Définir une stratégie de renouvellement en élevage laitier

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Aubrac et son veau (Wikipedia commons)


Le renouvellement d'un troupeau de bovin désigne par campagne le nombre de génisses élevées dans le but d'intégrer le troupeau.

À court terme il constitue un des postes les plus coûteux de l'atelier laitier, cependant sur le moyen ou long terme il conditionne la production laitière des campagnes à venir et permet l'amélioration génétique du troupeau.

Il convient donc de mettre en place une stratégie de renouvellement en cohérence avec le système de production, afin de rendre celui-ci optimal d'un point de vue zootechnique et économique.

Pistes de réflexion initiale

Les bases d'une stratégie de renouvellement passent par trois questions qui doivent être posées de manière proactives, 3 ans avant la première traite des primipares :

  • Quel est le besoin de renouvellement ?
  • Quel est le taux d'élevage à viser sur l'exploitation ?
  • Quels sont les coûts du renouvellement ?

Objectif de renouvellement

Dans la plupart des configurations, le renouvellement du troupeau est défini par le nombre de vaches réformées : c'est à dire les animaux dont on doit se séparer (jusqu'à 25%) pour des raisons économiques ou sanitaires (fertilités, infections mammaires...) ainsi que les animaux morts durant la campagne (5%). À cela on additionne généralement une marge de sécurité de 5% pour anticiper les aléas.

En définitive, lorsque la dynamique du troupeau est stable, on considère que 35% est l'objectif à ne pas dépasser pour le taux de renouvellement.

Taux d'élevage

Définition

Le taux d'élevage correspond au nombre de génisses élevées en proportion de la taille du troupeau, indépendamment de leur devenir (renouvellement ou vente). Exemple : un nombre de 35 génisses pour un troupeau de 50 vaches correspond à un taux d'élevage de 70%.

Intérêt de la génomique

Une fois les vêlages terminés, il peut être intéressant d'avoir recours au génotypage des génisses, afin de sélectionner les meilleures d'entre elles sur le plan génétique. Cette sélection est effectuée via un prélèvement de sang ou de cartilage des animaux, dont l'ADN sera analysé en laboratoire.

Ce processus permet de contribuer favorablement à l'amélioration génétique du troupeau, en inséminant les meilleures génisses avec de la semence sexée. Il s'inscrit dans un protocole de taux d'élevage global, et permet une sélection plus éclairée des animaux à inséminer en :

  • Semence sexée : les génisses inséminées en semence sexée ne produiront que des veaux femelles, donc des futures génisses potentiellement intégrables au troupeau. Ce protocole permet d'optimiser le progrès génétique, et peut conférer jusqu'à 8 points d'ISU (Index de Synthèse Unique) en moyenne, grâce à la semence de taureaux à fort potentiel génétique : c'est ce que l'on appelle le travail sur la voie mâle. D'après les chiffres de l'IDELE, il est estimé qu'un point d'ISU implique la hausse de la rentabilité de l'élevage de 5€ (via l'amélioration des quantités de lait, TP (taux protéique), TB (taux butyreux), taux cellulaires ...), on peut ainsi espérer un gain moyen de 40€ par animal[1].
  • Semence conventionnelle : pure race et pas de sexage.
  • Croisement industriel : les femelles les moins intéressantes sont inséminées en croisé avec des semences d'autres espèces (souvent allaitantes) dans l'objectif de produire des veaux mieux valorisés à la vente. Un veau Blanc Bleu Belge est vendu en moyenne 150€ de plus qu'un veau Holstein.

Coût du renouvellement

La troisième piste de réflexion est le coût du renouvellement : bien que bénéfiques au long terme, un taux de renouvellement élevé et le recours au génotypage peuvent générer de fortes charges. Pour compenser ces dernières il est donc important de raisonner le nombre de génisses à élever, ainsi que le coût de leur élevage.

Le nombre de génisses à élever : mise en situation

Exemple d'une exploitation type : 60 VL - rythme de croisière - 500 000L de lait vendus ; taux de renouvellement = 35% donc besoin strict de 20 primipares par an + 5 en "marge de sécurité" pour assurer le bon fonctionnement du système : 25 génisses à élever par an, le reste des nouveaux nés sont vendus.

BESOINS FOURRAGERS ENSILAGE MAÏS (14 TMS/HA) PRAIRIES (6.5 TMS/HA)
1 génisse 0.1 ha 0.3 ha
25 génisses 2.5 ha 7.5 ha
30 génisses 3 ha 9 ha

Sans stratégie définie en amont, l'exploitant peut décider d'élever 30 génisses puis en vendre 5 amouillantes (prêtes à vêler), il devra alors leur dédier 2 ha supplémentaires. Le tableau ci dessous résume les conséquences économiques de cette décision.

NB: on considère que le coût de production moyen (hors main d'œuvre) d'une génisse est de 1500€ , dont 450€ de charges fixes (foncier, assurance, mécanisation...) et 1050€ de coût marginal (toutes les charges liées à la présence ou non de la génisse).

25 GÉNISSES ÉLEVÉES
Produits générés Détails Valeur
Vente de 5 veaux 5x100 500 €
MB (Marge Brute) 2 ha de blé 2x600 1200 €
Charges économisées / /
Coût élevage 5 génisses 5x1050 5250 €
Travail 5 génisses

(19h/génisse -1,25 smic)

95x1,25 smic 1128 €
TOTAL 8078 €
30 GÉNISSES ÉLEVÉES (5 amouillantes vendues)
Produits générés Détails Valeur
Vente de 5 génisses amouillantes 5x1100 5500 €
Charges économisées / /
Travail 2 ha

(7h/ha -1,25 smic)

14x1,25 smic 166 €
TOTAL 5666 €

En choisissant d'élever 30 génisses, l'exploitant génère un manque à gagner de 2412€, soit 5€ les 1000 litres !

On constate que quel que soit le prix de vente des génisses amouillantes et la marge brute du blé, élever seulement le nombre de génisses nécessaire au renouvellement est toujours plus rentable (car le coût d'élevage est toujours sensiblement proche du prix de vente). De plus, selon le contexte et le marché il peut être délicat de trouver un acquéreur pour des génisses de 3 semaines ou amouillantes, il faudra donc les intégrer au troupeau et ainsi précipiter la réforme de vaches productives.

Le coût d'élevage des génisses

Une fois que le nombre optimal de génisse à élever à été déterminé, il est possible d'optimiser les charges d'élevage des génisses. Le coût réel d'élevage d'une génisse peut varier entre 1100 et 1700€ par tête (en comprenant les charges fixes), cet écart conséquent dépend principalement de 2 postes :

  • Les charges alimentaires (menu fourrager, distribution) et les charges fixes (bâtiment génisses, main d’œuvre…).
  • L’âge au vêlage (en moyenne le coût d’élevage d'un vêlage à 25 mois est inférieur de 280€ à celui d'un vêlage à 28 mois).

À titre d'information sur la campagne 2019-2020, dans les 1055 exploitations de la coopérative Eilyps, le coût de renouvellement s’élevait en moyenne à hauteur de 24,2 €/1000L*. Avec une variation, à coût d'élevage égal, de 11,2 à 36,5€/1000L pour le quart inférieur et le quart supérieur.


*Ce coût du renouvellement étant mesuré par la différence entre les produits (vente de réformes, de génisses amouillantes ou de vache en lait) et les charges (coût total de l’élevage des génisses, achat de génisses amouillantes, achat de vaches en lait), avec coût d’élevage de la génisse fixé à 1400€, un prix d’achat de génisses amouillantes à 1250 € et un prix d’achat de vache en lait fixé à 1100 €.

Pour aller plus loin

Consulter le site web d'EILYPS, entreprise de conseil et expertise en élevage :


https://breeder-connect.com/article/definir-une-strategie-de-renouvellement-en-elevage-laitier

Pour résumer

La stratégie de renouvellement résulte d'un compromis entre la réduction des coûts, l'amélioration génétique du troupeau, la limitation des pertes, et l'optimisation des ventes. Le schéma ci-dessous récapitule les critères développés dans cet article :

Schéma de renouvellement d'un troupeau bovin lait, adapté d'Eilyps INFO 2020

Annexes

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Cette page a été rédigée en partenariat avec Breeder Connect

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Références

  1. Delphine Scohy, Web-Agri, Renouvellement du troupeau : Bien calculer son besoin pour ne pas pousser trop de vaches à la réforme, 2019. https://www.web-agri.fr/genetique/article/147999/bien-calculer-son-besoin-pour-ne-pas-pousser-trop-de-vaches-a-la-reforme
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