parcelles ont été récoltées en conditions difficiles lors de la précédente récolte (tassement et création d’ornière), le déchaumage permet alors de niveler la parcelle. Dans les parcelles fortement impactées par les adventices, les faux semis peuvent contribuer à limiter le stock semencier. Cependant le travail du sol va limiter sa réserve utile disponible : évaporation de 4 mm d’eau par jour, compromettant ainsi la réussite des semis d’engrais vert[8]. Dans le cas d’enfouissement de matière organique, ces pratiques sont limitées.


Couvert d’interculture dans des éteules en décembre. Crédit photo : Charles Boutour.

A noter

Pour optimiser la séquestration du carbone dans le sol, il est recommandé de maintenir les engrais en végétation entre 6 à 8 mois. La résultante du maintien long de ces couverts est la séquestration de 126 kg de C/ha/an[9]. Cela permet également de créer des zones d’abris et de couvert en période hivernale aussi bien pour les espèces sédentaires (perdrix grises, lièvres, etc.) que migratrices (alouette des champs, caille des blés, etc.). Pour la composition du mélange choisi, il faut veiller à favoriser des plantes plutôt tardives car les plantes précoces se lignifient plus rapidement. La lignine pouvant occasionner des fins d’azote pour la culture suivante.

Pour aller plus loin

Vous pouvez consulter le guide Magellan.

Sources


  1. Donald P.F. ; Evans A.D. ;1994. Habitat selection by Corn buntings Milaria calandra in winter. Bird Study, 41 : 199-210
  2. 2 Millot F. et al. ; 2017. Mauvaise reproductions des perdrix grises ces dernières années Quel rôle des moissons des céréales ? Faune Sauvage n°317, P89-92
  3. Eraud C. ;2002. Ecologie de l’Alouette des Champs Alauda arvensis en Milieux Cultivés, Caractéristiques Ecologiques de l’Habitat et Perspectives de Conservation,Thése de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, ONCFS, Ministère de l’Education Nationale, de la Recherche et de la Technologie, p168
  4. Labreuche J. et al. ; 2011. Cultures intermédiaires Impacts et conduites, Arvalis institut du végétal, p231
  5. Stoate C. et al ; 2017. Field of the future, 25 years of Allerton project – A winning blueprint for farming, wildlife and the environnement, GWCT Allerton Project, 36p.
  6. Heckenbenner B. et al. ; 2011. CIPAN : quand l’outil règlementaire devient un atout agronomique et faunistique, Faune sauvage, n°291, p11-19.
  7. Thomas F. ; 2017
  8. Hatfield L. et al. ; 2001. Managing Soils t Managing Soils to Achie o Achieve Greater W eater Water Use Efficiency: A Re ater Use Efficiency: A Review, Publications from USDA-ARS / UNL Faculty. 1341
  9. Pellerin S. et al. ; 2019. Stocker du carbone dans les sols français, quel potentiel au regard de l’objectif 4 pour 1000 et à quel coût ? Synthèse du rapport d’étude, INRA, 114P

Annexes

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