Amélioration de l’efficience de l’eau d’irrigation en verger de pommiers grâce au micro-jet et au goutte-à-goutte

De Triple Performance
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Un essai a été réalisé de 2015 à 2017, par le CEFEL, dans le but de tester et comparer l’efficacité de l’irrigation localisée (goutte-à-goutte de surface) et de la micro-aspersion (micro-jet) par rapport à un système par aspersion sur frondaison sur vergers de pommiers, de sa plantation jusqu’à sa mise en production.

La micro-aspersion présente les meilleures performances technico-économiques et, bien que plus coûteuse, semble être le système le mieux adapté pour irriguer les vergers de pommiers en alliant préservation des ressources en eau et maintien du rendement. En effet, les deux systèmes testés montrent des résultats intéressants en termes de potentiel d’économies d’eau, respectivement 12 à 48% pour la micro-jet et 17-71% pour le goutte-à-goutte de surface, cependant, pour ce dernier, la baisse de rendement est trop importante pour être acceptable économiquement par les arboriculteurs. À noter que le principal défaut de ces deux dispositifs est qu’ils ne permettent pas de lutter contre le gel.

Contexte

Le département du Tarn-et-Garonne est le premier département producteur de pommes en France. Dans cette filière, l’irrigation est souvent essentielle à la production.


Dans un contexte de changement climatique, les arboriculteurs voient la pluviométrie diminuer en période estivale et sont de plus en plus soumis à des arrêtés de restriction d’eau.


L’amélioration de l’efficience de l’irrigation apparaît alors comme une des solutions pour pallier cette problématique de diminution de la disponibilité en eau en période estivale et assurer la viabilité économique des exploitations. Celle-ci passe notamment par le couplage entre modernisation des systèmes d’irrigation et pilotage.

Problématique et objectifs

Dans une optique d’amélioration de l’efficience de l’eau d’irrigation, il est important d’évaluer et de comparer les différents systèmes d’irrigation en termes de consommation en eau et de rendement.

L’objectif de l’essai lancé par le Centre d’Expérimentation de Fruits et Légumes du Tarn-et-Garonne (CEFEL) était de tester et comparer l’efficacité de deux systèmes d’irrigation : goutte-à-goutte de surface (irrigation localisée) et micro-jet (micro-irrigation) avec un système classique par aspersion sur frondaison, sur un verger de pommiers, de sa plantation jusqu’à sa mise en production. Le pilotage de l’irrigation selon deux techniques : bilan hydrique (bulletin d’irrigation) et pilotage à la parcelle grâce à des sondes de suivi de l’état hydrique du sol et des plantes (tensiomètres, sondes capacitives et dendromètres), était un prérequis.

Solutions et résultats

Pour mener à bien cet essai, un verger de pommiers (variété GALA complantée avec FUJI) a été implanté sur une parcelle de 9552 m² sur le site expérimental de Montauban du CEFEL, à une distance de plantation standard de 4x1m, soit 2500 arbres par hectare. La parcelle a été découpée en trois sous-parcelles (tableau 1).


Chaque modalité testée est équipée d’une station munie de sondes capacitives DECAGON, de tensiomètres et de dendromètres. Afin de faciliter le suivi et contrôler au mieux le bon déroulement du programme de l’irrigation, le pilotage est automatisé et l’outil d’aide à la décision WebCOMSAG permet d’interroger à distance et en temps réel des compteurs installés sur chaque sous-parcelle.


Afin d’évaluer les différents systèmes d’irrigation de la plantation du verger jusqu’à sa mise en production, 4 paramètres ont été mesurés :

  • Nombre de fruits par arbre
  • Rendement par arbre en kg/arbres
  • Vigueur de l’arbre
  • Consommation en eau.

Le suivi a été réalisé dès le stade 2ème feuille (2015) et jusqu’au stade 5ème feuille (2018). Malheureusement, un disfonctionnement lors de la saison d’irrigation en 2018 a empêché la récolte des données de consommation en eau. Les résultats ne sont alors présentés que pour les années 2015, 2016 et 2017.


Surface de verger allouée à chaque système d’irrigation.
Mode d'irrigation Aspersion Micro-jet Goutte-à-goutte

de surface

Surface (m²) 4052 3000 2500



Aucun écart majeur entre les préconisations diffusées par le bulletin d’irrigation et le pilotage à la parcelle n’ayant été observé, les valeurs données ci-dessous correspondent donc à la moyenne entre les deux types de pilotage. À noter que les sondes de suivi de l’état hydrique du sol (tensiomètres et sondes capacitives) ont montré un confort hydrique tout au long de la saison, pour l’ensemble des dispositifs testés. Les sondes "plantes" (dendromètres) ont permis quant à elle de valider l’efficacité des apports d’eau au niveau de la plante.


L’utilisation de la micro-aspersion (micro-jet) et du goutte-à-goutte de surface a permis de réduire les apports d’eau d’irrigation, respectivement de 12 à 48% et de 17 à 71% par rapport à l’irrigation par aspersion, sur l’ensemble des années de suivi. À noter qu’en 2017, les économies d’eau ont été plus importantes pour la micro-aspersion que pour l’irrigation au goutte-à-goutte. Ceci s’explique notamment par les multiples arrêts de l’arrosage pour le micro-jet en lien avec les orages estivaux. En effet, pour maintenir un bulbe humide autour des racines, l’irrigation au goutte-à-goutte ne peut être stoppée que lors de très forts épisodes pluvieux contrairement à une irrigation par aspersion ou micro-aspersion qui permet de s’adapter beaucoup plus facilement à la pluviométrie locale en temps réel.


Différence d’apport d’eau d’irrigation en fonction du système d’irrigation (Ballion, 2016 ; Ballion, 2017 ; Ballion, 2018).


En comparaison avec l’irrigation par aspersion et en lissant sur les trois années de suivi, seule l’irrigation au goutte-à-goutte montre une baisse conséquente du rendement et non acceptable économiquement pour les producteurs . La micro-aspersion semble, très intéressante pour irriguer les vergers puisque la baisse de rendement de 2015 et 2016 a été rattrapée pour la variété FUJI et dépassée pour la variété GALA dès 2017.


Rendement en fruits selon les différents systèmes d’irrigation testés, Cumul : cumul des rendements sur les 3 années de suivi (Ballion, 2016 à 2018).


Rendement en fruits selon les différents systèmes d’irrigation testés, Cumul : cumul des rendements sur les 3 années de suivi (Ballion, 2016 à 2018).

Limites et conditions de réussite

  • Un système de goutte-à-goutte de surface, bien que très performant en termes d’économies d’eau lorsqu’il est couplé au pilotage de l’irrigation, entraîne une baisse de rendement trop importante pour être acceptable économiquement pour les arboriculteurs, contrairement au micro-jet qui lui offre de meilleurs résultats technico-économiques.


  • Le micro-jet présente des performances équivalentes à l’aspersion en termes de rendement pour une consommation en eau intéressante, voir même parfois meilleure que l’irrigation localisée. Ceci est notamment dû au fait qu’il permet de mieux fractionner les apports en eau et, ainsi, de s’approcher au plus près des besoins de la plante.


  • La perte de rendement liée à une irrigation par goutte-à-goutte réside, quant à elle, dans le principe de base de ce dispositif qui est de maintenir un bulbe humide autour des racines des cultures tout au long de la période d’irrigation, en évitant son tarissement. Il demande donc un démarrage plus précoce et ne permet que rarement de prendre en compte les pluies lors des périodes d’irrigation en stoppant l’arrosage. De plus, dans le cas de plantes pérennes comme les arbres, le système racinaire se développant sur une grande surface, le bulbe d’irrigation ne permet de couvrir qu’environ 30% de cette surface, entraînant alors une perte de rendement non négligeable. Pour finir, ce système d’irrigation ne permet pas de rattrapages qui s’avèrent parfois vitaux, notamment après les périodes de restriction d’eau.


  • Ces deux dispositifs présentent un inconvénient majeur : ils ne permettent pas de lutter contre le gel. Au vu des tendances d’évolution des gelées tardives indiquées par les projections climatiques et que l’on peut déjà observer, cet élément ne peut pas être laissé de côté (tableau 2).


Il est également important de noter que les deux systèmes évalués ici (micro-aspersion et irrigation localisée) ne l’ont été que pour des arbres ayant une profondeur d’enracinement de 60cm maximum et sont seulement adaptés pour irriguer des vergers de fruits à coques, fruits à noyaux et fruits à pépins.


  • Il est également important de noter que les deux systèmes évalués ici (micro-aspersion et irrigation localisée) ne l’ont été que pour des arbres ayant une profondeur d’enracinement de 60cm maximum et sont seulement adaptés pour irriguer des vergers de fruits à coques, fruits à noyaux et fruits à pépins.


Principaux avantages et inconvénients des différents systèmes d’irrigation testés.


  • Dans le département du Tarn et Garonne, 80% des arboriculteurs irriguent par aspersion sur frondaison. Cela s’explique notamment par son intérêt pour la lutte antigel qui le rend, notamment, éligible aux aides à l’achat de matériel. Le choix d’un dispositif d’irrigation localisée ou de micro-aspersion se fait souvent par obligation, dans les secteurs soumis à restriction d’eau en période estivale. À noter que même si le micro-jet reste le meilleur système, son coût d’achat élevé et sa faible efficacité pour lutter contre le gel ne favorise pas son déploiement.


  • Lorsque les moyens financiers le permettent, une alternative possible pour maintenir le rendement et allier économie d’eau et lutte antigel, est le couplage entre aspersion sur frondaison et goutte-à-goutte. En effet tout en maintenant le remplissage de la réserve utile du sol (RU) et de ce fait le rendement, l’aspersion est utilisée, dans ce cas, 2 fois par saison, uniquement en complément pour maintenir un bulbe humide sur la totalité de la surface racinaire et en cas de gelées tardives (figure 10).


Principaux éléments conditionnant le choix du système d’irrigation en arboriculture.

Témoignages

"Le plus important pour choisir son système d’irrigation est d’évaluer, avant la plantation, le volume d’eau dont on dispose pour irriguer ses cultures. L’arboriculteur pourra ainsi adapter son système d’irrigation à son volume prélevable autorisé. Puisqu’une irrigation efficiente ne peut se faire sans pilotage, il est intéressant lorsqu’on souhaite utiliser des sondes de suivi de l’état hydrique du sol de bien les placer sur la parcelle. Notamment, en les positionnant dans la zone la plus restrictive, on diminue le risque lié à l’hétérogénéité de la parcelle en termes de réserve utile du sol. Ainsi, l’irrigation sera déclenchée dès que le premier stress hydrique sera observé sur la parcelle. Pour ce faire, une cartographie préalable de la capacité de stockage du sol est nécessaire." Jean-François Larrieu, conseiller en arboriculture fruitière à la Chambre d’agriculture du Tarn-et-Garonne et Sébastien Ballion est sous-directeur du CEFEL et responsable d’expérimentation.


"Son système d’irrigation doit être pensé en fonction de son contexte et notamment de sa disponibilité en eau. Le micro-jet est le dispositif le plus efficient car, en permettant un fractionnement important des apports, il permet d’irriguer ses vergers, même avec un volume en eau limité tout en maintenant le rendement. Cependant, lorsqu’on est dans une zone à risque élevé de gelées tardives, disposer d’un système d’aspersion sur frondaison est souvent indispensable. Dans ce cas, le couplage goutte-à-goutte et aspersion reste la solution la plus vertueuse. Disposer d’un dendromètre permet d’améliorer l’efficience de l’eau d’irrigation par un pilotage plus fin, au plus près des besoins de l’arbre." Didier Terrade et Yannick Fraissinet, arboriculteurs dans le département du Tarn-et-Garonne.

Sources


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Cet article a été rédigé grâce à l'aimable contribution de Bonnes Pratiques pour l'eau du grand Sud-Ouest.

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