Façonner les caractéristiques de la végétation à une saison donnée en pâturage
Façonner les caractéristiques de la végétation à une saison donnée permet de :
- Fabriquer un fourrage donné à une saison donnée
- Renforcer la fonction saisonnière d’une parcelle
- Anticiper l'évolution de la flore par rapport à la succession des pratiques mises en œuvre
Il n'y a pas qu'une pratique possible pour une végétation donnée. Les éleveurs peuvent agir pour donner de la valeur à leurs parcelles, notamment en façonnant les caractéristiques de la végétation au fil du temps.
Les "caractéristiques de la végétation" sont la disponibilité et la qualité alimentaire des plantes qui poussent, s'accumulent et se dégradent avec le temps, et aussi leurs conditions de survie, de mortalité et de reproduction.
Les caractéristiques d'une végétation à un moment donné dépendent non seulement du type d'espèces présentes, des saisons mais aussi des pratiques sur les parcelles.
Par "pratiques", on s’intéresse ici aux modalités de prélèvement réalisé ou non par les animaux sur les différents organes des plantes. Par exemple : un prélèvement plus ou moins complet, fréquent ou intense… Ce prélèvement dépend de la conduite des parcs et du comportement alimentaire des animaux.
Cette fiche incite:
- à comprendre le cycle de développement des différentes espèces végétales au cours des saisons
- à identifier les effets du prélèvement des plantes par les animaux sur leur cycle de développement et sur leur survie dans le milieu
Il s’agit d’aider les éleveurs à anticiper leurs pratiques en améliorant la compréhension de l'effet des prélèvements des plantes par les animaux sur les caractéristiques de la végétation au cours du temps.
Connaître cycle des plantes
Influence des saisons sur le développement des plantes :
- Lors des périodes de pousse (printemps et automne), les conditions sont favorables pour la photosynthèse (eau, lumière, chaleur). Au printemps les plantes réalisent plus ou moins vite leur cycle de reproduction et fabriquent des épis ou des tiges qui portent les fleurs. En automne, la croissance est essentiellement végétative, c’est-à-dire feuillue, mais sans fleurs et donc sans tiges, sauf pour certaines espèces dites « remontantes ».
- Lors des périodes d’arrêt plus ou moins complet de la pousse (été, hiver), les végétations subissent une dégradation plus ou moins rapide au cours du temps selon les espèces et le climat. De nouvelles feuilles peuvent apparaître si l’hiver est doux ou l’été pluvieux, mais ce sont surtout les végétations en report sur pied qui peuvent se maintenir dans le milieu.
- Lors des saisons de redémarrage de pousse (début de printemps et début d’automne), les plantes pérennes vont pousser si elles ont suffisamment de réserve racinaire car le risque est grand qu’un coup de chaud ou de gel détruisent ces premières feuilles et mettent la survie de la plante en danger.
- En fin de saison de pousse (fin de printemps et fin d’automne), les plantes vont continuer à produire des feuilles tant que les conditions pédoclimatiques le permettent. Mais l’arrivée du sec ou de la chaleur ou des nuits longues ou froides vont sérieusement ralentir le temps de photosynthèse journalier.
Influence du type de plantes
Toutes les plantes opèrent au cours du temps une phase de croissance puis de sénescence et de dégradation. Ces phases dépendent de la biologie des espèces et de l’effet du climat sur leur croissance.
- Pour les herbacées : les stades jeunes sont plus riches en sucres solubles et en azote et plus pauvres en fibres, avec une inversion progressive de ce rapport au fur et à mesure de la maturation. Lorsqu’elles ne poussent plus, les cellules meurent et ne restent alors que les parois sèches des cellules riches en fibre, qui se dégradent plus ou moins vite selon les espèces.
- Les graminées les plus rapides à se développer entrent en sénescence 2 à 4 semaines après le début de leur croissance, leurs feuilles deviennent rapidement pauvres en nutriments digestibles.
- Les graminées plus lentes épient tard et gardent une forte proportion de fibres digestibles, même lorsqu'elles sont laissées sur pied plusieurs mois.
- Les légumineuses ont une croissance plutôt tardive. Comme pour les dicotylédones, elles disposent d’une quantité d’azote supérieure aux graminées car elles ont plus de feuilles que de tiges. La plante sèche après la fructification, mais est aussi capable de relancer une croissance à partir de bourgeons situés à sa base.
- Pour les ligneux : la phase de croissance commence plus tardivement que celles des herbacées, mais leurs feuilles vont rester vivantes plus longtemps, (jusqu’en hiver pour les espèces persistantes). Les tiges en croissance sont consommables avant qu’elles se lignifient trop. Les fruits mûrissent en fin d'été et automne.
Identifier l'effet du pâturage sur la végétation
S'intéresser à l'effet du prélèvement (et du « non prélèvement ») des différents organes des plantes par les animaux permet d'anticiper les caractéristiques de la végétation que l’on va obtenir à un moment voulu.
Un exemple du façonnage de caractéristiques différentes, dû à deux pratiques différentes
- A la fin du printemps, la végétation disponible dans le cas n°1 est quantitativement plus importante que dans le cas n°2. Elle dispose d’un équilibre entre fibre (tige, feuilles jaunes), azote et sucres rapides (verdure). Tandis que dans le second cas, la végétation est riche en sucres solubles et en azote et pauvre en fibre car la repousse suite à l’étêtage est uniquement feuillue.
- En été, il y a beaucoup moins de biomasse disponible dans le cas n°2. Celle-ci est amenée à vite se dégrader car elle ne bénéficie pas de la fraicheur induite par le couvert encore en place dans le cas n°1. Dans le cas n°1 la végétation devient rapidement dépourvue en azote et sucres rapides car il n’y a plus de verdure, mais il reste encore beaucoup de fibres digestibles (et donc de l'énergie) disponibles même en fin d’été.
- En automne, la végétation du cas n°2 est très riche en azote car très feuillue tandis que dans le cas n°1 les feuilles et tiges jaunes restantes des saisons précédentes amènent de la fibre et de la quantité supplémentaire dans la végétation disponible. La végétation est alors plus équilibrée. De plus, la végétation du cas n°1 repartira plus rapidement aux premières pluies.
- En hiver, il reste de la végétation disponible dans les deux cas car il n’y a pas eu d’utilisation à l’automne. Toutefois, la quantité disponible s’amoindrit moins vite dans le cas n°1, qui permet même de disposer de fibre pour le début du printemps suivant.
Anticiper l'évolution de la flore pâturée
Les prélèvements successifs des plantes vont peser sur les trois processus principaux qui expliquent la survie et l’abondance des plantes dans le milieu :
- la mise en réserve énergétique dans leurs organes de stockage
- la reproduction par graine ou par voie végétative
- la compétition ou la synergie entre espèces
L'effet des modalités de prélèvement va être variable suivant :
- Le stade de développement des plantes prélevées : les plantes mobilisent leurs réserves lors de la relance d'une croissance. Elles ont alors un niveau de réserve au plus bas sur les premiers jours voire premières semaines de développement et sont donc plus sensibles à ces périodes.
- Le niveau de prélèvement des feuilles : les feuilles assurent la photosynthèse des plantes et donc leur autonomie énergétique. Moins il restera de feuilles après un prélèvement, plus une plante devra mobiliser ses réserves pour relancer une croissance.
- Le niveau de prélèvement des organes de stockage de réserve : pour les graminées les réserves sont situées en majorité au niveau de la gaine des feuilles (à leur base) et un peu dans leurs racines, pour les légumineuses elles se situent beaucoup dans les collets et les racines. Aussi, plus les prélèvements seront effectués bas et plus la plante repartira lentement en raison de réserves faibles.
C'est la répétition de ces prélèvements à des intensités variables qui vont conduire à la survie, l'expansion ou la mort de la plante.
Autres fiches Pâtur’Ajuste
- Choisir ses pratiques de fauche
- Concevoir la conduite technique d'un pâturage
- Façonner les caractéristiques de la végétation à une saison donnée
- Reconstituer « naturellement » un couvert prairial
- Saisonnaliser sa conduite au pâturage
- Clarifier ses objectifs en pâturage
- Réussir sa mise à l'herbe en pâturage
- L'ingestion au pâturage
- Connaître en renforcer la digestion de la fibre en pâturage
- Les refus au pâturage
- Faire évoluer la végétation par les pratiques en pâturage
- Préférences alimentaires au pâturage
- Bagages génétiques et apprentissages en pâturage
- Le report sur pied des végétations en pâturage
- Préciser ses pratiques de pâturage
- Evaluer le résultat de ses pratiques de pâturage
- Mieux connaître ses végétations en pâturage
- Mieux connaître ses animaux de pâturage
- Les ressources ligneuses en pâturage
Sources
SCOPELA, avec la contribution des éleveurs. Fiche technique du réseau Pâtur’Ajuste : Façonner les caractéristiques de la végétation à une saison donnée. Octobre 2018. Disponible sur : https://www.paturajuste.fr/parlons-technique/ressource/ressources-generiques/faconner-les-caracteristiques-de-la-vegetation-a-une-saison-donnee