Contrôler les cochenilles avec la coccinelle Cryptolaemus montrouzieri

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Adulte et larve de Cryptolaemus montrouzieri se nourrissant de cochenilles (mealybug). ©Jack Kelly Clark


Cryptolaemus montrouzieri est un agent de biocontrôle efficace dans la lutte contre les cochenilles. En effet, la larve et l'adulte de ce prédateur se nourrissent de tous les stades de développement des cochenilles.

Contexte

Les cochenilles causent de grandes pertes économiques, principalement en raison d’une diminution de la commercialisation des fruits en raison du développement massif de la fumagine sur le miellat excrété par la cochenille qui s'accumule sur les feuilles et les fruits. Par exemple, dans plusieurs vergers infestés du sud de la France, jusqu'à 80 % des fruits récoltés sont jetés lorsque les taux d'infestation sont élevés et que l'accumulation de la moisissure noire est particulièrement grave à la surface ou sur le carpelle des fruits[1].

Le biocontrôle comme stratégie alternative aux produits chimiques contre les cochenilles

La lutte contre la cochenille à l'aide d'insecticides classiques est difficile car la cochenille est recouverte d'une matière cireuse et en raison de sa nature cryptique. Le développement d'une résistance aux insecticides est un problème grave, aussi bien sous les climats tropicaux que tempérés. En raison de la sensibilisation croissante aux dangers des insecticides concernant la pollution du sol, de l'eau et de l'atmosphère, les approches de contrôle biologique semblent être le moyen le plus sûr et le plus accessible pour gérer les cochenilles. La gestion de ces ravageurs à l'aide d'une stratégie de lutte biologique est avantageuse dans le sens où les agents de biocontrôle sont persistants et durables dans l'environnement après leur libération et ont un faible coût[2].

Introduction de l’agent du biocontrôle Cryptolaemus montrouzieri

Cryptolaemus montrouzieri est un coléoptère prédateur des cochenilles. C'est un agent de biocontrôle efficace contre ces ravageurs, car à la fois les stades adulte et larvaire ont un appétit vorace pour les différents stades de développement de la cochenille. Il a également été commercialisé et largement utilisé dans plus de 40 pays, en particulier dans les serres et sur les cultures fruitières pérennes[2]. Il est également connu sous le nom de "destructeur de cochenilles".

Mode d’action et efficacité

Cryptolaemus montrouzieri est capable de se reproduire en se nourrissant uniquement de cochenilles. On a observé que tous les stades du prédateur se nourrissent de tous les stades du cycle de vie de la cochenille farineuse, y compris les œufs, les larves et les adultes. Les œufs sont pondus sur les masses d'œufs cotonneuses des cochenilles, les larves peuvent se nourrir de cochenilles farineuses pendant 12 à 17 jours, puis se nymphoser. Une seule larve peut consommer jusqu'à 250 petites cochenilles[3].

Cryptolaemus montrouzieri adulte en train de manger une cochenille.


Le potentiel d'alimentation de Cryptolaemus montrouzieri augmente significativement en fonction de l'avancement de ses stades de développement, ce qui assurera un taux de prédation continu au fil du temps.

Spectre d’action

C. montrouzieri a évolué comme un prédateur en se nourrissant principalement d'hémiptères phytophages. Il ne présente aucun risque d'attaque sur les cultures ou sur la végétation naturelle. C. montrouzieri est adapté pour se nourrir de petites espèces de proies, peu mobiles et à corps mou, comme les cochenilles.


Le tableau ci-dessous montre les proies de Cryptolaemus montrouzieri (Coleoptera : Coccinellidae), d'après la base de données Plant-SyNZ (15 juillet 2017). L'indice de fiabilité montre l'efficacité de l'association avec la proie (++++ =haute efficacité) [1], ce qui garantit la survie de C. montrouzieri.


Nom scientifique Nom commun Indice de fiabilité
Bactericera cockerelli Le psylle de la pomme de terre ++
Balanococcus diminutus Cochenille du lin ++++
Coccus hesperidum Le pou des Hespérides ++++
Coelostomidia zealandica La cochenille géante ++
Dysmicoccus ambiguus +++
Eriococcus araucariae Cochenille feutrée de pin ++++
Eriococcus pallidus Cochenille feutrée de Karo ++++
Nipaecoccus aurilanatus Cochenille Dorée ++++
Paracoccus glaucus Cochenille à oeuf long ++++
Paraferrisia podocarpi Cochenille Kahikatea ++++
Parasaissetia nigra Cochenille noire +++
Pseudococcus calceolariae Cochenille citrophile ++++
Pseudococcus longispinus Cochenille à long queue ++++
Pulvinaria mesembryanthemi Cochenille de la plante à glace ++++
Saissetia oleae Cochenille noire de l’olivier ++++

La survie est élevée à modérée lorsqu'on met le prédateur dans un endroit qui contient des proies qui sont étroitement liées à la cochenille. Cependant, il a été observé une réduction de l'aptitude du prédateur si on lui offre des espèces de proies qui ne sont pas des cochenilles.

Mode d'emploi

Pour de meilleurs résultats

Les conditions optimales pour l'utilisation de Cryptolaemus montrouzieri sont de 28°C avec une humidité relative de 70 à 80%, mais il peut être utilisé entre 16 et 33°C. Le prédateur est complètement inactif en dessous de 9°C, tandis qu'au-dessus de 33°C il cesse de chercher ses proies. Il est donc recommandé de le lâcher tôt le matin ou tard le soir, car la lumière et les couleurs claires le repoussent loin des plantes. Il est également important d'utiliser le prédateur entre les feuilles touchées ou sur la tige [2].

Le prédateur a tendance à se disperser lorsqu'il est relâché. Sous serre, les fenêtres et les ventilations doivent être fermées le jour du lâcher.

Taux d’introduction

La dose de Cryptolaemus montrouzieri dépend du climat, de la culture et de la densité de cochenilles et doit toujours être adaptée à chaque situation. Elle peut dépendre aussi de l'historique des attaques et du but de l'introduction.

  • En plein air : 1250-12500 coléoptères par hectare, à proximité de la population de cochenilles. Le premier lâcher devrait avoir lieu au début du printemps.
  • Vergers : 2500-5000 coléoptères per hectare .


De nombreux feuillus poussent lentement, c'est pourquoi il faut parfois attendre 2 à 4 mois avant de voir les résultats des programmes de lutte biologique contre les cochenilles. Une nouvelle croissance non infestée est un signe de contrôle [3].

Après le lâcher

Une surveillance régulière par un expert est recommandée après le lâcher pour vérifier que le Cryptolaemus s’est établi, car les larves du prédateur ressemblent à celles de la cochenille.

Des applications répétées peuvent être nécessaires pour les fortes infestations. Répéter le lâcher toutes les 2 semaines jusqu'à l’observation claire des populations du prédateur qui se sont établies sur la plante.

Pratiques culturales pour faciliter l'établissement

Les adultes de C. montrouzieri ont une grande capacité à voler et ils s'établissent largement si une grande population de cochenilles est présente ou si un effort particulier est fait pour garder les prédateurs près du site d'infestation.

  • Pour les situations en plein air, l'installation de cages en filet à des endroits stratégiques peut grandement améliorer l'implantation du destructeur de cochenille.
  • Dans les serres, une technique efficace consiste à confiner une partie de la population de C. montrouzieri dans des plantes fortement infestées à l'aide d'une moustiquaire ou d'un matériau similaire pendant quelques jours, pendant qu'ils pondent leurs œufs, afin de faciliter leur pupaison et de les protéger des lumières vives qui pourraient les distraire de la zone de lâcher [4].

Cryptolaemus Montrouzieri et l’utilisation des pesticides

Après le lâcher de C.montrouzieri, il faut éviter d'utiliser des insecticides à base de carbamate, d'organophosphate et de pyréthrinoïde de synthèse.

Il est recommandé de lâcher le prédateur de la cochenille au moins 4 semaines après l'application de ces pesticides. Les régulateurs de croissance des insectes peuvent être nocifs pour l'agent de biocontrôle. Les pulvérisations de nutriments et de cuivre sont considérées comme sûres et de nombreux acaricides sont également sans danger. Il faut éviter d'utiliser des huiles ou des savons insecticides, car ils peuvent nuire à C. montrouzieri . Cependant, les résidus de ces produits sur les feuilles sont considérés comme non toxiques [5].

Contrôle des fourmis

Les fourmis doivent être contrôlées car elles défendent les cochenilles contre le prédateur pour protéger leur miellat.

Larve de Cryptolaemus montrouzieri évitant le contact avec une fourmi à pieds blanc.


Il existe différentes méthodes pour lutter contre les fourmis [6], par exemple :

  • L'utilisation d'eau chaude à 47°C pour tuer les fourmis dans leurs nids. Cependant, l'eau chaude jusqu'à 49°C n'endommage pas la culture.
  • L'utilisation de "Tanglefoot", un ruban adhésif recouvert d'une substance inerte collante fabriquée à partir d'ingrédients naturels tels que de l'huile végétale, des résines d'arbres et autres. Ce produit doit être enroulé autour du tronc de l'arbre et remplacé lorsqu'il devient plein de fourmis mortes ou de débris.
  • Retirez toutes les branches basses qui permettent aux fourmis d'atteindre les cochenilles sur les arbres.
  • L'utilisation d'appâts pour les fourmis et la perturbation de leurs monticules.

Stockage

Il est recommandé de lâcher Cryptolaemus montrouzieri le plus tôt possible après l’arrivée du produit qui contient le prédateur. Si nécessaire, les coléoptères peuvent être conservés jusqu'à 2 jours dans l'obscurité à environ 17°C et nourris avec du miel [7].

Le coût relatif

L'utilisation de Cryptolaemus montrouzieri comme agent de biocontrôle des cochenilles a un coût (voir tableu ci-dessous), les prix indiqués dépendent de plusieurs paramètres (Voir la partie Taux d’introduction).

Conditions Taux d’introduction

par hectare

Le coût

par hectare [8]

En plein air 1250-12500 615 - 6150 euros
Verger 2500-5000 1230 – 2460 euros

Références

  1. Kreiter, P., & Germain, J.-F. (2005). Pseudococcus comstocki, espèce nouvelle pour la France et Aonidiella citrina, nouvelle pour la Corse (Hem., Pseudococcidae et Diaspididae). Bulletin de la Société Entomologique de France, 110(2), 132.
  2. 2,0 et 2,1 Gunawardana, D. U. M., & Hemachandra, K. S. (2020). Mass Rearing of Mealybug Predator, Cryptolaemus montrouzieri Mulsant (Coleoptera : Coccinellidae) on two Mealybug Species, Planococcus minor and Pseudococcus viburni. Tropical Agricultural Research, 31(1), 31. https://doi.org/10.4038/tar.v31i1.8342
  3. Kaur, H., & Virk, J. S. (2012). Feeding potential of Cryptolaemus montrouzieri against the mealybug Phenacoccus solenopsis. Phytoparasitica, 40(2), 131‑136. https://doi.org/10.1007/s12600-011-0211-3



Annexes


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