Diversification de sa production en ACS grâce au bambou

De Triple Performance
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Bambouseraie du GAEC Vernotte. Crédit photo : Gérald Vernotte.


En GAEC père fils sur 209 ha en ACS, Gérald et Antoine Vernotte étaient en recherche de moyens pour pouvoir conforter le revenu de 2 UTH sur le long terme. Ils auraient pu aller vers la reprise de surface et continuer un système d'agrandissement sans fin, mais ils ont préféré développer un atelier apicole afin de vendre les produits de la ruche en vente directe. Ils cherchaient une culture de vente type "maraîchage" mais le secteur étant déjà saturé dans leur région, ils ont préféré aller vers une culture bas intrants chimique telle que le bambou géant : Phyllostachys edulis.


Contexte de l'exploitation


Motivations

Couvert de légumineuse. Crédit photo : Gérald Vernotte.

Dans une démarche agroécologique sur notre ferme, nous avons choisi depuis 6 ans de passer au semis direct, et semis direct sous couvert dans un premier but qui est de monter les taux d'humus de nos sols pour les remplir en carbone. Nous mettons le maximum de techniques bien connues pour y parvenir : travail minimal du sol, restitution des pailles, couvert "Biomax", apport de matière organique (MO), etc.

Dans cette démarche et dans le but de conforter le revenu de 2 UTH sur le long terme, Antoine a mis en place un atelier apicole et nous avons fait le choix d’une culture bas intrants chimiques compatible avec l’ACS : le bambou géant. La bambouseraie offrira un refuge zéro pesticide pour les abeilles et nous assurera une source de revenus supplémentaires par la vente des jeunes pousses et des chaumes.


Historique

  • Avant 2016 : En agriculture conventionnelle et Techniques culturales simplifiées (TCS). Nous sommes passés en TCS d’abord pour simplifier le travail et parce que nous avions remarqué que plus on travaillait le sol, moins il y avait de vie dedans. Les analyses de terre montraient que les taux de MO étaient très bas, les rendements plafonnaient (40 qx/ha pour le colza, 80 qx/ha pour le blé).


  • 2016 : Passage à l'ACS en couverture annuelle base légumineuses (Biomax).
    • Avec ce système nous avons fait remonter notre taux d'humus qui était devenu très faible. Sur une année comme celle-ci (2022), nous avons réussi à nous passer d'apports de phosphore, calcium, potassium. Nous avons juste mis du soufre et de l’azote. Les apports d'azote sont calculés au plus juste ainsi que nos phytos avec l'espoir de pouvoir les réduire encore.
    • Grâce à l’ACS, nous avons également diminué la consommation de gasoil par 2. Les tracteurs tournent 250h/an (sur 4 tracteurs).
    • En ACS, nous avons un maintien des rendements avec moins d’intrants.


  • 2019 : Mise en place de l'atelier apicole d'Antoine avec vente à la ferme des produits de la ruche. Nous avons actuellement 50 ruches, l'objectif est d'atteindre les 100 colonies. La mise en place de cet atelier a été liée à notre volonté de mettre en place un milieu dédié pour les abeilles sans pesticide : la bambouseraie associée à des arbres fruitiers, des haies, avec couverts mellifères semés tous les 3 mois (phacélie, bourrache, luzerne, féverole...). Ça assure une floraison à tout moment de l’année. Un des effets positifs de l'apiculture est que ça aide à la pollinisation de nos autres cultures : tournesol et colza, fruitiers qui produisent plus.


  • Mai 2021 : Plantation de la bambouseraie.


  • Janvier 2022 : Installation d'Antoine.


Étapes de mise en place

  • Après le choix de la parcelle, nous avons fait une analyse de sol complète supervisée par les techniciens de la pépinière de bambou.
  • A l'automne 2020 nous avons semé une orge de printemps sous le couvert de féverole, phacélie, tournesol.
  • Destruction de l'orge fin mars, puis installation de l'irrigation en goutte à goutte.
  • Installation d'une clôture électrique à gibier, car il y a un fort risque lièvres et chevreuils.
  • Plantation des bambous mi-mai 2021, à la tarière : trou de 10 à 15 cm de profondeur, intervalle entre les rangs de 4 m et un écartement entre les pieds d’1,5 m, soit un peuplement de 1200 pieds/ha. Irrigation avec 15L par pied après la plantation.
  • Semis entre les rangs d'un couvert de féverole / phacélie et pousse naturelle de chénopodes.
  • Fertilisation :
    • Juin : Ammonitrate 100 kg / ha en localisé à la main.
    • Août : Solution azotée 100L en irrigation en août 1.
    • Automne : Bactériosol (souches de bactéries et de champignons).

Cette fertilisation sera répétée chaque année pendant la croissance de la plantation jusqu'à ce qu'elle fonctionne comme un système forestier avec un retour de grands volumes de feuilles. Bien qu'il y ait une fertilisation azotée, la parcelle est en zéro phyto.

  • Resemis de couvert végétal à base de légumineuses en inter-rangs en fin d'hiver.


La bambouseraie

Rang de bambou. Crédit photo : Gérald Vernotte.

Objectifs

  • La bambouseraie s'inscrit dans un projet "Suppression des phytos, captation de carbone et production en quantité et qualité". L'objectif à terme est la récolte des pousses de bambous et des chaumes. D'après le fournisseur de plants, les résultats économiques permettraient à un agriculteur de vivre sur 4 à 5 ha et de capter en moyenne 80 t de CO2/ha/an pendant au moins 30 ans.
  • Le travail dans la plantation est tout en manuel donc nous avons très peu d'investissement de mécanisation.
  • Nous mettrons peut-être dessous un petit élevage de poules ou de dindons une fois la canopée suffisamment développée.
  • Nous avons un problème de températures très élevées l'été : 45°C en plein soleil. Les pommes ne viennent plus car les fleurs de pommier finissent par faner. L’ombre des bambous nous permettra peut-être d’arranger le problème en apportant un micro-climat qui devrait soulager les pommiers.


Organisation

Haie fruitière. Crédit photo : Gérald Vernotte.

La parcelle fait 2 ha et est à proximité de la ferme. Pour ne pas avoir une monoculture de bambou, nous avons fait 3 îlots de 5 rangées de bambous séparés par 3 haies fruitières composées de plusieurs variétés de pommiers principalement, avec des framboisiers, cassissiers, groseilliers, amélanchiers et vignes. L’organisation est la suivante :

  • 1 rang composé d'une haie fruitière orienté de façon à avoir le soleil toute la journée.
  • 5 rangs de bambou de 170m de long avec un écartement de 4 m entre les rang et 1,5 m entre chaque plant de bambou.
  • 1 bande enherbée de 8m de large.
  • 1 rang de haie fruitière planté dans la bande enherbée (proche du 1er rang de bambou suivant).
  • 5 rangs de bambou.
  • 1 bande enherbée.
  • 1 rang de haie fruitière.
  • 5 rangs de bambou.

Pour l’instant les ruches sont au bout des rangs de bambou, mais à terme elles seront dans les haies fruitières. Elles doivent être orientées de façon à avoir le soleil le matin.

Le peuplement de bambou est de 1200 pieds/ha. La parcelle fait 2 ha, mais les bambous sont en réalité concentrés sur 1,5 ha car le reste est occupé par les haies fruitières et bandes enherbées.


Schéma de l'organisation de la bambouseraie.


Fourniture des plans

Le fournisseur des plans de bambou est une société Italienne OnlyMoso. Nous avons été démarchés par leur représentant en France et nous avons assisté à un webinaire avec le directeur qui exposait la production de bambou. Nous sommes ensuite allés à la rencontre d'un technicien qui a planté une bambouseraie en région Parisienne. Nous avons également fait un déplacement en Italie chez OnlyMoso pour nous rendre compte de ce que notre projet pourrait donner.


Récolte

La bambouseraie commencera a être exploitée quand elle aura 5 ans. Il y a 2 productions : pousses et cannes.

  • De mai à juin, tous les matins il y a récolte manuelle des pousses de bambou destinées à l'alimentation en frais et pour la conserverie, la filière s'organise avec les usines de transformation, nous aurons aussi une partie en vente directe.
  • D'octobre à janvier, les chaumes de 3 ans sont coupés manuellement et vendus selon leur diamètre.

Au bout de 10 ans :

  • Nous pourrons mettre en place une technique de récolte pratiquée au Japon : au mois d’avril, la 1ère pousse de bambou se fait en souterrain, la cueillette est entre la truffe et l'asperge car il faut chercher les jeunes pousses sous terre, sur les rhizomes . Elles ont une grande valeur, c’est un produit haut de gamme. Les pousses vont se conserver 15 jours au frigo.
  • Si nous ne voulons plus faire de pousses et de travail manuel (car trop pénible), comme le bambou peut produire 100 tonnes de biomasse/ha, nous pourrons toujours couper 1 rang sur 2 (pour ne pas faire dépérir la bambouseraie) et récupérer 50t/an à l’ensileuse qui seront à destination de l’alimentation animale ou des chaufferies.


Débouchés

Les débouchés avec le bambou sont très nombreux : bois d'œuvre, alimentation humaine et animale, cosmétique, énergie, isolation, bioplastique,... Nous avons passé un contrat avec OnlyMoso (engagement sur 5 ans) qui nous assure des débouchés. L'entreprise va récupérer notre production et s’occuper de toute la commercialisation. Ils sont en train de développer la filière en France, actuellement, ils ont des contacts pour mettre les pousses de bambou en conserve et avec des usines de cellulose.


Avantages

  • La plantation est faite une fois pour 60 ans.
  • Le sol ne reçoit plus aucun travail.
  • La biodiversité explose : vers de terre, oiseaux, insectes, auxiliaires,...
  • Régulation du climat car sous une bambouseraie la température en été baisse de 3 à 4°C et augmente de 3 à 4°C en hiver.
  • Garantie de matière première renouvelable.
  • Cette culture permet de produire de la pousse de bambou qui fait partie des 5 super aliments en étant un brûleur de graisse.
  • Résistance aux tempêtes quand il est entretenu.


Limites

  • Phyllostachys edulis a des rhizomes traçants, il faut donc les contenir par un fossé de 60/60cm autour de la parcelle et couper les racines qui apparaissent.
  • A maturité, les bambous peuvent faire jusqu’à 20 mètres de haut dans de bonnes conditions comme en Inde, et jusqu’à 10 mètres de haut sous nos latitudes. Il faut donc penser à l'ombrage qu'il va générer pour ne pas freiner les cultures voisines.


Résultats

Nous avons comparé nos parcelles en ACS ayant reçu du Bactériosol à celles de notre voisin en ACS mais qui n'ont reçu qu'un engrais classique. Les résultats sont incroyables, nous avons plus de 2000 perforations de vers de terres au m², ce qui est énorme. Notre voisin n'en comptabilise que 900/m².

Nous avons un autre voisin qui fait aussi du bambou et du Bactériosol, sa bambouseraie est magnifique, encore plus belle que chez nous, car elle a été plantée sur une ancienne prairie (le sols fonctionnait déjà à 100%). Le bambou est gourmand, il aime l’humus. Au bout d’un moment le bambou sera autosuffisant, les feuilles refourniront suffisamment de nutriments pour la plantation.

Pour l'instant, le bilan humique est en cours de calcul.

Analyses de sol de 2016 d'une parcelle avant son passage à l'ACS :


Analyses après 4 ans d'ACS :


Bilan

Revenu

Il faut être patient car la première récolte arrive au bout de 5 ans (1 t/ha max). Puis il y a récolte des pousses tous les ans (avec un peu plus de tonnage). Mais la culture ne sera mature qu'au bout de 10 ans.

Économiquement nous pouvons espérer un revenu annuel pondéré sur 15 ans entre 8700 € à 30% de l'objectif de production et 27500 € à 120 % par hectare. Dans notre cas, nous estimons un revenu de 15 à 20000€/an.

A partir de cette année une aide carbone va se développer car 1ha de bambou (dont la densité de plantation est de 1800 plants/ha) capte entre 250 et 300 t de carbone/ha sur 15 à 20 ans.


Charges

  • Irrigation (30m3/ha/an) en goutte à goutte.
  • Matériel d’irrigation : pas très coûteux (piquetage réutilisé + surpresseur).
  • Fertilisation :
    • Bactériosol : 100kg/ha.
    • Oligo-éléments (liquides) : 0,5L/30ares.
  • Plants : 34000€/ha. Ce prix comprend les plants, la livraison par camion, l'accompagnement d'un technicien 3 ou 4 fois pendant le déroulement de la plantation. Nous avons pu bénéficier d'une remise donc la dépense réelle a été de 23000€/ha. Il faut garder en tête que l'on devrait récupérer 15 à 20000€/an à compter de la 5ème année.
  • Il y a un cahier des charges à appliquer : faire une analyse de sol avant la plantation, le sol ne doit pas être hydromorphe car le bambou ne supporte pas les excès d’eau au départ. Les pieds ont 2 ans quand ils sont plantés.
  • A la plantation, on peut le faire à la main mais au-delà de 2ha il vaut mieux louer une planteuse, la location d’une planteuse coûte 350€/ha.
  • Entretien : Nous mettons des couverts donc il n'y a pas de désherbage. Ceux qui ne mettent pas de couverts doivent désherber mécaniquement car la pousse doit donc être intègre de phytos.


Conseils

  • Bien choisir la parcelle, elle ne doit pas hydromorphe! Le bambou peut pousser sur du sable, mais il ne lui faut surtout pas d’eau stagnante pendant plus de 15 jours.
  • Utiliser une planteuse au delà de 2 ha. C'est plus facile et ça permet de tendre les tuyaux en même temps. Pour 2 ha, nous avons mis 4 jours à 2 pour planter manuellement les 1200 plants + 2 jours pour tirer l’irrigation avant la plantation.
  • Avoir un point d’eau, l’irrigation en goutte à goutte est obligatoire.
  • Planter sur une parcelle en propriété car comme le bambou est une culture de long terme, il ne faut pas planter sur une location.
  • Une fois que la plantation a pris, il faut faire un fossé de 60/60cm tout autour pour éviter que les racines traçantes partent chez le voisin. Il peut être fait dans les 5 ans. Une fois que la racine arrive à la lumière, elle va monter.
  • Entourer d’une petite clôture à gibier (lièvres) dès la 1ère année. Mais attention à ne pas trop fermer pour ne pas freiner la circulation de la biodiversité.
  • Le bambou monte haut (entre 10 et 20m selon les conditions). S’il y a des fruitiers dans la parcelle, penser à bien les planter selon une orientation qui leur permettra d’avoir le plus de soleil possible au cours de la journée.


Perspectives

  • Planter 2 ha en plus si nous obtenons des aides carbone.
  • Mise en place d'un élevage de dindes ou dindons en liberté une fois qu’il y aura une belle canopée. Nous voulons des bêtes qui vivent en groupe et qui soient capables de se défendre contre les renards, fouines, belettes qui sont de retour sur la ferme depuis que nous avons la bambouseraie.
  • En 2026 : 1ère récolte des pousses.


Sources

Interview de Gérald et Antoine Vernotte réalisée le 20/10/2022.


Annexes

Leviers évoqués dans ce système

Matériels évoqués dans ce retour d'expérience

Cultures évoquées

Bio-agresseurs évoqués


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