Crédits carbone en grandes cultures

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Stock de carbone organique dans les 30cm de sol.png

Les crédits ou certificats carbone sont des tonnes équivalents CO2 économisées grâce à des changements de pratiques. Une tonne "équivalent CO2" est une quantité de gaz à effet de serre (CO2, CH4, N2O) dont l’effet sur le climat est équivalent à l’effet d’une tonne de CO2.

Principe

Le nombre de crédits carbone générés par une exploitation agricole est calculé en faisant la différence entre deux scénarii :

  • Un scénario, dit de référence, qui correspond à l’empreinte carbone actuelle de l’exploitation sur une année culturale.
  • Un scénario, dit de projet, au cours de laquelle l’agriculteur met en place des actions qui doivent permettre de diminuer l’empreinte carbone.


Les crédits ou certificats carbone sont vendus sur le marché volontaire du carbone à des organismes engagés souhaitant contribuer au financement de puits de carbone en France. Les gains liés à cette vente doivent permettre à l’agriculteur de financer en partie les changements qu’il décide d’opérer sur son exploitation.


Quel est l’objectif des crédits carbone ?

L’objectif principal du mécanisme de crédits carbone est de favoriser la transition vers une agriculture moins émettrice de carbone et permettant de restaurer les taux de matière organique (dit autrement le carbone du sol) présents dans les sols agricoles en apportant aux agriculteurs une solution de financement de leur projet.


Par exemple, la mise en place de couverts végétaux en interculture est un des leviers majeurs pour augmenter la restitution en matière organique et ainsi améliorer le stockage du carbone dans les sols. De récentes études ont montré que l’extension des cultures intermédiaires (semis + destruction) a un coût total annuel moyen de 39 €/ha/an[1]. Ce surcoût, rentabilisé sur plusieurs années culturales grâce à la régénération des sols mais qui peut faire baisser la marge par hectare sur les premières années d’implantation, a vocation à être supporté par la vente de crédits carbone.


Comment sont calculés les crédits carbone ?

Les crédits carbone sont calculés en faisant la différence entre l’empreinte carbone du scénario de référence et celle du projet (à savoir, l’année culturale intégrant un ou plusieurs changements de pratiques) :


Nombre de crédits carbone = Empreinte carbone de référence - Empreinte carbone du projet


Selon la méthodologie appliquée, l’empreinte carbone de référence peut être calculée sur la base d’une année unique de référence ou d’une moyenne des empreintes carbone de plusieurs années consécutives (souvent de 3 à 5 années) avant la mise en place du projet. Une année est une année culturale, d'octobre à octobre. De la même façon, l’empreinte carbone du projet peut être calculée sur la base d’une seule année de changements de pratiques ou bien d’une moyenne des empreintes carbone d’un projet de plusieurs années (souvent 5 ans en France).


Ainsi, par exemple pour un projet de transition démarré en 2022 : Nombre de crédits carbone pour 2022 = Empreinte de 2021 - Empreinte carbone de 2022 ou Nombre de crédits carbone pour 2022 = Moyenne des empreintes de (2019, 20 et 21) - Moyenne des empreintes carbone estimées de (2022, 23, 24, 25, 26)


Dans le cas n°1, le nombre de crédits carbone est le reflet de la performance carbone réelle et constatée de l’exploitation. Dans le second cas, le nombre de crédits carbone est le reflet d’une projection anticipée de la diminution d’empreinte carbone sur 5 ans.


Comment calcule-t-on une empreinte carbone ?

Les méthodes de calcul d’empreinte carbone pour les grandes cultures s’articulent autour de trois composantes de l’activité d’une exploitation agricole :

  1. La gestion de la fertilisation.
  2. La consommation de carburant liée aux interventions sur les parcelles en grandes cultures.
  3. L’évolution du stock de carbone du sol.


Certains programmes proposent d’estimer exclusivement les émissions de gaz à effet de serre (GES) directement inhérentes aux pratiques agricoles (points 1 et 2 ci-dessus) ou inversement seulement le stock de carbone du sol (point 3). La quantité de données à saisir peut donc varier mais le résultat ne prend alors pas en compte l’ensemble du potentiel carbone de l’exploitation.


Différentes méthodes d’évaluation des émissions de gaz à effet de serre et de stockage de carbone du sol existent et présentent des niveaux de précision variables. En France, le modèle de suivi de l’évolution du stock de carbone du sol reconnu comme le plus précis est le modèle AMG. Le modèle AMG est une méthode numérique permettant de modéliser la quantité de carbone organique dans les sols et de l’évolution de stockage de carbone au cours du temps[2].


En fonction de la méthodologie choisie, les données à saisir sont plus ou moins complexes et les résultats plus ou moins précis et complets. Il est important de retenir que peu importe le modèle, les résultats seront biaisés et inexacts si les données entrées sont incorrectes ou incomplètes.


Comment sont certifiés les crédits carbone ?

Il existe plusieurs cadres de certification : internationaux, nationaux, privés ou publics. Dans un cadre de certification, il peut exister différentes méthodologies de calcul des réductions d’empreinte carbone.


Au niveau international

Le cadre de certification international Gold Standard, créé en 2003 par plusieurs organisations parmi lesquelles WWF, Greenpeace et la Fondation des Nations Unies, labellise des projets en lien avec le développement durable (climat, gestion des ressources naturelles, énergies renouvelables…) et générant des réductions d’émissions de gaz à effet de serre.

Il existe d'autres cadres de certifications internationaux comme Verra, REDD+,...


En France

Le Label Bas Carbone (LBC) est le cadre de certification national. Le LBC est une initiative publique française du Ministère de la Transition Écologique. Créé en 2019, il a pour objectif "de contribuer à l’atteinte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2050 de la France"[3]. Le LBC propose plusieurs méthodologies de calcul, dont certaines proposées par des entreprises privées. C’est par exemple le cas de la Méthode SOBAC’ECO-TMM qui permet de mesurer les réductions d’émissions de gaz à effet de serre liées à la diminution d’achat d’intrants. La méthode Grandes Cultures du LBC permet la valorisation des réductions d’émissions de GES et d’augmentation du stockage du carbone du sol.


Les cadres de certification privés

Il existe également des cadres de certification privés, comme ceux de Rize ag, ERS - Ecosystem Restoration Standard, Riverse ou encore Inuk. La légitimité scientifique de ces modèles repose sur des validations par des tiers : certification par des auditeurs externes, comités scientifiques, normes ISO, consultations publiques, etc. Les initiatives d’entreprises privées tentent souvent de répondre à des problématiques non traitées par les cadres nationaux ou historiques : prise en compte des nouvelles technologies (par exemple l'Intelligence Artificielle ou l’imagerie satellitaire), simplification de la saisie des données d’entrées, meilleure adéquation avec les problématiques terrain et techniques, etc.


Que deviennent ces certificats carbone ?

Une fois générés, les certificats carbone sont achetés par des organismes privés sur le marché volontaire du carbone.


Le marché volontaire du carbone

La législation fixe des seuils limites aux émissions de GES de certaines entreprises issues de secteurs à fort impact carbone (production d’électricité, acier, papier…), en leur allouant un certain quota d’émissions de GES qu’elles ne peuvent dépasser. Parfois appelés "droits à polluer", ces quotas se vendent et s’achètent sur un marché dont le fonctionnement est similaire à une bourse. Il s’agit du marché dit ETS, pour Emission Trading System[4], encore appelé le marché du carbone obligatoire. Les entreprises soumises à ce marché du carbone sont tenues de restituer à la fin de l'année autant de quotas que de tonnes de CO2 équivalentes émises dans l'atmosphère.


Au-delà de ces obligations réglementaires, certaines entreprises engagées (qu’elles soient ou non soumises au quotas) souhaitent participer pleinement à l’effort de neutralité planétaire en soutenant financièrement des projets concrets de réduction d’émissions ou de séquestration carbone, par exemple issus de l’agriculture française. C’est donc de manière volontaire que ces entreprises ou organisations achètent des crédits carbone. Ceux-ci s’échangent ainsi entre deux parties de gré à gré, sur le marché dit volontaire du carbone. Sur le marché volontaire, les crédits carbone se vendent et s’achètent grâce à des transactions ou contrats sur-mesure. Le prix du crédit carbone est fixé par les parties prenantes elles-mêmes : il résulte d’une négociation entre le vendeur, l’acheteur et le ou les potentiels médiateurs de la transaction.


En bref, les quotas carbone sont une quantité maximum d’émissions CO2 équivalent qu’une entreprise est autorisée à émettre alors que les crédits carbone représentent des économies de carbone résultant de changements de pratiques entre deux scénarios. Dans les deux cas, il s’agit de la même unité (tonne de CO2 équivalent), mais ce sont des notions bien distinctes. Les marchés obligatoire et volontaire du carbone sont complémentaires mais indépendants.


Qui sont les entreprises qui achètent des crédits carbone sur le marché volontaire ?

De profils parfois différents, ces organisations ont pour point commun le souhait de soutenir des projets locaux à fort impact. Rize observe que ses principaux clients sont des entreprises françaises de taille moyenne qui inscrivent leur contribution dans une démarche RSE (Responsabilité Sociétale et Environnementale) forte, souvent sous l’impulsion de leurs salariés.


Pourquoi ces entreprises achètent-elles des crédits carbone ?

Les motivations de ces entreprises et organisations peuvent être très diverses. Il s’agit systématiquement d’un engagement fort, généralement porté par les équipes internes, qui s’exprime par la volonté de contribuer à la transition agroécologique. Dans cette optique, quoi de mieux que de rentrer en contact direct avec les principaux intéressés, à savoir les agriculteurs.


Naturellement, la plupart des entreprises souhaitent également communiquer sur ce soutien (à noter que ce n’est pas le cas de toutes), non seulement pour associer leur image aux projets soutenus, mais surtout pour sensibiliser leurs salariés et leurs partenaires aux enjeux de l’agriculture.


De nombreuses entreprises anticipent également des demandes futures de la réglementation de l’Union Européenne quant à la compensation de leur empreinte carbone par des rachats de crédits carbone. Le marché volontaire deviendrait alors communicant avec le marché obligataire (ce n’est aujourd’hui pas encore le cas). Elles cherchent ainsi à monter en compétence sur les crédits carbone en participant au marché volontaire, en investissant dans des projets qui les inspirent.


Au-delà d’une vision exclusivement carbone, ces entreprises souhaitent soutenir des projets agricoles locaux, dans une logique de maintien et de développement du dynamisme économique et écologique des territoires. A travers cette contribution financière, les financeurs visent à :

  • Renforcer la résilience alimentaire à moyen terme grâce à la santé des sols.
  • Au maintien de leur fertilité des sols.
  • A la résilience aux aléas climatiques.
  • A la préservation des écosystèmes.
  • A la réduction de la dépendance aux intrants minéraux et fossiles.


Enfin, ces entreprises sont particulièrement intéressées par soutenir des projets dont l’impact au sens large est établi : impact climatique, impact sur la biodiversité, mais également l’impact social (maintien de l’emploi en zone rurale, conditions de travail des agriculteurs, …).


Quels sont les leviers agronomiques qui ont le plus d’impact sur l’empreinte carbone de l'exploitation ?

L’agriculture, comme toute science du vivant, ne présente malheureusement pas de "levier miracle" pour la capture de carbone. Il faut mettre en œuvre un ensemble de leviers pour permettre de réduire le bilan carbone à l’échelle de l’exploitation après l’adoption ou l’évolution des pratiques. Cela dit, quelques leviers ont généralement un impact significatif.


Les leviers les plus importants sont :

  • Les ajouts de couverts intermédiaires.
  • Les ajouts de légumineuses dans l’assolement.
  • L’optimisation de la fertilisation minérale et organique.
  • L’augmentation des rendements.
  • Le maintien des résidus de culture sur les parcelles.


L’augmentation des rendements est un levier ?

En effet, un rendement élevé est synonyme d’une culture avec une biomasse importante : augmenter ses rendements signifie également augmenter la biomasse, et donc des résidus de culture qui, laissés sur la parcelle, qui apporteront de la matière organique au sol.


Il est néanmoins important de noter que si l’augmentation du rendement est liée à une augmentation de l’utilisation de fertilisants minéraux, il est possible que le bilan carbone global de l’exploitation soit négativement impacté : l’effet bénéfique des résidus de culture serait alors écrasé par le bilan carbone des engrais minéraux.


Combien peut-on gagner avec les crédits carbone ?

Selon les changements de pratiques (plus ou moins importants), une exploitation peut viser de 0,5 à 3 crédits carbone par hectare et par an, ("cc/ha"). Ils sont vendus à un prix unitaire de marché compris entre 30€ et 35€ selon les programmes (à titre d’exemple, Rize les valorise à hauteur de 35€). Vous pouvez obtenir votre potentiel de rémunération carbone en multipliant la valeur du certificat carbone par votre résultat estimé de certificats carbone générés.


Exemple : Je peux générer 1 cc/ha en faisant évoluer certaines de mes pratiques. Mon exploitation fait 100 ha. Je peux gagner :1 x 100 X 35€ = 3500€ par an.

Pour obtenir une estimation rapide de votre potentiel carbone, il existe des outils en ligne, simple d’utilisation, qui permettent en moins d’une heure de calculer l'empreinte carbone actuelle (émissions et sol) ainsi que le gain associé à un projet de changement de pratiques sur 2022 ou 2023.

Cela permet d’évaluer très rapidement l'intérêt de ces schémas de financement pour l'exploitation avant de s'engager dans un programme carbone.


Faire une simulation


Les crédits carbone sont-ils cumulables avec d’autres aides ?

Les crédits carbone sont par nature une compensation carbone, et non une aide directe d’une instance publique. Les certificats carbone peuvent donc être cumulés aux aides de la Politique Agricole Commune (PAC) notamment.


En revanche, il n’est pas possible de déclarer un même projet bas carbone dans plusieurs programmes issus de différentes entreprises. En effet, de par leur nature, les crédits carbone (qui représentent une économie de carbone) ne peuvent être comptabilisés et donc vendus qu’une seule fois.


Afin d’éviter ces phénomènes de double comptabilisation, plusieurs acteurs se sont fédérés en créant la Climate Agriculture Alliance (CAA), association dont la mission est de faciliter la valorisation du carbone en agriculture. Grâce à son registre FarmVault, elle garantit la traçabilité des réductions d’émissions et la capture du carbone par des exploitations participant aux programmes de rémunération carbone.


Combien ça coûte de générer des crédits carbone ?

Destruction de couvert par mise au pâturage de brebis avec Lucile Pérès, qui accompagne des agriculteurs dans le Gers.

Pour générer un crédit carbone, une exploitation a besoin :

  • De calculer son empreinte carbone de référence.
  • De choisir les pratiques qu’elle souhaite faire évoluer.
  • De calculer son empreinte carbone de projet.
  • D’entrer dans un programme carbone, sous le cadre de son choix.
  • De vendre les crédits carbone.


Des entreprises proposent des accompagnements sur une ou plusieurs de ces étapes, avec des modèles de facturation différents. Peuvent être facturés :

  • La réalisation du bilan carbone.
  • La mission de représentation auprès d’un programme.
  • L'accompagnement et le conseil agronomique.
  • La vente des crédits carbone.
  • ...


Ces prix varient en fonction du modèle déployé par les entreprises.


Est ce qu’il ne vaut mieux pas attendre que le prix du carbone augmente pour entrer dans un programme ?

Si la tendance du prix du carbone est à la hausse sur le marché volontaire, il est bon de rappeler néanmoins que :

  • La restauration des capacités des sols prend du temps, décaler le début de l’évolution de ses pratiques, c’est aussi retarder leurs effets bénéfiques.
  • Lorsque l'on repousse son entrée dans un programme carbone d’une année, on perd l’intégralité des crédits carbone qui auraient pu être générés cette année-là en initiant les changements.


D'un prestataire à l'autre, la durée pour laquelle le prix du crédit carbone est fixée peut changer (Rize fixe le prix sur un an, d'autres peuvent considérer des durées plus longues). Cependant l'important est surtout de considérer ces crédits comme une manière de rémunérer une partie de l'effort qui aurait été mis en place dans tous les cas - et donc d'en profiter le plus tôt possible.


Exemple : L’exploitation A entre dans un programme carbone en 2023. Le prix du carbone est fixé à 35€ la tonne. Elle génère en 2023 100 CC. Elle peut donc gagner 3500 € la première année. En 2024, elle génère 120 CC. Elle peut donc obtenir 4200 €, soit 3500 + 4200 = 7700 € de gains à la fin de l’année 2024.

L’exploitation B attend que le prix du carbone augmente. Elle entre dans un programme carbone en 2024. Le prix du carbone a augmenté de 15% pour atteindre 40€/T. Elle génère 100 CC pour sa première année. Cela représente 4000 € de gains à la fin de l’année 2024.

Pour aller plus loin

Stocker 4 pour 1 000 de carbone dans les sols : le potentiel en France - INRAe


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Cet article a été aimablement rédigé par Alexandre Benoist, Etienne Variot et Elise Leflour de Rize qui se donne pour mission d'accélérer la transition agroécologique en développant des nouveaux schémas de financement des pratiques agricoles durables.

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Annexes


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