La ferme aux arbres
Logo InstitutAgroMontpellier.png

La ferme aux arbres

De Triple Performance
Aller à :navigation, rechercher

Cousy vignes.jpg

En 2022, Mathieu Cousy s’est lancé le défi de transformer une exploitation viticole conventionnelle en polyculture-élevage bio. A temps plein sur un autre emploi, il passe son temps libre dans ses champs pour cultiver sa vigne et développer de nombreux ateliers tels que les grandes cultures ou encore le maraîchage. Ce n’est que le début de son activité agricole mais Mathieu ne manque pas d'idées innovantes pour construire une ferme à l’image de ses convictions.


Contexte

  • Nom de l’exploitation : La ferme aux arbres
  • Localisation :  Lattes (34)
  • SAU : 9,3 ha
  • Production : Viticulture, grandes cultures, maraîchage
  • Sol :  Calcaire
  • Climat :
    • Pluviométrie annuelle moyenne : 676,9 mm mais variable, 150mm en 2023
    • T° moyenne : 15.0 °C
    • Type de climat : climat méditerranéen (classification CFB d’après Koppen)


Historique

  • 2021 : BPREA.
  • 2022 : Location des terres, exploitation par sous-traitance, sans modification des pratiques : traitements, travail et vendanges sur système des anciens propriétaires en conventionnel avec une cave coopérative.
  • 2023 : Achat des terres et installation, démarrage.
  • 2024 : Transition agroécologique et conversion Bio.


Vers une agriculture durable

Étapes de transition

  • 2022 : Installation en conventionnel, premières vendanges en conventionnel avec la cave coopérative, 90 hL/ha, irrigation goutte à goutte.
  • 2023 : Début de la transition agroécologique : plantations de haies, irrigation fortement diminuée, démarrage de la conversion C1 BIO pour toutes les parcelles, vente de bouteilles en complément de la cave coopérative, pâturage de 10 béliers d’une ferme établie sur le Larzac (Aveyron) en mars durant la période de mise-bas. 15 hectos / ha en moyenne
  • 2024 : Conversion C2 BIO, irrigation réajustée / raisonnée, taille douce manuelle, enherbement spontané, grattage de 1 rang sur 2. 15 hL/ha. Vendanges en chantier collectif, vente directe de bouteilles. Plantation de 320 arbres en haies dans une deuxième parcelle, premiers tests de couverts végétaux, tests de grandes cultures (blé, orge, pois chiche) dans les inter-rangs élargis (7,5m), et ruches au printemps.


Objectifs

Mathieu a de nombreux objectifs. Son exploitation est récente et il a plein d’idées et de tests en tête. Son objectif principal est de transformer son exploitation viticole en exploitation de polyculture-élevage en bio, le but étant de répondre aux enjeux environnementaux et de participer à la résilience d’un territoire : productions diversifiées, transformations et vente locales.


Expérimentations et objectifs à venir

Pour cela, il a de nombreuses lignes conductrices et, étant encore en développement, de nombreux objectifs pour sa transformation :


Vignes

  • Réduire la part de vignes grâce aux subventions à l’arrachage
  • Garder et sélectionner les vignes selon leur qualité, la filière et le canal de vente
  • Pour 2025 : 35 hL/ha.
  • Continuer la production de jus de raisin mais avec plus de parcelles, réussite en 2024.


Grandes cultures

  • Récolter les productions des semis d’hiver 2024.
  • A terme, faire du semis direct sans intrant chimique. Pour cela, il doit trouver le semoir adapté et initier la réflexion sur les variétés adaptées de plantes.
  • Faire l’acquisition / louer l’accès à un moulin, pour la production de farine.


Maraîchage

Développement de l’activité de maraîchage dans les vignes, démarrée à l’été 2024 et se renforçant avec l’installation en continu d’un maraîcher, février 2025.


Autres objectifs

  • Continuer les plantations d’arbres, lignes espacées tous les 17 mètres.
  • Pérenniser les installations de ruches durant les printemps, et mettre en place la mise en bocal.
  • Agrandir l’activité lombricole. Les buts sont :
    • de mélanger le thé de lombricompost dans le goutte à goutte à partir de la borne BRL.
    • d’avoir une source de nourriture pour les poules.


Système de production

Production végétale

Rotation et assolement

Mathieu cultive 9,3 ha de vigne d’un seul tenant avec quatre cépages différents : Merlot, Carignan, Cabernet franc et Cabernet sauvignon.

L’objectif est d’arracher petit à petit environ 4 ha de vigne pour y installer en alternance de lignes : haies, maraîchage, grandes cultures.

Il a commencé la plantation d’arbres (champêtres et fruitiers) dans la vigne en agroforesterie. 2000 m² ont déjà été arrachés pour permettre l’installation d’un maraîcher.


Matériel et techniques culturales

Mathieu dispose d’un tracteur arboricole de 85 chevaux, d’un pulvérisateur, d’un broyeur et d’un cadre à socs pour le travail du sol.

La première année où Mathieu a repris les 9,3 ha de vignes, il les a conduites, avec sous-traitance CUMA, de la même façon que ses prédécesseurs : travail du sol, utilisation de produits phyto conventionnels dont désherbage du rang, irrigation 10000 m3 /ha, taille mécanisée, récolte mécanisée. Cela a permis d’obtenir des rendements entre 80 et 90 hL/ha selon les parcelles. Le raisin était entièrement vendu à la cave coopérative, et ces résultats ont permis de couvrir les charges d’exploitation sur la première année.

Durant la deuxième année, Mathieu conduit sa vigne selon le cahier des charges de l’Agriculture Biologique, et essaie de diminuer drastiquement l’irrigation : 3500 m3 / ha, alors que cette année (2023) la pluviométrie a été de l’ordre de 150 mm, en enherbement intégral, et avec taille manuelle de la vigne. La production chute à 15 hL/ha, ce qui est grandement insuffisant pour couvrir les charges d’exploitation.

Sur la troisième année, les techniques sont ajustées, pour essayer de trouver un meilleur compromis :

  • L’arrosage est maintenu à 3500 m3/ha en plus d’une pluviométrie annuelle de l’ordre de 650 mm.
  • Travail superficiel du sol pour un inter-rang sur deux.
  • Ebourgeonnage en vert, en mai, pour permettre une meilleure adéquation de la charge demandée à chaque cep par rapport à sa vigueur apparente.

La mise en place de ces ajustements a permis d’obtenir un rendement de l’ordre de 30 à 35 hL/ha.


Itinéraire technique de la vigne

  • Mathieu travaille l'inter-rang, un rang sur deux, fin mars et début avril, et laisse donc l’autre inter-rang en enherbement spontané.
  • La tonte de tous les rangs est faite deux fois dans l’année, en mars puis en juin. Mathieu a investi en 2024 dans un tondeur inter-cep pour gérer l’enherbement de l’inter-rang, mais cet outil nécessite encore des réglages, la pompe du tracteur ne délivrant pas une pression suffisante pour avoir la bonne réactivité du palpeur, avec les lames en fonctionnement simultanément. Pour l’instant, le rang reste en enherbement spontané.
  • Pour ce qui est des traitements contre les maladies, Mathieu utilise du soufre et du cuivre pour lutter contre le mildiou et l’oïdium. La pression mildiou et oïdium sur la parcelle est plutôt légère compte tenu du climat et des vents importants. Les fortes pluies en 2024 l'ont cependant contraint à réaliser jusqu’à 13 de passages de pulvérisateur, notamment sur le carignan.
  • La taille de la vigne ayant été faite en mécanisé par le passé, la vigne est menée en cordon de Royat, avec des espacements entre cep de 1 mètre, et des inter-rangs variables entre parcelles, de 2,1 mètres à 2,4 mètres. Mathieu taille maintenant les vignes manuellement, en taille “douce”, au quatrième bourgeon, pour pouvoir faire face à d’éventuels dégâts de gel – jusqu’à fin mai, en 2024 – et avec ébourgeonnage entre mi-mai et début juin pour les parcelles les plus gélives.
  • Les lignes de vigne directement accolées aux haies d’arbres, côté sud, sont menées en liane, en taillant à la couronne tous les sarments sauf deux, qui seront ébourgeonnés fortement, le but étant de permettre de l’ombrage aux jeunes plants d’arbres, durant la période estivale.
  • Les vendanges sont réalisées en chantier collectif.


Agroforesterie

Mathieu a commencé depuis sa première année en agroécologie à planter différentes essences d'arbres et d’arbustes dans les rangs de vigne, avec des lignes espacées de 17 à 20m, et des espaces entre arbres de 1 à 2mètres. Il s’agit d’essences :


Les arbres sont plantés en godets ou racines nu, soit manuellement, soit avec un passage de mini-pelle pour “creuser”, puis planter et refermer la terre manuellement. Ces plantations sont réalisées en chantiers participatifs.

Sur sa première année, Mathieu a décidé d’arroser trois fois dans l’année les jeunes arbres plantés, avec un fort arrosage à la plantation, en pensant stimuler la production racinaire. Avec la pluviométrie de l’ordre de 150 mm en 2023, il a par conséquent observé des pertes importantes, de l’ordre de 25 à 30%.


A la deuxième année de plantation, avec la pluviométrie de l’ordre de 650 mm, les lignes d’arbres ont été arrosés 5 fois dans l’année, ce qui a permis des taux de reprise bien plus satisfaisants, et un taux de perte de l’ordre de 5%.


Impact des pratiques innovantes sur ce système

Les pratiques agroécologiques de Mathieu n’ayant été mises en place que depuis deux ans, il n’y a pas encore de réelles observations sur leurs impacts. Cependant, Mathieu espère pouvoir :

  • Diminuer les doses requises de traitement, et donc diminuer les impacts sur la biodiversité.
  • Diminuer le nombre de passages de tracteur, donc une amélioration de la structure du sol.


Commercialisation et stockage de la production / Investissement

Depuis deux ans, Mathieu essaie de diversifier la valorisation du raisin, en travaillant avec un partenaire pour la production de bouteilles, en plus des revenus issus du système de vente des raisins en cave coopérative. Les ventes de bouteille se font aux particuliers en direct, à des cavistes, des restaurateurs, ou des bars. Il profite ainsi de sa proximité avec Montpellier pour avoir plus de partenaires de vente.

Il confectionne aussi lui-même du jus de raisin avec son partenaire d’embouteillage avec le Carignan, et estime que le jus peut s’avérer plus intéressant économiquement que le vin, au vu de l’évolution du marché du vin rouge : montée en gamme des vins locaux, et appétence des clients.

A l’avenir, il souhaite produire de la farine BIO sur l’exploitation avec les futurs espaces qui seront mis à disposition avec les arrachages progressifs (cabernet) et la commercialiser dans les commerces locaux.


Bilan social

Mathieu est satisfait de son travail. Il se sent en accord avec les enjeux éthiques, politiques, écologiques et sociétaux.

Il arrive à bien organiser son temps de travail. Mathieu travaille à plein temps en tant que salarié dans une entreprise à proximité à Lattes, mais arrive à s’organiser pour passer environ 20h par semaine sur l’exploitation, en soirées et week-end.

Cela n’est pas suffisant, selon lui, mais permet de maintenir l’activité et de faire évoluer les ateliers et itinéraires techniques dans les directions souhaitées.


Bilan économique

Pour l’instant, son système ne permet pas de couvrir les charges d’exploitation, mais les évolutions en cours de mise en place doivent permettre d’atteindre cet objectif. Il est dans le lancement de son exploitation.


Transition dans le contexte local

Les premiers démarchages auprès de commerces locaux, avec les bouteilles de vin rouge, n’ont pas permis de trouver de débouché important, mais les efforts de démarchage commercial vont continuer.


Conseils aux autres agriculteurs

Le conseil de Mathieu est de “prendre son temps et d’y aller par petites touches pour changer les systèmes”. De par son expérience, une transition trop rapide entraîne de nombreuses difficultés, que ce soit financière ou pour le système de culture en lui-même.


Discussion des pratiques innovantes

Mathieu Cousy a modifié plusieurs fois ses pratiques, pour arriver à un système hybride entre la conduite en conventionnel, et une conduite avec irrigation et un travail du sol raisonnés.


Enherbement et couvert végétal

Mathieu laisse un rang sur deux enherbé, cela a plusieurs intérêts pour la vigne :

  • Favorise la biodiversité, notamment en créant des habitats pour la faune auxiliaire.
  • Permet un meilleur drainage de l’eau grâce aux systèmes racinaires de la couverture végétale.
  • Limite l’érosion et permet de garder de l’humidité dans le sol.

Néanmoins, maintenir une couverture végétale peut engendrer des problèmes de concurrence pour les nutriments ainsi que pour la ressource en eau, surtout dans un système où l’irrigation est volontairement raisonnée, et en cas de pluviométrie faible comme en 2023.

Cela amène à devoir être vigilant sur les destructions d’enherbement, à partir de fin mars si besoin, selon la pluviométrie de début d’année.


Taille raisonnée

Mathieu Cousy a remplacé la taille mécanique par de la taille douce manuelle. Cela permet de diminuer les risques de maladies du bois pour la vigne, mais aussi de limiter les pertes de réserves énergétiques du pied dues aux plaies potentiellement trop stressantes pour la plante. Cette technique, en revanche, induit une augmentation significative de la charge de travail, en passant de 2-3h à plus de 8h par hectare, avec notamment l’ébourgeonnage en vert, au sortir du printemps.


Vitiforesterie

Mathieu a commencé à planter un grand nombre d’essences dans ses rangs de vignes. L’objectif principal est une augmentation de la biodiversité au sein de ses parcelles, mais aussi une potentielle production de fruits ou de bois, exploitable par Mathieu. Les arbres bénéficient du système d'irrigation de la vigne pour assurer leur développement sur les premières années. Les arbres bénéficient aussi de l’ombrage créé par la vigne en été.


Sources

La version initiale de cet article a été rédigée par Antoine Bonnet, Marie Folie et Noémie Blanc-Simon,

étudiants en agronomie à l'Institut Agro Montpellier, suite à l'interview de Mathieu Cousy, réalisée le 26/02/2025.


Partenariat - Portail.png

Cette page a été rédigée en partenariat avec Institut Agro Montpellier

Logo InstitutAgroMontpellier.png



Si cet article vous a plu, n'oubliez pas de l'applaudir en cliquant ci-dessous.
Pour rester informé des évolutions qui lui seront apportées, cliquez sur "Suivre".
si vous voulez partager votre expérience avec la communauté autour de ce sujet, cliquez sur "Je le fais".


1

Un interessé
Partager sur :