Fertilisation P-K-Mg

De Triple Performance
Aller à :navigation, rechercher
Fertilisation par apport de matière organique


L’objectif de la gestion de la fertilité du sol est de satisfaire les besoins nutritionnels des plantes en complétant si nécessaire l’offre du sol en éléments nutritifs minéraux, tout en minimisant l’entraînement de nutriments en profondeur hors de l’horizon d’enracinement ou en surface par ruissellement ou érosion.[1]

La gestion de la fertilité est basée sur 4 critères identifiés comme les plus déterminants : l’analyse de terre, l’exigence des cultures, le passé récent de fertilisation et la gestion des résidus. Le raisonnement concerne principalement les cultures sur lesquelles il a été construit, c’est-à-dire les grandes cultures, les cultures fourragères, y compris les prairies temporaires assolées de moins de cinq ans.

Bases scientifiques du raisonnement de la fertilisation

Nutrition des plantes

La quantité totale prélevée en situation optimale (également appelée « besoins totaux »), que l’on pourra décomposer entre quantité exportée et quantité restituée, s’effectue à partir d’un flux d’éléments biodisponibles complété par une éventuelle fertilisation.

Cumulelement.jpg

Avec les éléments P, K, Mg, la production de biomasse croît avec l’offre du sol, jusqu’à un « seuil de non réponse » où le rendement plafonne et où l’augmentation de l’offre en éléments ne contribue plus qu’à du prélèvement dit « de luxe » car sans bénéfice en termes de rendement. La réalisation du rendement potentiel signifie que, compte tenu de la concentration de l’élément dans le sol et de la capacité des racines à le prélever, l’offre a été suffisante par rapport à la demande lors des phases cruciales déterminant le rendement.

Pour un sol et un minéral donné, le seuil de non réponse, ainsi que la pente de la courbe en deçà du seuil vont dépendre de la capacité des plantes à satisfaire plus ou moins facilement leurs besoins en minéraux et à pouvoir remobiliser leurs réserves vers les zones en croissance. La sensibilité de la plante à l'« exigence », peut ainsi dépendre :

  • De la taille relative du compartiment racinaire par rapport à celui des parties aériennes.
  • De l’environnement chimique et biologique créé par les racines, plus ou moins favorable à la mobilisation des minéraux.
  • Des capacités d’absorption propres des racines.
  • Des aptitudes à la mycorhization, etc.

P-K-Mg dans le sol

Les plantes s’alimentent en éléments nutritifs sous leur forme ionique présente dans la solution du sol. Pour K et Mg, il s’agit des ions K+ et Mg2+. Pour P, il s’agit des ions de la famille des phosphates (H2PO -, HPO 2-, en proportion variable en fonction du pH du sol) qui sont la forme stable très dominante du phosphore dans la biosphère. Les plantes n’absorbent pas les composés organiques, qui doivent être d’abord minéralisés par l’activité biologique des sols (vers, arthropodes, bactéries, champignons…). Les phosphates en solution sont généralement en équilibres dynamiques avec des formes sorbées* sur la matrice du sol, qui permettent de réapprovisionner la fraction disponible dans la solution du sol.


Disponibiliteenp.jpg

Quel que soit l’élément (P, K ou Mg), on peut schématiquement représenter les stocks du sol sous la forme d’une pyramide au sommet de laquelle se trouvent les formes directement assimilables (les éléments sous forme ionique de la solution du sol), elles- mêmes en équilibres dynamiques avec des formes dont la mise en solution ne relève que d’un simple échange ionique (K, Mg), ou d’une désorption peu énergivore (P). Ces compartiments d’ions échangeables ou facilement désorbables sont eux-mêmes en équilibre avec d’autres fractions minéralogiques du sol, mais moins réactives, et ainsi de suite.


On qualifiera de « bio- ou phyto- disponible » la fraction d’éléments qui pourra participer effectivement à la nutrition d’une culture, c’est à dire la part de minéraux qui peut passer en solution sur la durée d’une culture. Pour K et Mg, les espèces chimiques considérées comme biodisponibles seront les fractions en solution et échangeables voire un peu au-delà. Pour le P, on ne peut pas a priori connaître la liste des espèces chimiques qui contribueront à l’alimentation des plantes.

Biodisponibilité des éléments apportés par différentes sources

  • Engrais minéraux  : Seule compte la teneur totale, soluble généralement dans l’eau, des engrais minéraux. Dans le cas du phosphore, la réglementation classe les engrais phosphatés suivant leur solubilité dans des réactifs conventionnels. La solubilité dans l’eau indique une disponibilité immédiate, celle dans le citrate d’ammonium neutre indique une libération rapide. La solubilité dans d’autres réactifs (par exemple acide formique à 2% cité dans le cas des phosphates naturels) indique une disponibilité à l’échelle de la culture, qui dépend des conditions d’acidité du sol dans lesquelles l’engrais est apporté (GFR chap. 8.I).


  • Résidus de culture : Leur contenu en minéraux est disponible dans les semaines ou mois suivant l’enfouissement, dépendant en particulier des conditions de broyage et d’enfouissement qui facilitent la dégradation. Cette disponibilité est pratiquement immédiate pour K qui, restant sous forme ionique dans les plantes, n’est pas lié aux molécules organiques. Pour les autres minéraux dont la fraction organique est variable, cette disponibilité nécessite un processus un peu plus long comportant d'abord une dégradation suivie d’une minéralisation des résidus.


  • Engrais et amendements organiques : On est dans une situation intermédiaire entre les engrais et les résidus : le K est immédiatement disponible, Mg et P sont majoritairement présents sous forme minérale. La disponibilité du P organique complémentaire va dépendre de la composition globale de l’amendement (notamment proportion C/N/P), relativement à celle de l’humus.


Comme pour l’azote, on peut caractériser la valeur fertilisante d’une matière fertilisante par le Coefficient Réel d’Utilisation (CRU), le Coefficient Apparent d’Utilisation (CAU) et le coefficient équivalent engrais (Keq).

  • Le CRU représente la fraction de l’apport d’un élément nutritif effectivement prélevé par la culture, ce qui nécessite l’utilisation d’élément marqué isotopiquement pour être calculé. Il est donc, de fait, rarement mesuré.
  • Le CAU représente le rapport du supplément d’élément fertilisant prélevé entre une culture fertilisée par rapport à la même culture non fertilisée (témoin), sur la quantité totale apportée de l’élément fertilisant. Il dépend de la date d’apport, de la culture et de la durée de minéralisation considérée. A long terme, tout le P d’un produit organique finira par être disponible, à l’exception des formes minérales insolubles qu’il pourrait contenir (cas de certaines fientes riches en CaCO3 avec possible précipitation du P).
  • Le Keq, qui correspond au rapport du CAU d’un fertilisant minéral ou organique à celui de l’engrais minéral soluble dans l’eau servant de référence (superphosphate triple pour le P, nitrate d’ammonium pour l’N).


L’évaluation des qualités fertilisantes des engrais et amendements organiques devrait tenir compte de la cinétique de minéralisation du P (estimation en conditions normalisées de laboratoire).

Mise en œuvre et méthode COMIFER

Exigence des cultures

Les résultats d’essais aux champs ont montré que toutes les cultures ne réagissent pas de la même façon en situation de déficience en élément nutritif. Les cultures pour lesquelles le rendement est relativement plus impacté sont considérées comme « exigeantes ».

La notion d’exigence dépend de la nature des organes récoltés. Ainsi la biomasse totale du maïs (maïs fourrage) est plus affectée par une déficience en P que le rendement en grain : le maïs fourrage est donc plus exigeant en P que le maïs-grain. La notion d’exigence n’est pas reliée à la quantité ou à la rapidité de prélèvement par les plantes. Elle exprime la résultante d’un ensemble de mécanismes impliqués dans le prélèvement des minéraux dans le sol et leur utilisation dans la plante, dont l’articulation d’ensemble n’est pas encore totalement élucidée.


Le critère qui permet de quantifier cette exigence est la perte relative de production :

(rendement maximum – rendement réel sous limitation en nutriment) / rendement maximum

Niveaux d'exigence de certaines cultures vis à vis du phosphore et du potassium
Exigence Vis à vis du phosphore Vis à vis du potassium
Elevée Betterave à sucre, colza, luzerne,

pomme de terre

Betterave à sucre, pomme de

terre

Moyenne Blé dur, maïs fourrage, orge,

pois, ray-grass, sorgho

Colza, luzerne, maïs grain, maïs

fourrage, pois, ray-grass, soja,

tournesol

Faible Avoine, blé tendre, maïs grain,

soja, tournesol

Avoine, blé tendre, blé dur,

orge, sorgho

Teneur du sol à l'analyse

Une analyse de terre récente est indispensable au raisonnement de la fertilisation en P, K et Mg. Pour le phosphore, il existe en France plusieurs méthodes analytiques qui donnent des résultats en valeur très différents pour un même échantillon de terre. Il faut veiller à l’interprétation des chiffres qui doit être toujours relative à la même méthode analytique. Les seuils utilisés dans la grille COMIFER sont liés au type d’essais qui ont été exploités pour l’élaboration de ce schéma de raisonnement, avec leurs éventuels biais expérimentaux.

Ces seuils peuvent prendre des valeurs différentes suivant le niveau d’exigence des cultures.

Ancienneté du dernier apport de fertilisant

Des apports de fertilisants anciens tendent à se diluer dans la phase solide du sol, voire y subir des évolutions chimiques qui les rendent moins biodisponibles avec le temps. On parle alors de vieillissement de l’engrais dans le sol. Les apports anciens de nutriments sont moins biodisponibles que des apports récents. En d’autres termes, la fertilité du sol diminue dans la mesure où une partie des apports peuvent passer sous une forme peu soluble ou tout au moins sous une forme pour laquelle la diffusion vers la solution du sol sera plus lente.

Si une analyse de terre toute récente doit permettre d’estimer un état actuel de disponibilité des éléments dans le sol, on doit parfois raisonner sur la base d’une analyse datant de quelques années. Dans ce cas, même si elle serait à peine détectable à l’analyse, la diminution de biodisponibilité peut impacter le rendement. Bien que ce phénomène semble dépendre beaucoup du type de sol en cause, on s’en prémunit en augmentant le coefficient multiplicateur suivant l’ancienneté du dernier apport de fertilisant.

Gestion des résidus de cultures

Dans le cas du potassium voire du magnésium, présents en plus grande quantité dans les parties végétatives (tiges, feuilles,… ) que dans les parties reproductives (graines) des plantes, l’exportation de ces résidus peut représenter un flux de K ou Mg bien plus considérable que celui de l’exportation par les récoltes, de grain en particulier. Il est donc nécessaire d’en tenir compte. La Grille COMIFER 2009 recommande donc d’apporter à la culture suivante une dose de K correspondant à l’exportation par les pailles, si l’offre du sol initiale est inférieure à Timp (seuil d’impasse), c’est-à-dire que l’on cherche au moins à stabiliser la teneur du sol. En situation de sol avec une teneur plus élevée, on ne compense pas, comptant sur la consommation du stock du sol.

Les résidus de culture exportent une relativement faible quantité de P par rapport aux parties récoltées, du fait de leur teneur en P plus faibles. Néanmoins, on préconise, comme pour K, une compensation des exportations dans le cas d’une teneur du sol inférieure à Timp, auquel cas on apporte un supplément de phosphore égal à l’exportation par les pailles.

Plafonnement des doses

Plus généralement, l’apport total en grandes cultures est plafonné car des apports très élevés qui pourraient être calculés dans des situations de faible teneur du sol et fort objectif de rendement ne se montrent pas aussi efficaces qu’attendus. Il est préférable dans ce cas, de réaliser des apports réguliers. Il est plafonné également, à un niveau plus bas, pour les cultures fourragères. La forte teneur en K des cultures fourragères, associée au fort tonnage récolté, peut conduire à des calculs de dose très élevés, qu’on peut proposer de limiter car de très fortes doses calculées par la procédure habituelle se sont avérées expérimentalement non nécessaires pour atteindre le rendement objectif.

Valorisation des reliquats d'apports antérieurs

Dans le cas d’apports d’effluents d’élevage, l’exploitant peut être amené à apporter plus de K ou de P que nécessaire pour la culture réceptrice une année donnée, conduisant à la constitution d’un reliquat d’éléments fertilisants non utilisés. Il en est de même dans le cas de la pratique du blocage de la fertilisation en tête de rotation.

Il est admis qu’il peut exister une perte de biodisponibilité au cours du temps, aussi dans le cas d’un excès de fertilisation sous forme organique ou minérale, on pourra ne retenir qu’une part du reliquat potentiel qui sera déduite des besoins de ou des cultures suivantes. Par défaut, la valeur de 80% est admise (COMIFER 1997). Ceci sera à évaluer par type de sol car tous ne conduisent pas à une perte de disponibilité visible.

Adaptation du raisonnement à la multiplicité des pratiques

Nouvelles matières fertilisantes

La gamme des fertilisants disponibles sur le marché s’est enrichie, du fait de l’utilisation d’une multiplicité de sources, elles-mêmes soumises à différents processus de traitements. On peut citer, à titre d’exemples, la struvite, les cendres, les digestats, les composts, les boues, etc. Parallèlement à ces matières majoritairement issues du recyclage, on assiste aussi à l’utilisation de certains minerais bruts, essentiellement phosphatés (phosphates naturels).


Lorsqu’ils sont apportés au champ, les éléments chimiques contenus dans les matières fertilisantes sont intégrés plus ou moins rapidement aux compartiments minéraux du sol. Ils sont d’abord solubilisés –plus ou moins vite- transitoirement dans la solution du sol puis ils peuvent se lier de façon plus ou moins forte à la fraction solide du sol (adsorption, précipitation, …). La cinétique de ces phénomènes est très variable. Elle est dépendante des éléments concernés, de la nature du produit et de sa finesse, des caractéristiques du milieu, des facteurs climatiques et des techniques culturales (incorporation, mélange au sol, …). Il faudra donc en tenir compte dans le cadre du raisonnement des apports. Quand la fertilisation a pour but de compléter à court terme une offre du sol insuffisante pour satisfaire les besoins des peuplements végétaux, il sera nécessaire d’utiliser des produits dont le Keq est le plus élevé.


On a pu croire que les procédés visant à stabiliser l’évolution de certains produits organiques comme le chaulage des boues, pouvait avoir des conséquences préjudiciables sur la disponibilité du phosphore. Les études en laboratoire et avec végétation ont montré qu’il ne fallait pas tirer de conclusion hâtive : certains produits de type boues de station d’épuration chaulées, ont une efficacité importante dès la première année (85 % de disponibilité). En outre, le passage sous forme organique (compostage) n’aboutit pas à une meilleure biodisponibilité.

Localisation des apports

Des apports réalisés sur la ligne de semis (engrais starter) ont montré leur efficacité dans des sols à teneur faible pour des cultures de printemps (maïs essentiellement), en particulier sur la vigueur des jeunes plantes dans les situations où il y a un risque de conditions défavorables en début de cycle. Cette technique est également étudiée pour favoriser l’installation des cultures d’automne par exemple sur colza. L’augmentation localisée de la teneur de minéraux en solution, en particulier dans les sols à fort pouvoir tampon, va aider la plante à acquérir les nutriments dont elle a besoin malgré un enracinement encore peu développé. Une mise en place rapide de l’indice foliaire va permettre une croissance juvénile soutenue.


L’apport limité localisé sécurise alors le démarrage de la culture. Par contre, les gains de rendements ne sont pas toujours observés au final. En situation où la fertilisation est nécessaire, l’apport en localisé améliore l’efficience de l’engrais en début de cycle de culture, mais ne réduit pas le besoin de fertilisation sur le moyen terme. L’apport localisé en ligne au semis apporte aussi une réponse dans la situation de semis direct où l’apport d’engrais en surface n’est pas suivi d’une incorporation ou d’un mélange possible au sol. Des évaluations de ces pratiques sont en cours afin de ne pas extrapoler excessivement un cas isolé à l’ensemble des cultures.

Techniques culturales simplifiées

Le développement des techniques culturales simplifiées nous interroge sur l’extrapolation du diagnostic établi sur la base d’un référentiel d’essais régulièrement labourés. En effet, après 5 à 10 années sans labour, on constate une différenciation des teneurs en fonction de la profondeur sur l’ancien horizon labouré. Le gradient de teneur en P, K, Mg est tel que les premiers centimètres se trouvent enrichis grâce aux apports de matières fertilisantes et au retour au sol des résidus de culture non enfouis. Dès lors, des teneurs mesurées sur des profondeurs différentes conduiraient à des raisonnements erronés :

  • Dans le seul horizon superficiel enrichi, on peut croire à une augmentation de fertilité du sol, alors qu’il y a vraisemblablement un phénomène d’appauvrissement dans l’horizon sous-jacent. Ce compartiment également prospecté par les racines contribue d’autant plus à la nutrition de la plante qu’il sera plus longtemps humide que les horizons superficiels lors des périodes sèches.
  • Dans le seul horizon sous-jacent, on pourrait considérer une diminution de la fertilité, alors que les prélèvements au stade jeune de la plante qui sont déterminants en général, pourraient se réaliser dans de bonnes conditions – pour autant que l’humidité du sol en surface soit correcte – puisqu’essentiellement réalisés dans un horizon enrichi.

Aujourd’hui, après une étude menée en 2014 par le COMIFER et le GEMAS, les laboratoires membres du GEMAS recommandent – dans l’attente de références précises acquises en non labour de longue durée – de continuer à prélever sur l’ancienne profondeur de labour pour éviter ces biais. En pratique, si cette dernière n’est pas connue avec précision, un prélèvement sur 0-20 cm est conseillé car il reste interprétable par le référentiel actuel.

Il est évident que dans le contexte de ces nouvelles méthodes de travail du sol réduit, beaucoup d’autres facteurs doivent être examinés avec beaucoup plus d’attention que pour les sols labourés :

  • Homogénéité de la dispersion des matières fertilisantes et notamment des produits organiques.
  • Impact d’une sécheresse qui peut conduire les racines à descendre rapidement en profondeur sous l’horizon enrichi.
  • Absence de pluviométrie après un apport qui peut nuire à la dissolution des particules d’engrais.


Teneurs, seuils, et grille de calcul de dose sont à retrouver dans ce document "La fertilisation P – K – Mg. COMIFER".


Annexes




Source

Partager sur :