Comment gérer la germination sur pied des céréales à paille ?

De Triple Performance
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Germination sur pied du blé. Crédit photo : Pauline Migneret.



Avant la récolte, les grains peuvent parfois germer dans l’épi. Ce phénomène appelé germination sur pied peut avoir des conséquences sur le poids des grains et le poids spécifique, sur les débouchés en alimentation humaine dont les aptitudes à la panification de la farine.

Les conditions favorisant la germination sur pied

Trois facteurs favorisent le risque de germination sur pied des céréales à paille :

  • La résistance variétale à la germination sur pied.
  • Le climat pendant la phase de maturation du grain, approximativement en juillet. Un temps chaud est favorable à la levée de la dormance des graines et donc à leur germination précoce.
  • Le climat post maturation du grain : un temps humide et frais sera favorable à la germination.

Observation et mesure de la germination sur pied

La germination peut être facile à observer si le coléoptile est développé sur l’épi, mais l’examen visuel ne permet pas toujours d’observer les grains germés.

La mesure du temps de chute de Hagberg permet de confirmer qu'il y a bien germination des grains. Cet indice mesure indirectement l’activité des amylases (enzymes dégradant l’amidon) qui peut devenir excessive dans le cas de la présence de grains germés ou en voie de germination. En deçà d’un temps de chute de 180 secondes, la valeur d’utilisation en boulangerie est préjudiciable. La dégradation du temps de chute de Hagberg indique donc une mise en route de l’activité amylasique, qui peut ne pas se manifester immédiatement par la germination du grain.


La germination sur pied se mesure par comptage du nombre de grains visuellement germés, ramené en pourcentage. Pour les transactions commerciales, le seuil est de 2 % de grains germés.

Eviter les situations à risque

Pour germer, une graine doit rencontrer plusieurs conditions, de température, d’humidité et de physiologie interne, à savoir de dormance. Un grain à plus de 37% de teneur en eau germera toujours à des températures basses, inférieures à 10°C.

Lorsque les températures sont plus élevées, un grain ne peut germer que si sa dormance a été levée.

  • Phase de levée de dormance : la dormance peut être levée sous l’effet de températures excessives s’accumulant à partir du stade laiteux - pâteux. La quantité de chaleur nécessaire est un critère hautement variétal, les variétés sensibles nécessitant moins de chaleur cumulée pour lever leur dormance.
  • Phase d’expression de la germination : une fois la dormance levée, le grain germera dans toutes les conditions de température dès lors que le seuil de teneur en eau critique a été dépassé. L’imbibition du grain par les pluies ou un temps très humide joue donc un rôle important.

Cette imbibition rend possible le passage de l’oxygène vers l’embryon, phénomène favorisé par des températures faibles. Le maintien de l’eau au contact des grains est évidemment renforcé en présence de verse.

Nuisibilité de la germination sur pied

  • En alimentation animale : les céréales germées gardent toute leur valeur nutritionnelle pour l’alimentation de porcs et de volailles. Toutefois il faut s’assurer que la collecte, le séchage et le stockage soient réalisés de façon correcte, pour arrêter le processus de germination et éviter le développement fongique.
  • En alimentation humaine : La valeur d’utilisation en boulangerie peut être fortement altérée. La mesure de l’indice de chute de Hagberg permet d’évaluer le niveau de germination.

En parallèle, le poids spécifique (PS) se dégrade sous l’effet de pluies pendant la dessication des grains. Ainsi, les grains germés auront également un PS abaissé (-0.5 point pour 10 mm). En situation à forte germination sur pied (germination visible sur épi), le PMG (poids de mille grains) peut être affecté et conduire ainsi à une baisse de rendement.

Solutions préventives et curatives

  • Sensibilité variétale : Selon les génotypes des variétés, la durée de dormance varie de 7 jours à quelques mois. Il existe une échelle de sensibilité des variétés à la germination sur pied, établie par le GEVES. Consulter la documentation ARVALIS.
  • Récolter dès que possible pour se préserver du risque.

Sensibilité des espèces

Le blé dur

Le blé dur est une espèce qui germe sur pied facilement.

Sauf cas extrêmes, la germination aurait peu d’effet sur la fabrication des semoules et la pastification. Par contre, l’impact sur la couleur par brunissement (réaction de Maillard au séchage des pâtes) serait notable dans les procédés modernes à hautes températures, mais négligeable dans les procédés à basses températures.

L'orge et l'avoine

L'orge et l'avoine sont moins sensibles à la germination sur pied que le blé du fait que les téguments de ces espèces sont davantage soudés aux parois de la graine. Cette caractéristique physique limite de ce fait les entrées d’eau à l’intérieur de la graine. Elle réduit également les entrées d’oxygène, à destination de l’embryon, nécessaire à la germination (l’oxygène étant véhiculé par l’eau). Par ailleurs, les téguments des orges renferment davantage de quinones, molécules qui fonctionnent comme de véritables pièges à oxygène quand l’eau pénètre.

La germination de l’orge impacte sa qualité dans le sens où une orge germée (ou pré-germée), même stockée correctement, perdra sa capacité à germer au maltage.

Le triticale

En raison de ses caractéristiques génétiques, le triticale est la céréale la plus sensible à la germination sur pied. En effet, pour le triticale, la dormance est plus courte que pour le blé et la levée de la dormance est plus rapide.

Toutefois, un début de germination ne modifie pas la valeur alimentaire du triticale. La conservation peut se faire par voie humide en anaérobie. Les grains peuvent être conservés entiers inertés ou aplatis et ensilés.

Que faire si la récolte n'a pas été possible avant la germination sur pied ?

Germination sur pied du blé. Crédit photo : Arvalis Institut du végétal.

On passe au plan B ! Si la récolte ne peut plus être à destination de l'alimentation humaine, des alternatives sont possibles.

Valoriser les grains germés par les ruminants

Certaines précautions vont devoir être prises lors de la récolte et de la conservation. Prenons l'exemple du triticale.

Comment les récolter ?

Il est préférable de récolter les parcelles en grain. A ce stade de maturité, les triticales ne peuvent plus être ensilés. La teneur en MS de la plante entière est beaucoup trop élevée pour pouvoir réussir la conservation du fourrage : tassement du silo impossible empêchant toute fermentation lactique nécessaire à l’acidification…

Au moment de la récolte en grain, on distingue 2 types de situations :

  • Les germes sont inférieurs à 1 cm : la teneur en eau du grain à la récolte doit être inférieure à 20 % afin de pouvoir assurer la conservation en voie sèche, en silo à grain (séchage et ventilation).
  • Les germes sont supérieurs à 1 cm : la teneur en eau du grain à la récolte doit être d’au moins 30 %. De cette façon, le grain garde un peu de sucres solubles nécessaires à la fermentation lactique indispensable pour la conservation en voie humide. Si les grains ne sont pas assez humides, ils pourront éventuellement être humidifiés au stockage.

Dans tous les cas, les réglages de la moissonneuse doivent être ajustés : ventiler le produit au maximum et ouvrir les grilles inférieures de séparation et réduire la vitesse d’avancement.

Comment les conserver ?

Séchage ou inertage : quelles stratégies mettre en place pour ces céréales destinées aux animaux ?

Si le germe est inférieur à 1 cm

La conservation en grain est encore possible si l'humidité est inférieure à 20%. La teneur en eau du grain à la récolte doit être inférieure à 20 % afin de pouvoir assurer la conservation en voie sèche en silo à grain. Pour une teneur d’humidité inférieure à 16% une ventilation simple suffira.

Avant la mise en cellule, il est particulièrement important de bien nettoyer le grain afin de séparer les bons grains des débris végétaux et des germes plus humides qui pourraient affecter la qualité de la conservation et occasionner des échauffements.

Le stockage se fait ensuite dans les mêmes conditions qu’un grain non germé, en respectant toutes les bonnes pratiques habituelles :

  • Refroidir le plus rapidement possible, par paliers, en respectant au premier palier un écart de température maximal de 10°C entre la température du grain et la température de l’air de ventilation afin d’éviter tout phénomène de condensation sur les parois de la cellule.
  • Ne pas attendre que la cellule soit pleine pour commencer la ventilation. Dès que les gaines sont recouvertes, la ventilation peut démarrer.
  • Surveiller scrupuleusement la température du grain et l’enregistrer pour un meilleur suivi.

Si la ventilation est bien réalisée, le risque de développement de moisissures est maîtrisé, et le processus de germination est stoppé.

S’il n’est pas possible de récolter à une teneur en eau inférieure à 16 %, il faudra procéder à un séchage avant la mise en cellule. Le séchage doit être effectué rapidement (bannir la ventilation séchante qui n’inhibera pas assez vite la germination) avec de l’air à 80-90°C suivi d’un refroidissement efficace.

Si le germe est supérieur à 1 cm
Stockage des grains germés broyés en silo boudin. Crédit photo : FIDOCL Conseil Elevage

Dans le cas de grains humides (MS<80%) et/ou germes supérieurs à 1 cm, le séchage est fortement déconseillé. La conservation doit se faire par voie humide, en anaérobie de préférence broyé ou aplati. On parle alors d’inertage. La céréale est moissonnée, broyée et mise en silo hermétique tour, couloir ou boudin. Les germes respirent pendant quelques jours, c'est-à-dire consomment de l'oxygène et rejettent du gaz carbonique. L'inertage est une technique de conservation sous atmosphère de gaz carbonique. Cette technique est très répandue pour récolter et conserver du maïs grain humide (avec ou sans broyage) pour les élevages ruminants et monogastriques.

Dans les silos boudins, comme pour un ensilage « classique », les grains aplatis seront tassés, bâchés et fermés (hermétique) dès la fin du chantier. Si les grains ne sont pas assez humides à la récolte (< à 30 % d’humidité), il est possible de rajouter de l’eau pour favoriser le tassement et la conservation. Les aplatisseurs de gros débit sont équipés de buses facilitant l’incorporation d’eau.

Attention aux mycotoxines

Le risque d'une présence excessive de mycotoxines est faible si la céréale a été séchée ou inertée rapidement après la récolte et si le produit a bel aspect. Si le délai entre récolte et inertage a été long ou si l'aspect du produit est douteux (présence ou odeur de moisi, le silo chauffe,…) ne pas distribuer (surtout aux jeunes et aux femelles en lactation ou en période de reproduction), ou bien faire réaliser au préalable une recherche de mycotoxines par un laboratoire.

Comment les valoriser ?

Un début de germination sur pied ne modifie pas la valeur alimentaire du triticale. L’amidon est transformé en sucre sans perte de valeur énergétique. La teneur en protéine n’est pas modifiée et les grains présentent une meilleure digestibilité.

Voici quelques références obtenues lors d’une récolte très humide en Bretagne (1992) sur du blé, après analyses de la qualité sur 4 lots de blés germés : 40 à 60 % de grains germés, 23 % humidité à la récolte. Les résultats sont exprimés en comparaison à un lot de blé non germé.

  • Temps de chute de Hagberg (s) : 62 contre 338
  • Protéines : identique au lot témoin
  • Amidon : - 3 %
  • Sucre : + 1 à 2 %
  • Energie métabolisable : identique au lot témoin


Pour en lire plus sur le sujet, cliquez ici.

Confection de silo boudin ou couloir

L'idéal est de recourir à la technique de conservation en “boudin” de plastique si on dispose d'un entrepreneur ou d'une Cuma équipés. Si on confectionne un petit silo couloir (on peut s'aider de balles cubiques), comme pour un ensilage « classique », les grains aplatis seront tassés, bâchés et fermés (hermétiquement) dès la fin du chantier. Il faut prévoir un avancement minimum de 10 à 20 cm (1 m³ de céréale broyée pèse environ 800 kg). Le broyage doit être ni trop grossier, ni trop fin. Si les grains ne sont pas assez humides à la récolte (< à 30% d’humidité), il est possible de rajouter de l’eau pour favoriser le tassement et la conservation. Plus le grain est humide, plus le silo doit être tassé et hermétique. Attention toutefois, le produit peut se prendre en masse et la reprise est un peu plus compliquée.


Valoriser les grains germés par la méthanisation

A défaut de pouvoir stocker la récolte pour la destiner à l'alimentation animale, la méthanisation reste une voie possible pour la valoriser.

Pour trouver l'unité de méthanisation la plus proche de chez vous, consultez cette carte.

Pour aller plus loin

Arvalis a mis en place un document répondant aux principales questions liées à la germination sur pied des céréales à paille, vous pouvez le consulter ici.

Sources

Annexes

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