Limiter les impacts des passages d'engins
Réduire le tassement des sols en diminuant la contrainte au sol par : la réduction du poids du matériel, le choix des pneumatiques, les équipements (carcasse radiale, pneus élargis ou grand volume, jumelage), le réglage de la pression du gonflage.
Un sol qui possède une bonne structure offre un meilleur enracinement, favorsie l'activité biologique et permet une meilleure efficacité des engrais minéraux et organiques.
Impact du tassement
La pression exercée par les passages d’engins dans les parcelles agricoles entraîne un phénomène de tassement, qui correspond à la diminution de porosité du sol :
- Ce tassement impacte la capacité d’infiltration de l’eau et de l’air, la facilité de pénétration des racines dans le sol et le bon fonctionnement de l’activité biologique : l’humidité est irrégulière au sein de la même parcelle et la pression sur les éléments semeurs est parfois trop importante.
- Des expérimentations menées par Arvalis sur 5 ans ont montré une corrélation significative entre l’impact du tassement créé par des passages successifs d’engins et le rendement de différentes cultures. Les baisses de rendement ont été de 5 à 30% pour toutes les modalités, indépendamment de la culture ou du système (sec ou irrigué).
- Cela démontre que prévenir le tassement du sol, en particulier lors de la récolte, est un enjeu majeur pour la fertilité des sols.
Mesurer ce tassement
La pression appliquée au sol, exprimée en kPa (kilo Pascal), est fonction du poids sur chaque roue et de la surface de contact du pneu au sol. Elle varie également selon la pression de gonflage du pneu (un pneu moins gonflé a une surface de contact au sol qui augmente du fait l'écrasement du pneumatique, donc une contrainte au sol qui diminue) :
- Un tracteur léger (<150 CV) avec des roues étroites va exercer une contrainte au sol de 50 kPa, contre 40 kPa pour un tracteur plus lourd (>150 CV) avec des roues larges. Cela montre comment la surface de contact des pneumatiques influe sur la contrainte au sol.
- Une moissonneuse avec une trémie pleine exerce une contrainte au sol de 120 kPa, soit 3 fois supérieure à celle d’un tracteur lourd avec des pneus larges.
L’impact sur le sol est fonction de cet aspect mécanique (contrainte au sol) et des caractéristiques du sol (texture, humidité, résistance mécanique). Concernant l’humidité, on parle de capacité au champ pour définir le seuil où l’on peut passer avec des engins dans les parcelles sans occasionner trop de dégâts sur la structure de sol. On peut considérer que ce seuil se situe à environ 22% d’humidité, au-delà de quoi l’impact sera profond (>25 cm) et sévère.
Le tassement superficiel (<10 cm), accentué par les passages successifs, est d’autant plus présent que le pneu est étroit et que la pression exercée est élevée :
- Ceux-ci n’accentuent pas le tassement en profondeur, qui est opéré dès le premier passage.
- Le tassement profond n’augmente pas avec la succession de passages, il dépend plus de l’humidité du sol et du poids total de la machine : plus le poids est lourd, plus le tassement sera profond dans le sol.
Législation, poids par essieu
Pour préserver les routes et les ouvrages d’art, la législation française limite les charges :
- Essieu seul : 13 tonnes
- Véhicule à 2 essieux : 19 tonnes
- Véhicule à 3 essieux : 26 tonnes
- Véhicule à 4 essieux : 32 tonnes
- Véhicule articulé / ensemble de véhicules à 4 essieux: 38 tonnes
- Véhicule articulé / ensemble de véhicules à 5 essieux: 40/44 tonnes
Selon Odette Ménard, agronome canadienne spécialiste des sols, la charge maximum admissible sans dégâts sur le sol est de 7 tonnes par essieu en conditions humides et de 10 tonnes par essieu en conditions sèches (une moissonneuse chargée peut peser jusqu’à 30 tonnes...).
La législation ne limite pas le poids des véhicules agricoles dans les champs.
Limiter cet impact
Contrôler le trafic dans le champ le plus possible :
- Garder les camions en dehors du champ,
- Essayer de vider à l‘arrêt en bout de champ plutôt qu’en marche,
- Ne pas tourner dans le milieu du champ,
- Suivre les mêmes traces que la moissonneuse-batteuse pour le transbordeur,
- Établir un plan de transport pour le ravitailleur/les remorques et s’y tenir (dans ce cadre le CTF est intéressant : voir plus bas).
Ne pas remplir la trémie à fond (ni le ravitailleur) :
- Visuellement on a tendance à vouloir passer qu’une seule fois pour faire moins d’ornières en surface. Mais en termes d’impact sur la structure du sol, il est plus judicieux de faire plusieurs passages avec une charge plus légère pour éviter le tassement profond, beaucoup plus délicat à récupérer que le tassement de surface.
Utiliser impérativement des pneus radiaux (qui répartissent mieux le poids), larges et à basse pression, en particulier si les conditions sont humides :
- L’utilisation de pneus diagonaux est plus problématique car ils amortissent moins la contrainte au sol.
- Un pneu radial a une empreinte plus large et plus plate qui amortit plus.
À partir de 6 mètres de large, peut être envisagé le CTF (« controlled traffic farming » = système de guidage satellite).
- Utilisée à grande échelle depuis la fin des années 90 en Australie, cette technique permet de limiter le compactage lié aux passages d’engins.
- L’idée est de définir des voies de passage permanentes sur les parcelles en utilisant de grandes largeurs de travail et des pneus étroits afin de réduire au maximum la surface de circulation des machines.
- Le CTF permet de réduire le tassement du sol à seulement 15 % de la surface, donc potentiellement peu de perte de potentiel global lié à cette problématique.
Le télégonflage permet de réduire la pression au sol :
- Cette technologie permet d’adapter rapidement la pression du pneu selon l’opération culturale que l’on souhaite effectuer, sur la route ou dans les champs.
- Cependant, cette option reste onéreuse et doit être utilisée à bon escient.
Utiliser des couverts végétaux pour maintenir et améliorer la structure :
- Un tassement de surface (<20 cm) peut être corrigé par un travail du sol superficiel, contrairement à un tassement profond (>20-30 cm) qui ne peut être corrigé mécaniquement.
- La présence de racines ainsi que l’action des vers de terre peuvent recréer une porosité, à condition d’être présents suffisamment longtemps sur la parcelle. De plus, la porosité créée par la biologie du sol est la plus résistante à la pression. En effet, les macropores créés par le labour sont peu connectés les uns aux autres et résistent mal aux aléas.
- Au contraire, la microporosité favorisée par les pratiques d’agriculture de conservation possède une meilleure résilience et facilite la prospection racinaire.
Application de la technique
Type de cultures
Cette technique est facilement généralisable à toutes les cultures. Les cultures plus concernées par le tassement du sol, sont les cultures à :
- Cycle de végétation "court" (ex cultures de printemps plutôt que culture d'automne)
- Système racinaire pivotant plutôt que fasciculé
- Taille des racines importante
Type de sol
- Les sols calcaires sont moins sensibles au tassement.
- Les sols argileux sont moins sensibles aux phénomènes de compactage que les sols limoneux ou sableux du fait de l'activité structurale liée aux alternances gel / dégel et humectation / dessication.
Conditions climatiques
L'état hydrique joue un rôle essentiel : les phénomènes de tassement sont aggravés par le travail en conditions humides.
Effets sur la durabilité du système de culture
Critères "environnementaux"
Effet sur la qualité de l'air : Diminution des émissions de GES. Effet sur la qualité de l'eau : Diminution des pesticides et de la turbidité. Effet sur la consommation de ressources fossiles : Diminution de la consommation d'énergies fossiles.
Critères "agronomiques"
La limitation des zones tassées et des ornières a un impact positif sur :
La productivité : meilleure colonisation racinaire du profil et valorisation optimale des ressources (eaux et minéraux) par la culture. Limitation des tassements profonds non réversibles et avec des effets majeurs sur enracinement. Fertilité du sol : maintien d'un état structural favorable à la minéralisation.
Stress hydrique : maintien d'une porosité favorable à l'infiltration de l'eau dans le sol (limitation des pertes par ruissellement) et meilleure colonisation racinaire du profil.
Biodiversité fonctionnelle : maintien d'une structure favorable à l'exploration par les vers de terre qui favorisent généralement la "vie du sol" (aération du sol…). Propriétés physiques du sol : maintien d'une structure favorable (porosité structurale) au développement racinaires et aux échanges hydriques et gazeux, donc au réchauffement du sol.
Critères "économiques"
Charges de mécanisation : Investissement dans un équipement performant mais onéreux (bennes, …). Nécessite de s'équiper d'un bon manomètre et d'un compresseur.
Consommation de carburant : Limitation des zones tassées et des ornières, donc diminution du travail mécanique du sol (moins de passages, moins d'opérations gourmandes, ex : labour, décompactage).
Critères "sociaux"
Temps de travail : Manipulations supplémentaires : réglage des pneumatiques et/ou montage au champ des roues de jumelage (qu'il faut démonter après le travail pour respecter la largeur maximale autorisée sur route).
Pour en savoir plus
- Décompactage - Comprendre le comportement physique du sol, J. Labreuche (Arvalis), h. Boizart (INRA), Perpectives agricoles n°282, p28-31, Article de presse, 2002
- Etude de l'effet à moyen et long terme des systèmes de culture sur la structure d'un sol limono-argileux du Nord du Bassin Parisien, H. Boizard (INRA), Etude Générale des Sols n°11, p11-20, Article de revue avec comité, 2004
- Modélisation du compacatge sous l'effet des passages d'engins agricoles, P. Défossez, Etude Générale des Sols n°11, p21-32, Article de revue avec comité, 2004
Sources
Limiter les impacts des passages d'engins, GECO
Limiter les dégâts sur la structure du sol, AgroLeague