Le recépage de la vigne
Le recépage est une technique très répandue, utilisée pour reformer un nouveau tronc avec un jeune pampre. L’avantage est que le système racinaire bien développé d’une vigne en production est conservé. De plus, la vigne recépée rentrera à nouveau en production bien plus rapidement qu’un jeune complant. L’efficacité de cette technique est très bonne pour lutter contre l’eutypiose (BNIC-INRA Bordeaux, 1989). L’efficacité contre l’esca et le Black Dead Arm est partielle car une partie des ceps recepés peuvent exprimer à nouveau des symptômes les années suivantes.
Plusieurs méthodes, complémentaires au sein d'une même parcelle, existent. Ainsi, le recépage peut être :
- préventif, réalisé avant l’apparition des premiers symptômes des maladies du bois
- curatif, utilisé sur des ceps qui expriment des symptômes.
La réussite du recépage dépend de nombreux facteurs :
- le cépage,
- le développement de la maladie : le recépage fonctionne davantage lorsqu'il est réalisé tôt.
- la région
Mise en pratique
Au vignoble, le recépage peut être mis en place dans différentes circonstances. Il peut être justifié sur des ceps sains mais présentant des facteurs favorisants au développement des maladies du bois. Mais aussi dans le cas où les vignes expriment le début des premiers symptômes de maladies du bois ou encore sur des ceps totalement malades. Nous distinguons deux types de techniques de recépage en fonction de la situation :
- « le recépage classique », réalisé sur une vigne en production à l’aide d’un pampre qui a poussé spontanément,
- « le recépage forcé » réalisé grâce à un pampre qui a poussé suite à la décapitation du vieux tronc.
Réalisation sur vignes symptomatiques : le recépage forcé
Il est possible de recéper un cep, et donc de remplacer l’ancien tronc malade par un pampre qui formera un nouveau tronc sain. Cela aide à améliorer le rendement, et peut ralentir la propagation de la maladie en éliminant une source potentielle d’inoculum dans la parcelle. Il n’est cependant pas garanti qu’il n’y aura pas de réinfection. De plus les plaies de tailles réalisées pour le recépage doivent être protégées par une application de fongicides (Smart, 2015), ou par un agent de biocontrôle. Il est possible de décapiter les ceps avant les vendanges, dès que les premiers symptômes de maladies du bois sont visibles. En effet, le recépage semble plus efficace lorsque la maladie n’est pas sous forme apoplectique mais plutôt sous forme lente et au début de l’expression des symptômes. Si les ceps de vignes malades ont été marqués, ils peuvent être coupés durant l’hiver. Les cépages peuvent réagir différemment à la décapitation, et ont des capacités différentes de production de pampres au printemps. Un élément particulièrement important est de tronçonner le cep en dessous des nécroses des maladies du bois, pour retirer la totalité du bois malade constituant l’inoculum et également d’appliquer sur la plaie des fongicides. Si la décapitation est faite en hiver, la plaie de la décapitation doit être protégée pour limiter la pénétration des champignons.
Les étapes du recépage forcé
- Réaliser cette technique sur des parcelles adaptées, sur un cépage qui produit suffisamment de pampres.
- Enlever la partie symptomatique du tronc en le sciant à la base, en dessous des dernières nécroses (à la scie ou à la tronçonneuse). Protéger la plaie (en appliquant un fongicide ou un agent de biocontrôle) et attendre le printemps.
- Au printemps, sélectionner un pampre bien développé à la base du tronc. Faire attention à ne pas sélectionner un rejet du porte-greffe.
- Tuteurer le pampre. Si besoin, le protéger du désherbage chimique ou mécanique, avec des tuteurs solides ou des manchons en plastique.
- Réaliser un ébourgeonnage, adapté à la taille de formation d’un jeune plant.
- Tailler le plant comme un jeune plant, en réalisant une taille de formation adaptée au système de taille en place.
Résultats de cette technique
Cette technique est très efficace pour lutter contre l’eutypiose. Pour l’esca et le Black Dead Arm, cette technique est plus efficace quand les vignes sont touchées par la forme lente. En effet, si elles sont touchées par la forme foudroyante, une partie des ceps recépés expriment à nouveau des symptômes dans les deux années suivantes. Les nouveaux troncs peuvent être exempts de maladies du bois si la décapitation a été réalisée suffisamment basse, en dessous des chancres et des nécroses dues aux champignons pathogènes
Réalisation sur ceps sains : le recépage préventif
Cette technique consiste à recéper avant d’observer des symptômes de maladies du bois. Il s’agit de rajeunir les troncs, pour prévenir l’apparition des maladies du bois. Cela peut se réaliser sur une parcelle ou seulement sur quelques ceps en fonction de plusieurs paramètres. Lorsqu’une jeune parcelle (moins de 15-20 ans) commence à exprimer des symptômes de maladies du bois, c’est que le bois d’une majorité des ceps comporte des nécroses de maladies du bois et présente des trajets de sèves altérés, le pourcentage de mortalité va donc augmenter dans les années qui suivent. Dans ces parcelles, il est possible de restaurer les flux de sève et de supprimer l’inoculum en réalisant un recépage massif de la parcelle. Pour cela, le mieux est de sélectionner un pampre se situant le plus bas possible sur le tronc, pour retirer un maximum d’inoculum (SICAVAC, BIVC, 2015). Dans cette situation, le tronc d’origine peut être préservé et continue à produire en double tronc, il peut même servir de tuteur au jeune pampre, jusqu’à ce qu’il forme un nouveau tronc productif. Il est intéressant de réaliser le recépage sur une parcelle entière car l’entretien des ceps recépés nécessite un travail manuel spécifique, proche de l’entretien d’une jeune plantation. Il est plus facile de gérer le recépage lorsqu’il est réalisé uniformément sur une parcelle. Il est également possible de recéper préventivement seulement quelques ceps, en réalisant un recépage ponctuel lorsque l’on repère des ceps présentant des facteurs favorisant les maladies du bois. Comme dans le cas précédent du recépage forcé, lors du recépage préventif, les plaies de tailles doivent être protégées.
Le recépage précoce selon Richard Smart
Le recépage précoce selon Richard Smart a divers objectifs :
- conserver les ceps en bonne santé
- rétablir les rendements avant la perte de récolte
- gérer les maladies du bois dans le vignoble à un stade précoce de l’infection.
Les étapes du recépage précoce
- Évaluer l’infection par les maladies du bois en comptant les vignes exprimant les symptômes foliaires ainsi que les ceps morts et les manquants. Le moment de la notation dépend de la maladie prédominante dans le vignoble. Pour l’eutypiose elle peut être faite au printemps et pour l’Esca et le Black Dead Arm elle peut être faite à la fin de l’été, avant les vendanges.
- Évaluer le risque de maladie : selon le cépage, il existe une sensibilité différente aux maladies du bois.
- Combiner le risque et l’état d’infection de la parcelle pour décider de la stratégie de gestion.
Selon le risque de la parcelle (sensibilité des cépages, gestion globale) et le taux d’infection actuel de la parcelle, 4 stratégies de gestion sont proposées par R. Smart :
- Stratégie 1 - risque faible, infection faible : enlever les ceps morts et garder des pampres sur les ceps présentant les symptômes des maladies du bois et recéper ces ceps.
- Stratégie 2 - risque faible, infection moyenne, risque moyen : notation avant les vendanges pour identifier précocement les souches symptomatiques. Réaliser un recépage des ceps symptomatiques ainsi que des ceps adjacents (si il y a propagation par foyers des symptômes des maladies du bois)
- Stratégie 3 - risque faible, infection élevée ou risque moyen, infection moyenne et élevée ou risque élevé, infection faible et moyenne : même stratégie que la stratégie 2, mais tous les troncs seront recépés sur un ou deux ans.
- Stratégie 4 - risque élevé, infection élevée : tailler très court en hiver, décapiter tous les troncs au printemps pour recéper tous les ceps. Remplacer les morts et manquants, ou ceux qui n’ont pas pu être recépés.
Résultats de cette technique
La présence de pampres à la base du tronc est un facteur clé de la réussite d’une stratégie de recépage, et dépend de plusieurs facteurs :
- Le cépage : certains cépages ne sont pas adaptés au recépage car ils ont une production trop faible de pampres.
Exemples de cépages adaptés : Colombard, Merlot, Gewurztraminer, Auxerrois Exemples de cépages non adaptés : Ugni Blanc, Riesling, Portugieser…
- Le mode de conduite : l’épamprage chimique n’est pas favorable à la repousse de pampres. De même, un épamprage très rigoureux tous les ans n’est pas favorable au développement des bourgeons partants du vieux bois.
- L’âge des ceps : plus la vigne est jeune, plus elle produit de pampres. Avec l’âge, le nombre d’yeux dormants à la base du tronc diminue. Il vaut donc mieux envisager le recépage sur des vignes pas trop âgées. Sur des vignes de moins de 20 ans, les résultats sont très bons.
Aider la vigne à produire des pampres à la base du tronc
Si des bourgeons sont présents à la base du tronc, il est possible de les aider à débourrer en éliminant l’excès d’écorce qui les recouvre et en réalisant une entaille superficielle (2 mm de profondeur sur 3-4 centimètres de long à la base du tronc).
Coût
Une partie des pertes économiques liée aux symptômes des maladies du bois peut être compensée par la mise en place de techniques qui limitent les dommages, comme le recépage par exemple. Globalement, la mise en place de techniques préventives pour lutter contre les maladies du bois sont profitables. En effet, utiliser des techniques préventives de manière précoce permet d’allonger la période de rentabilité d’une parcelle. Le coût des de techniques utilisées pour assainir ou prévenir les maladies du bois sur un cep (recépage, regreffage…) sera toujours inférieur au coût du remplacement du plant. Plus les techniques préventives sont mises en place de manière précoces, plus le bénéfice à long terme sera grand . La rentabilité du recépage dépend notamment du prix du vin et du nombre restant d’années de production de la parcelle. Le recépage se justifie si la durée de vie de la parcelle est d’au moins encore de dix ans, si le prix du vin est supérieur à 0,8 € le litre et si le taux de réussite du recépage est supérieur à 20%. Lorsque le recépage fonctionne avec 60% de réussite (vignes symptomatiques devenue asymptomatiques), le coût du recépage est de 3€/cep. Le remplacement d’un cep par un complant est de 9€.
Sources
- Cet article a été rédigé à partir du document PDF : "Le recépage de la vigne : Une pratique appliquée sur le terrain dans le but de limiter les dégâts dus aux maladies du bois" édité dans le cadre du Plan National Dépérissement du Vignoble.