Le surgreffage de la vigne

De Triple Performance
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Vigne surgreffée.


Changer de cépage sans avoir à arracher puis replanter, recéper des vignes vieillissantes, greffer directement sur le porte-greffe en place... Le surgreffage est une option intéressante pour renouveler son vignoble. Il demande beaucoup de technicité et implique une bonne préparation du matériel végétal et un entretien soigné des plants surgreffés.

Caractérisation de la technique

Le surgreffage au sens strict consiste à changer l’encépagement d’un vignoble sans arracher ni replanter, mais en greffant une variété différente sur des pieds de vigne en place. Il peut se baser sur diverses techniques :

  • Le «greffage au bourgeon », également appelé « greffage à l’œil » : on prélève un bourgeon sur un sarment porte-greffons, puis on insère cet œil dans le tronc du pied de vigne à surgreffer. Deux variantes de greffage à l’œil : le Chip-bud et le T-bud.
  • Le «greffage en fente », une des techniques les plus simple à pratiquer. Le surgreffage permet de modifier l’encépagement d’une vigne en une année et donc de ne perdre qu’une seule récolte. Sur ce point, il présente un sérieux avantage sur la restructuration par arrachage-replantation qui entraîne la perte d’au moins trois récoltes (davantage si l’on souhaite un repos du sol assez long). Autres avantages : le palissage est conservé et le système racinaire étant préservé, les premières années de production ne donnent pas forcément du vin « jeune ». Ce changement rapide de cépage est un moyen d’être plus réactif vis-à-vis de la demande du marché et de tester assez vite les potentialités d’un cépage sur ses terroirs. Aujourd’hui, des viticulteurs ont aussi recours au surgreffage pour recéper des vignes fatiguées ou atteintes de maladies du bois, ou encore pour greffer directement sur un porte-greffe en place, ou pour la sélection massale.

Le greffage au bourgeon

Travaux préparatoires

Attention, la méthode reste coûteuse et requiert des travaux de préparation et d’entretien conséquents. Pour que le surgreffage réussisse, il faut prélever de bons porte-greffons et bien les conserver jusqu’à l’opération de greffage. On peut sélectionner les sarments porte-greffons en hiver, au moment de la taille, avant les pleurs de la vigne dans tous les cas. Mieux vaut éviter les sarments portant des bourgeons cotonneux car ils se dessècheront plus vite. Et choisir des sarments assez rectilignes, d’1m environ et de diamètre uniforme. Ensuite, ces porte-greffons doivent être conservés en fagots, à l’abri du froid, du vent et de la lumière : idéalement dans des sacs, dans une chambre froide. Ceci jusqu’à plusieurs mois. Côté vigne, les travaux de préparation préconisés sont :

  • une taille ou une prétaille normale (si le surgreffage était annulé, la récolte de l’année serait préservée),
  • un écorçage des pieds pour créer une surface plane (seulement la vieille écorce),
  • le retrait des tuteurs éventuels,
  • un désherbage mécanique sous le rang,
  • le relevage des fils de palissage,
  • l’épamprage.


Il est indiqué de placer la base des porte-greffons dans un bac d’eau, deux jours avant le chantier de surgreffage, afin de faire un peu gonfler les bourgeons.


Avant de prélever les greffons, mieux vaut vérifier que les sarments porte-greffons sont bien verts et que les bourgeons qui serviront de greffons sont bien frais. On peut en couper quelques uns pour contrôler qu’ils sont bien verts et non cotonneux. Le prélèvement des yeux peut se faire à l’aide d’une lame spéciale - greffoir - ou grâce à une pince mise au point par Worldwide Vineyards. Le greffon est taillé en biseau.

Greffon en biseau


Il est ensuite conseillé de placer les greffons prélevés sur un linge humide pendant le surgreffage, pour qu’ils ne se dessèchent pas.

Surgreffage en Chip-bud

Un greffoir est utilisé pour réaliser l'incision.

Le surgreffage en Chip-bud peut se pratiquer sur une période assez large, idéalement 2 à 3 semaines après le débourrement, jusqu’à fin juin. Pour une greffe en Chip-bud, on réalise une incision de la forme du greffon dans le tronc écorcé du pied à surgreffer, à l’aide d’un couteau spécial (greffoir). Cette méthode demande beaucoup de pratique, en particulier pour arriver à bien positionner le couteau greffoir. Il faut veiller à pratiquer l’encoche sur une zone du tronc la plus plane possible.

Ensuite, on insère le greffon dans l’encoche, en poussant avec le dos de la lame du greffoir.

Enfin, il faut protéger la greffe avec du ruban souple, type vinyle, en laissant dépasser le bourgeon. La ligature doit être posée immédiatement après le greffage, pour éviter que les tissus situés au niveau de l’incision ne s’oxydent ou ne se dessèchent.


Ligature de la greffe.

Surgreffage en T-bud

Le surgreffage en T-bud ou greffe en T ne peut se faire qu’à une période où l’écorce du tronc se décolle facilement, c’est-à-dire vers la floraison, quand la sève monte assez fortement. Dans cette variante, l’incision du tronc prend la forme d’un T : on incise d’abord le tronc sur quelques centimètres de haut en bas, puis on réalise deux encoches perpendiculaires, en soulevant l’écorce.

Incision en forme de T.

On insère le greffon dans l’incision, en le recouvrant avec les deux volets d’écorce, puis en appuyant avec la base de la lame du greffoir. Enfin, on doit immédiatement poser la ligature en recouvrant bien l’incision.


Que ce soit dans le cas du Chip-bud ou du T- bud, après la ligature, il faut donner un petit coup de scie en dessous de la greffe. Celui-ci draine la sève qui monte dans le tronc et évite ainsi l’engorgement du greffon.

Travaux d'entretien

Après la pose des greffons, débutent de gros travaux d’entretien. « Le besoin en main d’œuvre est d’une personne à temps plein pendant trois mois, pour un chantier de 4500 pieds », estime Marc Birebent, gérant de Worldwide Vineyards. Les jours qui suivent le chantier de surgreffage sont consacrés à la décapitation des pieds surgreffés : on élimine ainsi la concurrence de l’ancienne végétation pour la croissance du greffon. Néanmoins, il est important de conserver un rameau porteur qui sert de tire-sève et maintient la vitalité du cep. Ce tire-sève est taillé à une feuille, douze jours après la décapitation, et est maintenu ainsi jusqu’à ce que le greffon ait donné un rameau de plus d’un mètre. A la floraison, les pieds surgreffés doivent être bien arrosés. L’épamprage des ceps doit être soigné, afin que le greffage prenne bien. Ce poste est très contraignant car les passages nécessaires sont souvent nombreux. Il est impératif de ne pas désherber chimiquement la parcelle, d’un mois avant le surgreffage jusqu’à la fin de l’été. Enfin, au niveau phytosanitaire, seul le mildiou peut poser problème. Il doit donc être surveillé, comme dans tout autre vigne.


Le greffage en fente

Le greffage en fente peut se pratiquer sur des ceps dont le porte-greffe est vivant car seule la partie aérienne est malade ou morte. Cette technique a l’avantage de se pratiquer sur une période plus souple et potentiellement moins occupée, à la fin de l’hiver ou au début du printemps. Il est cependant conseillé de réaliser cette technique lorsque les risques de refroidissement brutal sont moindres car l'arrêt de la montée de la sève après le greffage est la cause majeure des échecs constatés pour cette technique.

Dans le cas de pieds de vigne dépérissant cette technique peut être utilisée mais il faut agir dès la première année de déclaration des symptômes de feuillage rougissant. Il faut alors veiller à prélever des bois à regreffer sur une parcelle différente, plantée avec des clones non dépérissants.

Pour les parcelles atteintes de maladies du bois, il faut veiller à ce que le porte-greffe ne présente pas de nécroses.


Le regreffage en fente nécessite un certain doigté à acquérir, mais si la technique est bien expliquée, un novice peut la mettre en application et avoir des résultats proches d’un ancien pratiquant dès la première campagne de greffage. L’avantage principal du regreffage en place est de tirer bénéfice d’un système racinaire adulte et fonctionnel, permettant une mise à fruit dès la deuxième année. Les taux de réussite sont corrects, de l’ordre de 60-80 % mais certains flirtent parfois avec les 90 %.

Mise en place du greffage en fente

Le regreffage en fente nécessite peu d'outils spécifiques :

  • Brouette
  • Scie
  • Petite hache
  • Massette
  • Tournevis plat ou petite lame
  • Machine à préparer les greffons


  1. En novembre, à l’automne précédant le regreffage : repérer des pieds à regreffer et les marquer.
  2. En février : prélever des greffons sur de beaux ceps. Les bois prélevés doivent être d’un beau diamètre afin d’avoir suffisamment de réserves. Ils seront conservés dans un endroit frais à l’abri de la lumière, l’extrémité inférieure trempant dans quelques centimètres d’eau, ou bien emballés en chambre froide.
  3. En mars, 2 à 3 jours avant la greffe : préparer une cuvette autour du pied de vigne et couper (à la scie et à quelques centimètres au dessus du sol) juste sous le point de greffe, afin de "laisser pleurer" le porte-greffe pour ne pas engorger le greffon à venir. Ameublir la terre autour du pied afin de faciliter le buttage de la greffe qui aura lieu lors du greffage. Si on observe des nécroses, il faut recouper plus bas jusqu'à une section saine.
  4. Le jour de la greffe : préparer les greffons. Découper des bois en tronçons de 2 yeux. La découpe inférieure, en V biseauté sur une hauteur de 2 à 3 cm, est réalisée à l’aide d’une machine à découper les greffes. Cette opération peut se faire à la main également mais le geste est assez technique. Les greffons ainsi préparés sont conservés le temps du chantier de greffage dans une boîte hermétique, enveloppés dans un mouchoir humide. Préparez les greffons par journée ou demi-journée de greffage permet d'éviter qu'ils ne se dessèchent.
  5. Fendre le porte-greffe verticalement à l’aide d’une hachette et d’une massette. La zone fendue est ensuite entourée et serrée avec de la ficelle de chanvre ou de jute (dégradable). Gratter légèrement l’écorce pour bien voir l’orientation et la localisation des vaisseaux.
  6. Écarter la fente à l’aide d’un tournevis plat ou d’une petite lame et insérer un greffon sur un des deux côtés de la greffe. Les cambiums – zones périphériques du bois vivant où sont présents les vaisseaux de l’année, situées juste sous l’écorce – du porte-greffe et du greffon doivent coïncider sur la partie externe du pied de vigne. Le bourgeon du bas du greffon est orienté vers l’extérieur du tronc, les hormones du bourgeon facilitant la soudure avec le bois juste en dessous. Une fois inséré, le greffon est mis en compression au niveau de la fente en tapotant dessus avec un petit marteau. D’où l’intérêt de ceinturer préalablement la fente avec la ficelle, rendant l’opération plus facile. On peut à ce stade pratiquer une double greffe (si le diamètre du tronc le permet) avec un greffon inséré à chaque extrémité de la fente, mais les greffons ne faisant jamais exactement la même épaisseur, la jonction des tissus risque d’être moins bonne sur une des deux greffes. Le meilleur côté à greffer se distingue souvent par des pleurs plus abondants de ce côté. Il faut veiller à ce que l’écorce des greffons soit en parfaite continuité avec celle du tronc.
  7. Installer le tuteur, l’attacher au fil porteur. Faire une butte autour de la greffe. La terre doit recouvrir entièrement le greffon de façon à le protéger du froid et à maintenir une humidité favorable à la soudure des tissus. On peut aussi entourer le pied d'un manchon et le remplir de sable pour recouvrir la greffe. Si le sol est travaillé, on peut profiter de la terre ameublie de l'inter-rang.
  8. Fin mai- début juin, défaire les buttes. En général, elles sont déjà craquelées, mais il faut permettre au bourgeon du greffon de sortir de terre sans être trop déformé.
  9. Au fil de la pousse, sélectionner le plus beau rameau et l’attacher. Ébourgeonner le reste. Dans la mesure du possible, conserver le rameau situé dans le flux de sève qui est normalement celui du bas, situé sur l’extérieur. Le greffon est fragile les premières années : attention au travail du sol. On peut sécuriser l’installation en installant un double tuteur. Le système racinaire de la vigne étant déjà en place, il n'est en général pas nécessaire d'arroser les plants greffés.


Coûts du surgreffage


Le coût d’un surgreffage réalisé en prestation de service est variable suivant la quantité de pieds à surgreffer et peut varier de 1,35 à 2,05 € HT par pied. Les travaux de préparation et d’entretien sont à la charge du viticulteur. Les principaux prestataires de service sont Worlwide Vineyards, Vitivista et l’Epibiote.


Comparaison des techniques de surgreffage

Technique Greffage en fente Greffage au bourgeon
Période de réalisation Fin de l’hiver /

début printemps

3 à 4 jours autour de la floraison,

lorsque l’écorce se décolle facilement.

Avantages Se pratique sur une période plus longue.

Retour en production dans les 2 ans.

Réussite souvent > 95 %.

Retour en production dans les 2 ans.

Inconvénients Réussite variable, souvent de l’ordre de 70 %. Se pratique sur une période courte.

Geste technique à acquérir.

Entretien méticuleux du plant pendant la saison :

entretien d’un tire-sève et rabattage progressif.

Surgreffer ou replanter ?

Dans la mesure où le surgreffage n’entraîne la perte que d’une seule récolte contre au moins trois lors d’une replantation, il peut sembler plus économique. Le service viticole de la Chambre d’agriculture a estimé à 22 000 €/ha environ le coût d’un arrachage-replantation et à entre 12 000 et 16 500 €/ha celui d’un surgreffage, selon qu’il soit fait par l’exploitant lui-même ou en prestation (en tout ou partie). Même en tenant compte des primes à l’arrachage, le surgreffage s’avère en moyenne moins cher, d’après cette estimation. Toutefois, ces calculs n’incluent pas les coûts de préparation et d’entretien. Attention, il est difficile d’étendre cette moyenne à tous les cas : le coût total d’un surgreffage varie fortement en fonction de l’état des vignes à surgreffer (âge, maladies, con- duite…), de la qualité des greffons, des conditions météorologiques, etc...

Formalités administratives

Les formalités administratives sont proches de celles d’un arrachage-replantation. Un chantier de surgreffage doit faire l’objet :

  • d’une déclaration d’intention de travaux un mois au moins avant le début du chantier
  • d’une déclaration de fin de travaux
  • d’une autorisation de l’INAO dans les zones d’appellation

Le changement de cépage par surgreffage peut rentrer dans le cadre d’une demande d’aides à la restructuration.

Sources

Annexes

S'applique aux cultures suivantes

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