Prairies permanentes, haies et extensification en élevage bovin viande par le PSE

De Triple Performance
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Ce retour d'expérience présente l'exploitation de Jérôme Collin et son engagement dans le programme de PSE (Paiements pour Services Environnementaux) d’Adour-Garonne - Territoire PNR Millevaches, via le maintien des infrastructures agroécologiques, des prairies permanentes et de l’extensification de l’élevage, ainsi que leurs bénéfices et les défis rencontrés.


Présentation de la ferme

Contexte

  • Nom : Jérôme Collin.
  • Localisation : Veix, 19260 (Parc Naturel Régional (PNR) Millevaches).
  • Statut : Agriculteur, avant petite activité d'agritourisme avec de la location de yourtes, mais arrêt car le climat ne s’y prête pas.
  • Exploitation : Entreprise individuelle : Ferme des Borderies.
  • Productions : Eleveur bovin viande de race Highland. Il n’utilise pas de produits phytosanitaires, ni d'engrais de synthèse pour fertiliser ses prairies. Son exploitation est composée de différentes infrastructures agroécologiques (haies, lisières de bois, prairies humides).
  • SAU : 51 ha, 100% prairies herbagères.
  • UTH : 1,5 (son compagnon Jean-Michel sera à plein temps à partir de janvier 2025).
  • Cahier des charges : Label Haie, HVE.
  • Cheptel :
    • 70 vaches Highlands, dont 15 vaches mères.
    • Ils gardent les bœufs jusqu'à 4-5 ans, qui sont castrés, et prêts à la vente. 7 à 8 bœufs sont vendus par an. C’est normalement de la limousine à l’herbe dans le secteur.
    • Les animaux sont nourris au foin, et depuis 2 ans avec de l’enrubanné. Ils ne sont pas autosuffisants, ils achètent le foin et l’enrubannage. Les veaux sont mis au pré 15 jours après vêlage. En hiver, les vaches restent en extérieur sur les parcelles autour de la ferme, il n’y a pas assez de place en stabulation. Au printemps, Jérôme passe la herse et change de parcelle. En juin, elles reviennent sur les parcelles d’hiver où l’herbe a repoussé.
    • Il effectue 2 traitements anti parasitaires par an. Pour les parcelles d’hiver (18 ha) où le cheptel passe environ 6 mois, c’est une fertilisation “naturelle”, via les bouses de vaches. Pendant cette période, elles sont nourries, l’herbe n’est pas suffisante.
  • Contexte (géographique, pédoclimatique, social…) : L’exploitation se situe en plein cœur du PNR Millevaches, au pied du Puy de la Monédières. C’est une zone humide, très naturelle. Elle fait aussi partie du bassin versant de la Vézère. Ce sont des sols sableux acides, qui ne retiennent pas l’eau. Ses parcelles sont dispersées, environ 18 ha sont collés à la ferme et les autres sont entre 1,5 et 6 km.
  • Climat : Humide, avec des étés parfois secs qui peuvent griller l’herbe.


Commercialisation

  • Jérôme et Jean-Michel effectuent principalement de la vente directe de viande bovine en caissettes (essentiellement à des particuliers).
  • Une petite partie est vendue en conventionnel pour assurer une certaine sécurité financière.
  • Ils ont un site internet qui fonctionne en précommandes (via Sucrine Club).
  • 2-3 épiceries de produits locaux vendent sa viande.
  • Grâce à son compagnon qui va rejoindre à temps complet l’exploitation en janvier 2025, la vente de burger est en prévision via un food-truck à la ferme, car ils ont de plus en plus de la demande.


Historique de l’exploitation

Highland hiver.jpg
  • Jérôme faisait partie d’un GAEC de 350 ha, en intensif avec un gros méthaniseur.
  • Avril 2015 : Installation + activité touristique de location de yourtes en Corrèze (qu’ils ont arrêté).
  • En 2020 : Il avait au total 32 ha dont environ 20 ha en prés, et le reste en forêts. Il entre aussi dans le PSE, en retard, car il a été identifié trop tard en 2019.
  • En 2021 : Via la location de terres, il est passé à 47 ha.
  • En 2024 : 51 ha avec 1 bâtiment (4 boxes pour les vêlages).

Motivations

  • Avec un passif au sein d’un GAEC intensif en production laitière qui cherchait la performance technique, Jérôme a beaucoup réfléchi sur l'autonomie alimentaire. Il a donc décidé de passer à un système complètement opposé en 100% à l’herbe.
  • Objectifs :  
    • Ils n’ont pas le label Agriculture Biologique, mais ils ont les mêmes pratiques. Ils utilisent des produits à base d'huiles essentielles du  Comptoir des plantes pour soigner les animaux. Ne pas avoir le label AB, leur laisse plus de liberté en cas d’impasse. Ses bonnes pratiques leurs permettent de bénéficier des financements du PSE.
    • Retrouver un rythme plus sain.
    • Limiter les intrants : Zéro produits phytosanitaires, zéro engrais chimiques. Ils souhaitent augmenter les apports organiques, mais ils n'ont pas trop de fumier sur la ferme, car ils ne possèdent qu’un petit bâtiment.


Le PSE d’Adour-Garonne, Territoire du PNR des Millevaches

  • Acteurs : Chambre d’agri de Corrèze est le principal interlocuteur. L’agence de l’eau Adour Garonne.
  • Indicateurs : Jérôme est entré dans le PSE avec les 3 indicateurs qui le composent, qui font partie des briques 1 (gestion des structures paysagères) et 2 (gestion des systèmes de production) du PSE :
Source : PSE Adour-Garonne[1]
Indicateur 1

Rotation longue

et couverture du sol

Cet indicateur évalue la longueur de la rotation,

la couverture du sol en hiver via la part des surfaces

fourragères et des intercultures longues.

La capacité à stocker du carbone et protéger les

ressources en eau, via la présence de prairies

permanentes et temporaires, ainsi que des couverts

végétaux est aussi mise en valeur.

Indicateur 2

Extensification des

pratiques agricoles

Cet indicateur évalue deux indicateurs : l’utilisation

des engrais azotés de synthèse sur les prairies et

cultures fourragères et le niveau d’utilisation des

produits phytosanitaires sur les cultures pour la

même saison culturale que l’indicateur 1.

Indicateur 3

Présence d’infrastructures

agroécologiques

Cet indicateur évalue le niveau de présence des haies,

des lisières de bois, d’étangs et des mares, et de prairies humides.


La gestion des structures paysagères

Présence d’infrastructures agroécologiques

  • Date de mise en œuvre : 2020.
  • SAU : 10% de la SAU, 4 km de haies, 11 km de lisières de bois et 4,3 ha de prairies humides.


Le maintien des haies

Au démarrage, un audit et un pré-audit ont été réalisés pour recenser les haies, principalement situées autour des parcelles. Depuis 2021, le PSE se concentre sur leur maintien. Ces haies sont composées d’espèces locales adaptées à l’environnement. L’exploitation a adopté le label haie, ce qui implique plus d’entretien : il faut scier plutôt que broyer. Les haies sont taillées à une hauteur maximale de 5 mètres, pour faire passer le tracteur, y compris en lisière.

Le broyat issu de l’entretien est généralement stocké, avec l’objectif à terme de l’utiliser comme litière en stabilisation (calcul de T° fait par le Label Haie). Il faudrait le composter avant de l'épandre. Une autre solution envisagée serait d’ajouter ce broyat au fumier paille en stabulation, puis de le passer au composteur afin d’obtenir un mélange homogène. Ces différentes méthodes doivent encore être testées pour trouver la meilleure approche. Enfin, il est essentiel de restituer une partie des éléments à la terre, pour s’inscrire dans une logique de durabilité.

Avant-après haie.png


La préservation des prairies humides
Le ruisseau des Monédières.

Ce sont des réservoirs d’eau potable pour d’autres communes plus basses, elles se comportent comme des éponges. Ces zones étaient déjà humides, le sol y est détrempé, il n’y a pas de mare. Il y a un ruisseau et du ruissellement, donc c’est aussi une zone d’abreuvoir pour les animaux. L’entretien se fait par les animaux. Jérôme et Jean-Michel n'entretiennent que les ronces et les genêts envahissants. Ils évitent d'y aller avec le tracteur. La biodiversité est présente autour et à l’intérieur : grenouilles, oiseaux, insectes, etc … Le CEN (Conservatoire d'Espaces Naturels) devrait répertorier les espèces, mais l’inventaire n’a pas encore été fait.


La gestion des systèmes de production

Prairies, rotations longues et couverts végétaux

  • Date de mise en œuvre : 2020.
  • Étapes années 1/2/3/4/5 :
    • 2020 : 32 ha.
    • 2021 : 47 ha.
    • 2022 : 46 ha.
    • 2023 : 48 ha.
    • 2024 : 51 ha.


Gestion des prairies permanentes

En 2024, Jérôme et son compagnon disposent de 51 ha de prairie naturelle, sans couverts végétaux. Parmi ces parcelles, 20 ha sont situés autour de la ferme. Les prairies les plus proches se trouvent à 1,5 km, tandis que les plus éloignées, en montagne, sont à 6 km, nécessitant plus de 30 minutes en tracteur. La gestion de ces prairies repose à parts égales sur la fauche et le pâturage. En cas d’été chaud, la fauche tardive est adoptée, débutant mi-juin, 1 seule coupe car les sols sont sensibles au dessèchement. Jérôme envisage de mettre les animaux sur la repousse, mais cela nécessiterait d’installer de la clôture électrifiée, et d’aménager des points d’eau sur les parcelles les plus éloignées.

Les Highlands dans la prairie humide.


Fertilisation

Une analyse de sol a révélé un manque de potassium. Depuis l’année dernière, il applique un amendement organique composé de calcium, de potassium et d’azote (15 % ammoniacal, 5 % uréique, soit 20 % d’azote), ainsi que 46 % de soufre, qui agit comme un stimulateur racinaire. En complément, il utilise un engrais minéral basique (pH = 9), le Physiolith (CaO : 36 % ; MgO : 1 % ; Valeur Neutralisante (enrobage) : 37% ; 1.5% extraits d’algues et de végétaux), pour remplacer la chaux et la marne, tout en stimulant la vie microbienne du sol.


Perspectives en 2025

En 2025, il prévoit de pratiquer un sur-semis sur environ 8 ha, en utilisant des semences locales récoltées à proximité, achetées dans une coopérative et produites dans le Limousin. Ce mélange comprendra deux types de trèfles, du lotier, du dactyle, deux variétés de ray-grass et deux de fétuque.


Extensification des pratiques agricoles

Elle se traduit dans ce PSE par :  

  1. La réduction de l’usage des produits phytosanitaires et de l’engrais azoté chimique.
  2. la réduction de l’usage des herbicides et des insecticides, diversité floristique des prairies naturelles.
  • Date de mise en œuvre : 2020.
    • IFT = 0, ils n'utilisent aucun produits phytosanitaires.
    • Critère de chargement : Jérôme a un chargement de 1,14 UGB/ha (pour être éligible à ce PSE il faut avoir un chargement < 1,4 UGB/ha). Il y a quelques vaches qui partent en pension chez un apiculteur.
    • Engrais minéral azoté : Il est presque à 0 d’apport. Il ne met aucun engrais chimique. Il utilise un amendement minéral marin basique (le Physiolith). Il va essayer de mieux valoriser ses fumiers.


Autres pratiques mises en place

Le Pâturage Tournant Dynamique (PTD) a déjà été testé sur l’exploitation, mais en été chaud et sec, il n’y a pas assez d’herbe et pas assez de surface.


Bilan

Résultats observés/mesurés

  • Le PSE n’a pas influencé leur mode de fonctionnement, mais leurs pratiques reflètent les objectifs du PSE, car ils font avec l’écosystème local (c’est une zone où l’eau est précieuse et où l’élevage se doit de cohabiter avec).
  • Au niveau économique, le PSE couvre les frais engagés.


Rémunération

Pour le maintien, Jérôme touche entre 7500 et 7800€ par an, en fonction du nombre d’hectares. Cela représente ¼ des primes qu’il touche (DPU vaches allaitantes).


Contrôles

L’animateur PSE au niveau de la Chambre d'Agriculture de Corrèze passe une fois par an pour vérifier que les haies sont bien entretenues selon les critères du Label Haie. Il vérifie également ses IFT.


Accompagnement

L’animateur PSE se charge de tout : les démarches en ligne, les tableaux d’indicateurs.


Si c’était à refaire

Il faudrait mettre de l’engrais plus tôt (il y a 3-4 ans) car l’herbe pousse mieux, mais ils n'avaient pas les moyens.


Investissement

  • Ils sont arrivés en 2015 sans animaux, c’était un démarrage difficile, avec du vieux matériel, donc ils réinvestissent au fur et à mesure.
  • Ils changent le parc mécanique pour entretenir les haies : faucheuse, faneuse. L'achat d'une nouvelle presse est prévu.
  • S'ils doivent agrandir leur SAU, ça se fait principalement en location.


Avantages et inconvénients

Avantages

  • Il n’y avait pas beaucoup de pratiques à mettre en place, excepté la gestion durable des haies.
  • C’est bien rémunéré.


Inconvénients

  • Le Label Haie est difficile à respecter, il a été un peu imposé. Ce sont des gestes contraignants, il faut être plus méticuleux.
  • L’entretien des haies nécessite plus de temps de travail. Il faut utiliser la tronçonneuse ou l’élagueuse, car le passage de lamier est interdit.


Conseils de Jérôme

  • Il faut se lancer, si on est dans une situation proche de celle-ci, avec peu de choses à mettre en place.
  • Si beaucoup de pratiques sont à changer/installer, il faut peut-être réfléchir.


Perspectives

  • Création d’un food-truck de burgers sur la ferme prochainement.
  • Son compagnon Jean-Michel sera à temps plein avec lui.
  • Augmenter la SAU.
  • Stockage de l’enrubanné facile à l'extérieur, il n’a pas de place à l’intérieur (démarrage en 2025).


Références


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Cette page a été rédigée en partenariat avec le Ministère de la Transition Écologique.

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Annexes





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