Autonomie en matière organique en maraîchage

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Belgique - Louvain-la-Neuve - Ferme de Lauzelle - 15.jpg Raisonnement des apports, MSV, fertilité des sols, etc...

Autonomie en MO en maraîchageRaisonnement des apports, MSV, fertilité des sols, etc...Belgique - Louvain-la-Neuve - Ferme de Lauzelle - 15.jpg

En agriculture, la matière organique du sol est un mélange complexe de résidus animaux et végétaux, frais à tous les stades de décomposition, de tissus microbiens vivants et en décomposition et de biomasse hétérotrophe, ainsi que de substances humiques relativement stables[1]. Elle joue un rôle primordial sur la structure, la fertilité et l'activité chimique comme biologique des sols en plus de rendre divers services éco-systémiques (séquestration du carbone, support de biodiversité etc.).

En maraîchage, où les succession de cultures sont plus intensives, la gestion du taux de matière organique des sol est une thématique de réflexion importante dans la fertilisation des cultures.

Ce portail décline les principales formes de gestion de la matière organique en maraîchage, et présente leurs grands enjeux.


Raisonner les apports

En maraîchage la gestion de la fertilisation s'inscrit dans un enjeu agronomique et environnemental, et doit en conséquent être réfléchie en fonction des spécificités de l'exploitation. En maraîchage biologique, on attend souvent de la fertilisation qu'elle bénéficie en premier lieu au sol, afin de favoriser la croissance des plantes via les mécanismes naturels. De fait, les apports de matière organique doivent être raisonnés en fonction d'analyses de sol (physiques et chimiques) et des besoins des cultures de la campagne.[2] En connaissance de ces valeurs, il est possible de procéder à un calcul du bilan humique, pour connaître la quantité d'humus minéralisée annuellement par hectare, et ainsi compenser cette dégradation par des apports. D'autres indicateurs de pilotages peuvent également être mobilisés, comme le test nitrate ou la méthode BRDA-Hérody.[3]


Les apports organiques

Engrais

On appelle engrais organique les substances d'origine "naturelle" (animale ou végétale) qui sont apportées sur une parcelle agricole afin de fournir aux cultures les éléments nutritifs qui contribuent à leur croissance. Ils peuvent donc être à dominante azotée, phosphatée, ou potassique. En maraîchage, on distingue les engrais solubles des engrais foliaires qui sont principalement utilisés comme correcteurs de carences.[4] Pour la majorité d'entre eux, ils n'ont pas pour objectif principal de contribuer à la "nutrition du sol".

Amendements

À l'inverse, les amendements organiques sont des intrants dont la fonction principale est d'enrichir la qualité biologique et physique du sol[5].

On en distingue plusieurs sortes fréquemment utilisées en maraîchage :

  • Compost de déchets verts et marcs de raisin relativement bons marchés et épandables en grandes quantité.
  • Composts industriels, plus onéreux et donc
  • Les fumiers d'élevage, accessibles dans les zones de production concernées, mais dont la composition peut grandement varier.
  • les amendements calcaires, permettant de relever le pH des sols lorsque les analyses le suggèrent.
  • Les engrais verts, qui sont des intercultures non commerciales majoritairement restituées au sol et qui permettent de "piéger" les éléments minéraux du sol en attendant l'implantation de la culture suivante. Ils remplissent également parfois certaines fonction supplémentaires, selon les espèces choisies (allélopathie, biofumigation, décompaction, fixation de l'azote atmosphérique ...).[4]
  • Dans une certaine mesure, les paillages et mulchs, et apports de Bois Raméal Fragmenté (BRF) constituent une forme d'amendement via leur impact sur la structure et l'activité biologique du sol.
Paillage de miscanthus (Wikipedia commons)

Maraîchage sur sol vivant (MSV)

Le maraîchage sur sol vivant peut être défini comme un ensemble de pratiques agricoles qui visent à « reconstituer le cycle naturel de la fertilité des sols, en s'inspirant des écosystèmes "non-anthropisés" dont la production de biomasse végétale est stable sans que le sol ne soit travaillé ou amendé. Il emprunte donc des itinéraires techniques de la permaculture, de l'agriculture naturelle et de l'agriculture de conservation. »[6] .

Ses grands principes se basent en effet sur un arrêt du travail du sol (superficiel comme en profondeur), la mise en place d'une couverture végétale aussi longue que possible sur la campagne (via notamment des couverts végétaux et engrais verts), des apports intensifs de matière organique carbonée (mulchs, paille, Bois Raméal Fragmenté, broyat, feuilles ...) etc.

L'objectif est de mettre en place des conditions favorables à l'accumulation de matière organique qui conduira à la prolifération de la micro- faune et flore du sol. L'enjeu est alors de compenser à terme la porosité mécanique par de la porosité biologique, pour bénéficier d'une bonne dynamique de minéralisation, nécessaire à la nutrition du peuplement végétal sans recours intensif aux intrants et interventions mécanisées.


Points de vigilance

Considérant que ce courant de pratiques est relativement récent et que la terminologie utilisée fait encore l'objet de débats scientifiques (entre autres les concepts de "sols vivants" et "sols morts"), il semble opportun de considérer avec recul les limites connues de ce mode de conduite.

  • Le maintien d'un couvert végétal (quasi-) permanent est primordial : il constitue une protection structurelle et lumineuse pour les horizons de surface ainsi qu'une future source de matière organique potentielle. Plus spécifiquement, étant donné que la réussite d'un tel système de culture est basée sur la minéralisation, il est crucial de pouvoir "piéger" les élément minéraux aux périodes où cette dynamique est la plus intense. Si les prélèvements du peuplement végétal s'avèrent insuffisant, il y a un risque de lessivage des nutriments, et plus particulièrement des nitrates, qui pose des problèmes de pollution des milieux aquatiques. Le pic de minéralisation d'automne est le cas le plus fréquemment donné en exemple, via la directive nitrate, et implique souvent la mise en place de Cultures Intermédiaires Pièges à Nitrates (CIPAN).
  • Le phénomène de "Faim d'azote" est un critère à prendre en compte lors de la conception d'un itinéraire technique en sol vivant. Ce phénomène est souvent une conséquence d'apport de matière organique trop fraîche ou trop lignifiée, car pour pouvoir dégrader ces composants dont le rapport C/N est élevé, les microorganismes du sol ont besoin de mobiliser l'azote minéral du sol . À court et moyen terme, ce métabolisme se traduit donc par un déficit d'azote minéral disponible pour les cultures puis un retour progressif à l'équilibre. Ce phénomène est aggravé si de tels apports sont effectués lors de périodes ou conditions de faibles minéralisation (sol trop froid, hydromorphe, ou pH trop faible etc.)[7]. De par sa nature, le maraîchage sur sol vivant est donc relativement sensible à ce phénomène, surtout après les premiers apports[6].
  • La maîtrise de salissement des parcelles est un critère prédominant dans la réflexion du système, puisque la quantité de levier permettant de réduire la pression adventice est relativement restreinte par l'absence de travail mécanique. Il faut donc accepter la présence de végétation spontanée jusqu'à un certain seuil, ou bien "l'étouffer" au moyen de bâches ou paillages en plein, voire expérimenter le désherbage par vapeur.
  • Le temps nécessaire avant d'atteindre l'optimal de production : le maraîchage sur sol vivant implique des apports d'amendements en grande quantité, dans une logique d'aggradation des sols. En plus du phénomène de faim d'azote, le développement de l'activité biologique du sol, jusqu'à l'atteinte d'un optimal, peut prendre plusieurs années avec un impact certain sur les rendements[8]. C'est donc un aspect économique à considérer pour le court terme.

Les pistes pour accroître l'autonomie en matière organique

Dans les systèmes de culture qui ont recours à des apports intensifs de matière organique, il peut être intéressant dans une logique environnementale de rechercher des sources plus localisées pour ces intrants. Pour cela, on peut travailler sur diverses pistes permettant d'accroitre l'autonomie en matière organique, au niveau de l'exploitation ou du territoire[9] :

  • Comme évoqué plus haut, la mise en place d'engrais verts peut être une solution pour réduire la dépendance à la MO extérieure.
  • La création de collectifs est une solution plus territorialisée, pour le compostage ou bien les échanges entre maraîchers et éleveurs.
  • La poly-activité est une forme difficilement accessible et mais puissante d'autonomie, notamment pour les systèmes qui comportent un atelier d'élevage.
  • La valorisation des déchets verts à la ferme, par l'usage de pratiques ou équipements spécialisés (broyeurs, plateforme de compostage etc.). Ces déchets pouvant être produits par l'activité de la ferme ou de fermes avoisinantes, mais également activités comme la restauration collective par exemple.
  • Développer une production de BRF sur la ferme où à l'échelle de la petite région agricole, via la mise en place de haies et aménagements agroforestiers.
Andains de compost, sur une plateforme de compostage (Wikipedia commons)


Articles dans cette thématique


Références

  1. R.A. Rosell, J.C. Gasparoni & J.A. Galantini, Assessment method for soil carbon, chapitre 21 : Soil organic matter evaluation, 2001. https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=ijFRDwAAQBAJ&oi=fnd&pg=PA311&dq=organic+matter+definitions&ots=E4uy-bNAVS&sig=-Neq267q9SjDhSjBp33_iJrF51Y&redir_esc=y#v=onepage&q=organic%20matter%20definitions&f=false
  2. CAB Pays de la Loire, Gérer sa fertilisation en maraîchage : obligation réglementaire et nécessité agronomique et économique, 2013. http://www.biopaysdelaloire.fr/wp-content/uploads/2017/02/G%C3%A9rer-sa-fertilisation-en-maraichage-2013.pdf
  3. C. Daraud & A. Arrufat, Sud & Bio Languedoc-Roussillon, Raisonner sa fertilisation en maraîchage biologique, 2016. http://www.produire-bio.fr/wp-content/uploads/2017/12/Fiche_Technique_Raisonner-sa-fertilisation-en-maraichage-bio_2016.pdf
  4. 4,0 et 4,1 CIVAM Pyrénées-Orientales, Fitxa Tècnica : La fertilisation en maraîchage biologique, 2012. https://occitanie.chambre-agriculture.fr/fileadmin/user_upload/Occitanie/076_Inst-Occitanie/Documents/Productions_techniques/Agriculture_biologique/Espace_ressource_bio/Maraichage_bio/Pluri-espece/Fertilisation/FertiMaraichagBio-PyreneesOrientales-2012.pdf
  5. Poirier & Nuninger, Techniques d'amendements agraires et témoins matériel. Histoire et société rurale 2012/2 (vol. 38) https://www.cairn.info/journal-histoire-et-societes-rurales-2012-2-page-11.htm?contenu=article
  6. 6,0 et 6,1 Agence BIO Nouvelle-Aquitaine, Fiche "Ferme de démonstration" : Maraîchage sol vivant. 2020. https://www.bionouvelleaquitaine.com/wp-content/uploads/2021/01/86-FERME-DEMO-Tomate-et-Potirons-MAIL.pdf
  7. C. Desfemmes, Gearbeaud, La faim d'azote, 2021. https://www.gerbeaud.com/jardin/jardinage_naturel/faim-azote,1292.html
  8. M. Peden, GAB 56, Le mensuel des Agrobiologistes de Bretagne, Le Maraîchage sur sol vivant : un pas de plus vers la fin du travail du sol ? 2016. https://www.rustica.fr/permaculture/maraichage-sol-vivant,13358.html#:~:text=L'%20id%C3%A9e%20du%20mara%C3%AEchage%20sur,soit%20ni%20travaill%C3%A9%2C%20ni%20amend%C3%A9.
  9. C. Beauvois, CIVAM Languedoc-Roussillon, Vers l'autonomie en matière organique, 2013. https://ad-mediterranee.org/IMG/pdf/.vers_l_autonomie_en_matieres_organiques-2.pdf
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