Trogne

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Trognes.jpg Trognes, arbres têtards

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Les trognes ou arbres têtards, trognard, escoup, hautain, chapoule, émonde, ragole, tronche, gueule, mère-souche, arbre à fagots,... sont une source de biodiversité dans nos campagnes. On les trouve dans tous types de paysages : montagne, plaine, colline, champ mais aussi en ville. Ces sculptures végétales sont un patrimoine précieux à plus d’un titre, hérité de l’idée de récolter plusieurs fois le houppier d’un même arbre, au cours de sa vie. Les trognes touchent différents domaines : économique, écologique, esthétique, culturel,...

Description

Trogne de sureau.

La trogne est un arbre taillé périodiquement à la même hauteur pour produire durablement du bois, du fourrage ou des fruits. Ce n’est pas l’essence de l’arbre qui fait la trogne mais sa taille régulière.

  • Soit il est étêté toujours à la même hauteur (tronc et branches principales : étêtage) et il devient un têtard (ou têteau) à cause de la "grosse tête" qui se forme au fil du temps là où se fait l’écimage, surmontée d’une couronne de branches touffue.
  • Soit il est taillé latéralement (émondage), à la jonction des grosses branches avec le tronc et il devient alors une émonde ou ragosse avec un long tronc noueux.

Ces arbres voient au fil des tailles (recépages) leur silhouette se transformer assez rapidement et devenir complètement différents de la forme naturelle en l’absence d’intervention humaine (arbre de haut-jet).


Entre le têtard et l’émonde, il existe une multitude de combinaisons : une trogne peut avoir plusieurs têtes, plusieurs troncs, plusieurs bras. Après chaque recépage (taille), surgissent des bourgeons latents qui donnent de nouveaux rameaux (suppléants) et des bourrelets de recouvrement se forment au niveau des branches coupées. Ces tissus vivants recouvrent plus ou moins les coupes et préparent de nouveaux bourgeons. Au fil des recépages, la formation des bourrelets génère des replis et des boursouflures qui donnent aux trognes cette allure particulière. Si les cycles de taille sont réguliers et suffisamment rapprochés, la production de nouveaux rameaux peut se renouveler durant des siècles, même si la trogne est creuse.


La trogne est l’arbre "paysan", utile par excellence, que l’on taille avec assiduité pour en tirer le maximum de profit, ou en contenir le développement, tout en respectant au mieux ses exigences biologiques, et pour en pérenniser la ressource : la nécessité de produire plus avec la plus grande économie de moyens et d’espace possible.

La trogne c’est une connaissance des savoir-faire, une expérience du génie végétal au service de la petite économie-verte d’antan, mais c’est surtout un formidable potentiel d’avenir et de modernité dont on ne perçoit pas clairement les enjeux et la mesure.

Les enjeux de sa réhabilitation dans nos logiques de production agricole et d’aménagements en tous genres sont :

  • Le stockage de carbone.
  • La production de biomasse.
  • Accueillir de la biodiversité.
  • Protéger l'environnement et les territoires.

La trogne rassemble tous les aspects de la diversité : diversité des milieux, des paysages, des formes, des usages, des produits. Le concept même de trogne traduit cette vision totale de l’arbre qui sert à tout et dont on ne laisse rien perdre : branches, rameaux, fruits et feuillages, perches, fagots et brindilles, autant d’intérêts et de profits fournis par un unique capital fixe : des racines et un tronc. Cette analyse "capitaliste" de l’arbre nous éclaire sur le potentiel considérable dont nous pourrions disposer en développant et en gérant notre patrimoine arboré de proximité, en le faisant fructifier et fournir à profusion énergie, matières premières, fertilité pour les sols, vitalité à nos milieux et paysages.

Des formes multiples, des situations diverses

La trogne est le résultat d’une technique d’exploitation de l’arbre auquel on a coupé le tronc ou les branches maîtresses à un niveau plus ou moins élevé, pour provoquer le développement de rejets que l’on récolte périodiquement. Cette technique s’applique généralement à la plupart des feuillus, plus exceptionnellement sur des conifères.

Selon les essences et l’intervalle des tailles, ces rejets, coupés au même niveau, fournissent principalement du bois de chauffage, du bois d’œuvre et de travail, ou du fourrage. Véritable centrale de production renouvelable, écosystème remarquable, réservoir de biodiversité, marqueur du paysage, patrimoine culturel original, la trogne tenait autrefois une place importante dans l’économie et dans les paysages ruraux.

Souvent discrètes dans le paysage, les trognes sont pourtant bien présentes, à la ville comme à la campagne : isolées, en petit groupe, en verger, dans les haies, en alignement, le long d’une route ou d’un chemin, au bord d’un canal ou d’un ruisseau, en ville, en plein champ ou même en forêt...

Échantillon de formes de trognes de chêne (croquis réalisés d’après des arbres existants)[1].

Le têtard

Trogne de Frêne.

Le têtard présente une grosse tête (trogne) : un gonflement du tronc formé par les cicatrisations successives au même niveau. La hauteur de coupe varie généralement de 2 à 3 mètres, elle était définie par la taille des animaux qui pâturaient en dessous pour qu’ils ne puissent pas atteindre les jeunes rejets.

La ragosse ou émonde

Ragosse.

La taille en ragosse consiste en l’élagage des branches latérales au ras du tronc. Les ragosses ou émondes sont des formes spécifiques à la Bretagne, en particulier au bassin rennais. Les branches récoltées étaient utilisées en fagot puis à maturité, le fût servait à du bois d’œuvre (charpente notamment) ou des bûches de bois de chauffage.

Le candélabre

Candélabre de hêtre au Pays Basque. Crédit photo : Dominique Mansion.

Le candélabre est une trogne à plusieurs têtes : lors de la taille de formation, l’arbre n’a pas été totalement étêté, on a coupé ses branches charpentières. Les plus fameux candélabres sont les hêtres de la forêt d’Iraty au Pays Basque, autrefois utilisés pour la production de charbon de bois pour les fonderies d’acier et comme bois d’œuvre pour la construction navale.

Les trognes urbaines

Trognes urbaines en têtes de chats.

La taille en têtard assure une maîtrise de la hauteur de l’arbre adulte, ce qui permet d’envisager la plantation d’arbres plus sereinement en ville, au bord des routes ou à proximité des bâtiments.

Les têtes de chat

La taille "en têtes de chat" est surtout mise en œuvre en milieu urbain, l’objectif n’est plus la production de biomasse mais plutôt la formation d’arbres au port "architecturé", au volume contenu.

Le plessage

Plessage. Crédit photo : Bernard Gambier.

Le plessage est une technique traditionnelle de taille des haies vives. Une haie plessée est constituée en fendant les troncs des arbustes qui la constituent à proximité du sol. Les arbustes ainsi fendus sont ensuite inclinés et tressés avec des piquets espacés de 40 cm ou bien avec certains arbustes laissés verticaux. Certaines trognes sont le vestige d’anciennes haies plessées.


Trogne de vigne.


La vigne est sans doute la plus ancienne forme de trogne que l’on puisse rencontrer. Sa taille régulière a pour objectif de stimuler la fructification, tout comme celle des oliviers.


Créer et entretenir une trogne

Meilleure résistance au vent, besoins en eau réduits, compartimentage et résistance aux parasites,... La taille en têtard permet aux arbres de vivre plus vieux qu'en développement libre, à condition que le cycle de taille ne soit pas interrompu.

La taille de formation

La taille d’un arbre en têtard s’effectue plusieurs années après la plantation, ou dès que le diamètre a atteint 5 à 10 cm. L’étêtage est réalisé à la hauteur voulue. La coupe de la tige principale doit être nette pour que la reprise se fasse bien en couronne autour de la section. Il est également nécessaire d’élaguer complètement le sujet pour éviter qu’il ne parte en "buisson". Cette opération pourra se répéter les premières années si une repousse de gourmands se fait sur le corps de l’arbre.

Les autres étêtages pourront se faire tous les 3 à 4 ans pour bien former la "tête" de l’arbre. Par la suite, les étêtages seront espacés au fur et à mesure que l’arbre grossira.


Extrait de «Les trognes, l’arbre paysan aux mille usages» - Dominique Mansion.


La première taille de formation de l’arbre têtard est pratiquée en période de repos végétatif (mi-novembre / mi-mars) pour conserver un maximum de réserves pour la reprise.

La formation d’un arbre têtard peut aussi se faire à partir de boutures (notamment pour les saules et les peupliers noirs) qu’on aura directement prélevées sur un arbre adulte.

La taille d’entretien

Après la formation de la "tête", l’entretien d’un arbre têtard est réalisé à intervalle régulier. Le rythme des tailles est très variable, de 1 à 20 ans selon :

  • L'essence de l'arbre : Les tailles des bois durs comme le chêne, peuvent êtres espacés de 10 ans. Pour les bois à croissance rapide, comme le saule et le peuplier, il est conseillé de tailler tous les 4-5 ans. Un rythme de taille plus élevé favorise la vitalité mais n’encourage pas la formation de creux favorables à la biodiversité.
  • Le terrain où il se développe.
  • La destination du bois récolté (fourrage ou bois de chauffage).

Par exemple, un saule osier est taillé tous les ans. On estime que les tiges ne doivent pas dépasser 15 cm de diamètre. Il faut veiller a toujours couper au même endroit pour ne pas perturber l’arbre et détruire les réserves accumulées dans la tête.

Comme pour toute taille sévère d’un arbre, l’exploitation du têtard est réalisée préférentiellement entre la mi-novembre et la mi-mars, quand la sève et les réserves sont descendues dans les racines. Sauf s'il s'agit de récolter du fourrage ! Le choix de cette période permet également d’éviter le dérangement des oiseaux en période de nidification. Il est important de couper les branches au-dessus du bourrelet cicatriciel pour éviter toute fragilisation de l’arbre et l’apparition de maladies liées à la colonisation par les parasites.

Taille d'entretien.


Attention : lorsque les branches sont très grosses, la taille peut être dangereuse. Il faut donc prendre la précaution de tronçonner les branches en plusieurs fois à partir du sommet.

Restaurer une trogne

Après une période d’abandon, on peut parfois remettre en activité des trognes. Cependant, si les branches ont atteint un diamètre trop important, il est préférable de ne pas tenter de les tailler à nouveau car la cicatrisation serait trop difficile et pourrait être préjudiciable à l’arbre. Les sujets âgés qui n’ont pas été exploités depuis plus de 15 ans peuvent présenter des rejets d’un diamètre supérieur à 20 cm. Si on ne coupe pas les branches, elles risquent de céder sous leur propre poids si elles sont en situation de déséquilibre sur la tête de l’arbre. Si on les coupe, on ouvre une section importante qui mettra beaucoup de temps à cicatriser et la reprise des bourgeons dormants sera plus aléatoire. D'autre part, plus les tiges sont grosses, plus on enlève des réserves à l’arbre qui sera davantage vulnérable aux pathogènes. Il s’agit là d’un argument supplémentaire pour favoriser des fréquences soutenues d’exploitation.

Deux réponses sont possibles selon l’essence de l’arbre

Vieille trogne de saule menacée par le poids de ses charpentières.
  • Les arbres à bois tendre et cassant (saules, peupliers) qui reprennent facilement, doivent être taillés car le risque d’éclatement est beaucoup plus important que le risque de non reprise.
  • Les arbres à bois plus dur (comme les chênes et les frênes) pourront être laissés en forme libre si leur structure est équilibrée et leur tenue mécanique satisfaisante. Dans le cas contraire, il est préférable de se risquer à les tailler.

Méthode alternative

Taille où on laisse plusieurs tire-sèves.
  • 1er hiver : Exploiter partiellement la couronne en laissant plusieurs branches maîtresses régulièrement réparties, diminuer éventuellement la longueur de celles-ci au niveau d’une fourche : tire-sèves raccourcis.
  • 1er et 2ème printemps : Laisser se développer la nouvelle couronne de rejets.
  • 3ème hiver : Si les nouveaux rejets sont suffisamment nombreux et vigoureux, on peut exploiter les tire-sève raccourcis.

Une diversité d’essences

À l’exception de quelques espèces, la plupart des feuillus peuvent être taillés en trogne. Parmi les plus courantes : chênes, saules, ormes, frênes, platanes, mûriers, charmes, érables champêtres, hêtres, peupliers noirs, tilleuls, châtaigniers, marronniers,... Selon les régions, les milieux et les productions recherchées, on voyait se développer des trognes de telle essence ou d’une autre : mûrier blanc dans les zones produisant du ver à soie, ormes et frênes dans les zones d’élevage, chênes et charmes pour le bois de chauffe, saules pour la vannerie, platanes et tilleuls pour l’agrément en zones urbanisées,...


On peut dire qu'une trogne, est un arbre transgénérationnel car il est à la fois vieux et jeune, vivant et mort. Il est capable de réunir tous les âges de la vie. Un arbre creux ou porteur de champignons ne signifie pas qu’il est mort ni qu’il va dépérir rapidement. En effet, le bois mort est au centre de l’arbre, le bois vivant, où circule la sève, est en périphérie du tronc, juste sous l’écorce. Aussi, un arbre fruitier, même creux, peut continuer à produire des fruits.

De multiples usages

Fourrage d’appoint, bois d’œuvre, de chauffage, ou autres usages domestiques, selon les essences, le rythme des tailles, la dimension et la qualité des branches récoltées, les usages des trognes sont multiples.

Bois d'œuvre et de services

La vannerie

Trogne Osier.jpg

Taillés annuellement, les saules, aussi appelés osier, produisent des brins souples et droits utilisés en vannerie. Au delà de la production de paniers et autres objets tressés, ces rejets servaient également à lier les sarments de vignes et les gerbes de blé.

Les poteaux, perches, fascines, piquets de clôture

Aux principales fonctions s’en ajoutent d’autres répondant à une logique d’aménagement (fixer les berges, calmer l’ardeur des eaux,...) ou à divers emplois domestiques (tuteurage dans les vignes et les vergers, parcage du bétail,...).

La charpente et l’ébénisterie

Le tronc des arbres têtards généralement noueux et résistant, ainsi que certains rejets aux formes particulières, étaient autrefois recherchés pour la confection de poutres et pour la construction navale. Leur bois de loupe très décoratif est toujours très prisé par l’ébénisterie et la marqueterie pour la confection de meubles ou de pièces de luxe. On peut en particulier citer les loupes de chênes, d’ormes, de peupliers noirs, de frênes,...

Bois énergie

Avant l’avènement des énergies fossiles (charbon minéral, fuel, gaz), le bois était la principale source d’énergie calorifique. De par la diversité de ses productions, la trogne permettait de satisfaire l’ensemble des besoins en combustibles qu’ils soient domestiques, artisanaux ou industriels.

Le fagot

Production de bois pour le chauffage.

Les branches les plus fines résultant de la taille, étaient soigneusement rassemblées en tas de fagots, qui brûlés par millions chaque année, satisfaisaient les besoins énergétiques du foyer (cheminée, four à pain,...), et de certaines activités artisanales et industrielles (poteries, briqueteries, tuileries, fours à chaux,...).

Le charbon de bois

Avant l’emploi du charbon fossile, c’est le charbon de bois qui servait à alimenter la métallurgie et les verreries. Il était issu du bois d’émondage et transformé sur place par des charbonniers, les bois de hêtre, de chêne et de charme étaient notamment utilisés pour leur fort pouvoir calorifique.

Le bois bûche

De valeur supérieure à celle des fagots, les branches de gros diamètre servent à la confection de bûches destinées à alimenter les cheminées, foyers fermés et poêles. Face au coût toujours croissant des énergies fossiles, le bois de chauffage connait un regain d’intérêt qui devrait s'accroître dans les prochaines années.

Le bois plaquettes

L’apparition d’outils permettant le broyage de branches d’un diamètre conséquent permet de valoriser les rémanents de taille sous une nouvelle forme : la plaquette de bois, actuellement utilisée pour alimenter les chaufferies collectives et industrielles.

Bois fertilité

L’apparition de cavités, consécutives aux diverses tailles, s’accompagne de la formation de terreau issu de la décomposition du bois, de l’apport de matériaux organique et minéral par le vent et les oiseaux. Ce terreau, aussi appelé "sang de trogne", est une matière précieuse, il était autrefois récolté pour préparer les semis et enrichir le potager.

De tout temps, l’arbre têtard, de part l’importance de sa biomasse, a contribué à enrichir les sols, par l’apport de feuilles et de racines fines décomposées annuellement et restituant au sol divers éléments minéraux dont de l’azote et du carbone.

Le BRF (Bois Raméal Fragmenté) est un broyat de rameaux verts et de petites branches fraîches, utilisé comme paillage ou incorporé au sol. Leur utilisation semble être une voie intéressante pour restaurer la vie des sols cultivés. L’usage du fagot ayant quasiment disparu, les rejets d'un diamètre inférieur à 10 cm, récoltés lors de la taille des arbres têtards sont bien souvent brûlés. Ils trouvent avec le BRF un nouveau débouché en accord avec les nouveaux enjeux agro-environnementaux (eau, sol, biodiversité, énergie,...) et attentes sociétales. La fertilité peut et doit être produite in-situ.

Fourrage

L’arbre têtard est une véritable prairie aérienne. Autrefois pratiquée dans toutes les régions d’élevage, la récolte du feuillage et des jeunes rameaux des arbres permettait un apport de fourrage non négligeable, notamment en montagne ou pendant les périodes de sécheresse estivale. L’orme, le frêne et le mûrier blanc, réputés pour la qualité nutritionnelle de leur fourrage, étaient les essences les plus recherchées. Dans un contexte de changement climatique et de sécheresses annoncées, cette pratique plus ou moins abandonnée, va retrouver sa noblesse et son utilité.

La trogne "station d’épuration"

Les nouvelles réglementations imposent, notamment dans les zones urbanisées et industrielles ainsi que dans les lotissements, la collecte des eaux pluviales. Une alternative aux bassins de récupération et de décantation, pourrait être de créer des cuvettes végétales plantées d’arbres têtards. Ces espaces, s’apparentant à des zones humides, au-delà de leur rôle d’assainissement, contribueraient à la biodiversité, à la production de biomasse, à la reconstitution de prairies humides et à l’embellissement des sites et du cadre de vie, offrant aussi des espaces récréatifs pour les petits et les grands.

Lierre et trognes

Le lierre utilise les arbres comme support, il ne les parasite pas et n’est pas gênant. Sa floraison très tardive offre aux abeilles et autres pollinisateurs leur dernière récolte de pollen avant l’hiver et ses nombreux fruits sont une ressource hivernale très prisée par les oiseaux. Dans la plupart des cas il doit donc être conservé, cependant, quand il s’implante directement dans le terreau d’un arbre têtard, il faut le gérer. D'une part son poids peut devenir préjudiciable à la tenue mécanique de l'arbre. D'autre part, il cache la lumière aux bourgeons dormants, empêchant les nouveaux rejets. A tous les étages, un véritable gratte-ciel pour la biodiversité. Lors de la taille de l'arbre, il est donc préférable de le couper.

Refuge pour le biodiversité

Le têtard est également un lieu de vie et de ressources pour de nombreuses espèces animales et végétales. En vieillissant, ces arbres se creusent, la partie centrale se dégrade alors que la périphérie continue de se développer. D'abord, au niveau de la "tête" de l'arbre, la décomposition des feuilles, les particules apportées par le vent et l’accumulation des fientes d’oiseaux participent à la formation d’un terreau spécifique favorable au développement d’une flore dite épiphyte (fougères, fleurs sauvages, arbres et arbustes, mousses, lichens,... ).

Chouette chevêche.

Les troncs des arbres têtards forment ensuite de nombreuses cavités et fissures qui sont autant de lieux de vie attractifs pour une faune variée qui s’y réfugie et s’y alimente. Dans ces anfractuosités naturelles ou celles creusées par le pic, tout un cortège d’espèces vont se succéder ou cohabiter : les cavernicoles, les passereaux insectivores (mésanges, sittelles, rouges-queues, etc...), les rapaces nocturnes (chevêches, hulottes,...) mais aussi les écureuils, loirs, martres et certaines chauves-souris, sans oublier les coléoptères et les insectes pollinisateurs qui pourront élire domicile dans ces vieux arbres.


Ainsi, l’arbre têtard constitue un véritable écosystème aux multiples usages qu’il est important de préserver.

Cycles de taille en fonction des usages[1].

Un patrimoine menacé

L’oubli et l'abandon

La motorisation de l’agriculture, l’avènement des énergies fossiles, la dépopulation des campagnes et la désaffection des arbres champêtres ont précipité nombre de trognes dans l’oubli.

La production de bois est toujours profitable aux plus entreprenants. Pourtant, les paysans ont arrêté d'utiliser le bois d'émondage et c'est toute une culture de l'arbre qui a failli s'éteindre. Même si dans certaines régions bocagères ou de montagne, la coutume est restée vivace, beaucoup de trognes ont été abandonnées. Dans le meilleur des cas, elles reprennent sans dommage une forme libre et un aspect naturel, à tel point que seul le regard initié peut les distinguer. Mais le plus souvent, lorsqu'une trogne cesse d'être taillée, ses branches grossissent, s'alourdissent et elles offrent une prise au vent qui sous l'effet du déséquilibre, menace l'intégrité de l'arbre tout entier.

A défaut de renouvellement, les trognes et leur cortège animal et végétal disparaîtront naturellement, nous privant d’une ressource et d’une biodiversité précieuses.

Le pillage et le massacre

Loupe.

La disparition des trognes est aussi extrêmement accélérée par l’exploitation abusive qui en est pratiquée. Le bois des arbres champêtres est très recherché et particulièrement les arbres de bocage ou de trognes pour leur "bois de loupe", devenu rare et d’une très grande valeur commerciale. Une valeur sous-estimée par le vendeur lui-même qui brade ses vieux arbres, parce qu'ils n’ont pas la majesté d’arbres forestiers. Et bien souvent, pour quelques bribes de bois précieux, tout un paysage est bouleversé, tout un écosystème est sacrifié. Fin 2010, en quelques jours, plus de 700 trognes ont littéralement été pillées dans la région d’Anjou-Touraine.

Le business des trognes

Trogne d'olivier.

Les oliviers sont victimes de leur faciès. Depuis quelques années, planter dans son jardin un olivier centenaire à la silhouette torturée, est devenu très à la mode. Les oliviers âgés sont souvent achetés au rabais en Espagne et revendus à prix d'or en France. On estime que d'ici 20 ans, il n'y aura plus de vieux oliviers en Espagne, un véritable pillage du patrimoine naturel et des sols.

Trognes et agroforesterie

L'agroforesterie associe arbres et cultures sur une même parcelle. Les parcelles agroforestières associent production de bois et production végétale et animale. Conduit en têtard, l'arbre agroforestier apporte un revenu plus précoce et plus régulier à l'agriculteur et son houppier concurrence moins les cultures. L'INRAe de Montpellier a entrepris des expérimentations.

Un avenir prometteur

À l’heure du développement durable, où l’on cherche des solutions pour produire plus tout en préservant les ressources naturelles, l’arbre têtard offre un modèle de production et de protection simple, efficace et reproductible à volonté.


Un modèle polyvalent, adaptable à toutes les situations

La réappropriation et la valorisation des arbres champêtres constituent l’un des défis majeurs que nos sociétés devront relever et la trogne en est l’expression la plus performante. À lui seul l’arbre têtard peut satisfaire des objectifs combinés et couvrir des besoins à la fois économiques, écologiques et esthétiques.

Le contexte politique est aujourd’hui plus favorable aux arbres : soutien à l’installation de systèmes agroforestiers, évolution de la conditionnalité des aides agricoles, certification environnementale des entreprises agricoles, Plan Objectif Terres 2020, Stratégie Nationale pour la Biodiversité, Trame Verte et Bleue du Grenelle de l’Environnement, Paquet Energie Climat,... Cette prise de conscience se traduit dans diverses innovations, et passe par la poursuite d’un incessant travail d’inventaire, de protection, de connaissance, d’information, de recherche et de développement. Les villes et les campagnes ont plus que jamais besoin d’arbres. Il est urgent d’anticiper une gestion durable et de mettre en œuvre des technologies appropriées.

Produire bois et biomasse

Production de bois pour le chauffage.

L'exploitation d'arbres têtards peut permettre de répondre à :

  • Une demande croissante en bois d’œuvre d’essences nobles.
  • L'augmentation des besoins en broyats de bois. Les bois d’émonde d’une trogne peuvent produire des quantités significatives de bois-plaquette, une énergie propre, renouvelable qui alimente des chaudières très performantes.


Protéger l’environnement et les activités humaines

Refuge de biodiversité (dont auxiliaires et pollinisateurs des cultures), climatiseur, améliorateur des sols, fixateur de carbone,... Les apports de la trogne sont aussi particulièrement positifs en matière d’eau :

  • Hydratation des milieux arides ou assainissement des zones humides.
  • Protection des captages et des zones de rejet d’épuration,... tout en valorisant ces sites à la fois difficiles et très productifs.

"Paysager" et aménager l’espace

Les trognes ont du caractère et embellissent durablement les espaces construits, espaces verts ou espaces publics, ainsi que les bordures de voiries. Des lieux où il est d’ailleurs nécessaire de maîtriser le développement des arbres. Une façon originale de réintroduire l’arbre en milieu urbain.

Pour aller plus loin

  • Trognes, l’arbre paysan aux mille usages - Dominique Mansion - Ouest France - Nov 2010.


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Sources

  1. 1,0 et 1,1 Le Petit Guide du trogneur - Association française d’Agroforesterie et partenaires, 2018.
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