Semis direct

De Triple Performance
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Source : International Maize and Wheat Improvement Center ; licence :(CC BY-NC-SA 2.0)

Le Semis Direct est une méthode agricole qui consiste à semer sans travailler intensivement le sol, évitant le labour, le décompactage, et la préparation du lit de semence. L'objectif est de préserver la fertilité et la structure du sol.

Le principe

  • Le Semis Direct (SD) s’inscrit dans l’agriculture de conservation des sols, privilégiant l’impact du climat et de l’activité biologique du sol (exploration racinaire, action de la macrofaune, …) pour améliorer sa structure.
  • Le passage au Semis Direct résulte d’une refonte du système agricole, avec une transition sur plusieurs années pour observer les bénéfices à long terme.
  • Le SD implique de semer sans perturber le sol, directement dans les résidus de la culture précédente ou dans un couvert déjà établi.
  • Il est conseillé avant de se lancer de voir ce qui se fait[1], de faire des essais, de se faire prêter des outils, de se faire conseiller, accompagner.

Positif Avantages

  • Réduction de l’érosion grâce à la redistribution des nutriments sur l’horizon du sol.
  • Amélioration de la biodiversité du sol en favorisant la vie biologique (vers de terre, décomposition accélérée des résidus,...).
  • Économie d’énergie grâce à une réduction des charges de mécanisation.
  • Réduction à long terme des apports d'azote.

Négatif Inconvénients

  • Impact agronomique : Au début, le rendement peut-être affecté, mais les bénéfices apparaissent sur le long terme.
  • Le contrôle des mauvaises herbes est la principale difficulté rencontrée en non labour qui peut s'accompagner d'un recours accru aux herbicides mais pas toujours. Certaines solutions existent comme, les couverts végétaux et le choix de rotation des cultures.
  • Contraintes économiques : L’acquisition de matériels spécifiques.
  • Conditions climatiques : Le succès du SD dépend des conditions climatiques, avec des fenêtres d’intervention parfois étroites.

Cas particulier du Semis Direct sous Couvert Végétal (SDCV)

Cette technique du SDCV consiste à semer une culture directement dans une culture existante. Cela peut être un couvert avant la récolte (culture relais) ou maintenu après. Le choix du couvert influence les résultats, avec des avantages potentiels en termes de gestion des adventices et de structure du sol. Mais il faut être vigilant car la présence permanente d’un couvert peut servir de refuge à certains bioagresseurs, comme les limaces ou les campagnols et mal maîtrisée, cette couverture végétale peut générer de la concurrence sur la culture.

En Agriculture de Conservation des Sols (ACS), certains tendent vers une couverture permanente du sol et la culture commerciale est alors semée dans un couvert pluriannuel.

Adaptations nécessaires

Allongement des rotations

L’allongement des rotations permet une meilleure maîtrise des adventices. Cette rotation est étudiée selon 3 éléments :

  • Inclure des cultures de printemps.
  • Revoir le positionnement des cultures en privilégiant la complémentarité entre plantes libérant de l’azote (protéagineux) et culture exigeante en azote (colza).
  • Alterner, selon les situations, les cultures d’hiver et de printemps sur des périodes allant de 1 à 2 ans, prenant en compte les aspects de gestion des résidus, des ravageurs et le salissement par des graminées.

Gestion différenciée des pailles

La quantité et la répartition des pailles sont pénalisantes en SD. À la récolte, l’objectif est de couper haut pour ne pas être gêné par trop de résidus couchés à la surface du sol. Dans le doute, mieux vaut récolter trop haut que trop bas car, si les éteules peuvent gêner la levée, on pourra toujours réaliser un passage de rouleau pour les coucher.

Ajustement des densités

Il est conseillé d’augmenter légèrement les densités en semis direct, mais cela n’est pas obligatoire. La modulation à la hausse doit être fonction du type de semoir, des résidus du précédent et de l’état du sol :

  • Céréales d’hiver, colza : + 0 à 10 %.
  • Céréales de printemps, protéagineux de printemps : + 5 à 15 %.

Ajustement des dates de semis

Pour les cultures d’hiver, il est conseillé d’avancer légèrement la date de semis car la culture met plus de temps à s’implanter, d'autant plus quand on cherche davantage à travailler dans des périodes plus sèches.

Pour les cultures de printemps, c’est l’inverse car c’est l’état de ressuyage du sol qui dictera la date de semis et, en tendance, les dates sont un peu plus retardées.

Un matériel spécifique

Le choix du semoir fait partie intégrante de l’itinéraire technique. Il doit être raisonné en fonction du type de sol et du système choisi selon plusieurs critères :

  • Nombre de cuves : Ce critère permet de combiner des espèces différentes (avec des tailles de graines variées) avec des engrais localisés et une plante compagne ou de l’anti-limaces (3 cuves par exemple).
  • Fermeture du sillon : Il faut veiller à avoir une fermeture du sillon adaptée au type de sol.
  • Confort de travail : Accessibilité des différentes parties du semoir, facilité de remplissage ou de vidange, réglage de la densité de semis, les possibilités d’associations ou de semis à des profondeurs différentes.
  • Semoir à dents ou à disques.

Les semoirs à dents ont une bonne capacité de pénétration dans le sol (ils sont généralement légers), une bonne capacité pour écarter les obstacles (mottes, cailloux, résidus) mais sont peu adaptés aux sols pierreux. Les semoirs à dents sont les plus sécurisants car le travail de la dent recrée de la structure et permet une stimulation de la minéralisation favorable à l’installation de la culture. Il présente cependant l’inconvénient de favoriser la germination des adventices et est moins adapté au semis dans des couverts volubiles de type vesces ou pois fourrager (privilégier les ports dressés) car il y a un risque de bourrage.


Les semoirs à disques droits sont plus adaptés au semis dans des couverts et les semoirs à disques inclinés sont plus adaptés pour les semis dans la paille. Ils permettent de semer plus rapidement sans bouger la terre. En revanche, ils nécessitent plus de poids pour rentrer dans le sol. L’inclinaison des disques sur certains appareils permet de limiter cette contrainte. Attention aux résidus importants et mal répartis. Il fonctionnera mieux si le couvert n’est pas couché et si les tiges sont hautes (moins de bourrage).

Contre-indications

  • Moins adapté pour les cultures sensibles à la compaction, nécessitant une préparation fine du lit de semence (les pommes de terre et les cultures maraîchères).
  • Plus difficile sur des sols limoneux avec faible activité structurale.
  • Plus délicat dans des contextes climatiques offrant des fenêtres d'intervention étroites (en cas de récolte en conditions difficiles par exemple, la dégradation de la structure ne pourra être rattrapée par le travail du sol). A terme, il conduit cependant à améliorer la portance des sols, donc à élargir les fenêtres d'intervention.

Effets sur les sols

Avantages

  • Amélioration forte de la portance.
  • Amélioration du ressuyage.
  • Absence de creux dans le profil et de bouchons de paille enfouis.
  • Diminution de la gêne liée aux cailloux.
  • Augmentation des populations de vers de terre.

Inconvénients

  • Réchauffement plus lent au printemps.
  • Présence de résidus de culture en surface.
  • Risque d’effet cumulatif des tassements.

Effets sur la durabilité du système de culture

Critères environnementaux

  • Qualité de l'air et de l'eau : Potentielle augmentation des émissions d’ammoniac, une réduction des gaz à effet de serre liée et une rétention plus importante du carbone dans le sol.
  • Biodiversité : Vie du sol favorisée, macrofaune et activité biologique. Cette activité biologique (vers de terre, carbone microbien) est notamment concentrée en surface, là où les effets sont les plus intéressants. Les vers de terre sont très importants. Ils sont considérés comme les architectes du sol grâce à leur action mécanique et leur rôle sur la chimie et la biologie des sols (incorporation des résidus de culture, circulation de l’eau et de l’air dans le sol). Le carbone microbien, ces microorganismes constituent la part la plus importante de la biomasse vivante et sont responsables en grande partie du bon fonctionnement du sol (décomposition des résidus végétaux, humification, minéralisation, nitrification, biodégradation, agrégation des sols, etc.).

Critères agronomiques

  • Productivité : Variable au départ, mais elle a tendance à s’améliorer à long terme, au bout de 5 à 7 ans.
  • Fertilité du sol : Gestion cruciale de la matière organique pour maintenir la fertilité du sol. La moindre porosité du sol en surface en semis direct peut entraîner une minéralisation retardée au printemps, liée à un réchauffement plus lent du sol, ce qui implique un avancement des dates d'apports. Sur sols crayeux, l'augmentation du taux de matière organique en surface conduit à une coloration du sol permettant un démarrage plus rapide de la minéralisation. De façon générale, les éléments minéraux se retrouvent plus concentrés en surface et donc plus accessibles pour les cultures. Par ailleurs, le semis direct permet d'éviter la dilution de la matière organique en profondeur et favorise ainsi la stabilité structurale et la portance des sols.
  • Stress Hydrique : Amélioration de la réserve utile en eau et réduction de l’évaporation (par le maintien des résidus en surface).
  • Pression des adventices : Le SD permet de limiter les levées d'adventices mais le stock semencier s'épuise plus lentement.
  • Pression des ravageurs : L'absence de travail profond et le maintien de résidus en surface peut conduire à une augmentation de la pression de certains ravageurs : limaces, rongeurs… tout comme certains auxiliaires (carabes…) ce qui peut conduire à un équilibre ravageurs / prédateurs à long terme. Il existe des techniques pour atténuer le risque limaces en semant des couverts faiblement appétants (moutarde, radis fourrager) et en semant la culture dans de bonnes conditions pour favoriser une levée et une installation rapide (bonne fermeture de la ligne de semis).
  • Pression des maladies : Le semis direct peut conduire à une augmentation de la pression de certains pathogènes par non enfouissement des résidus (piétin-verse, fusariose…). En revanche, la réduction du nombre de passages permet de réduire le risque de transfert d'inoculum d'une parcelle à l'autre via les outils.

Critères sociaux

  • Temps d'adaptation : Le changement de pratiques nécessite un temps d'apprentissage, plus d'observations et plus d'échanges avec d'autres agriculteurs.
  • Motivations : Les principales motivations des agriculteurs à passer au SD sont premièrement de protéger le sol et d'augmenter la biodiversité, et deuxièmement, c'est le gain de temps.

Critères économiques

  • Charges de mécanisation : Bien que l’acquisition de matériel spécifique soit parfois nécessaire, le SD permet une réduction significative du parc matériel et des passages, réduisant ainsi la consommation de carburants et du temps de travail.
  • Marge financière : D'un côté les gains des charges de mécanisation (coûts d'implantation : semis, travail du sol ...) sont réduites mais d'un autre, des pertes potentielles de rendement et des charges supplémentaires potentielles en herbicides.

Comparaison sur la performance économique

L'implantation

Une simulation[2] a été réalisée par Arvalis pour une surface de 200 ha avec une rotation colza/blé/orge de printemps. En comparant les différents modèles, on observe que dans ce cas les coûts d’implantation affichent un gain de presque 100 euros/ha entre le labour et le SD, un gain de temps de travail d’1,5 h/ha. Dans le tableau, la "valeur à neuf" est surévaluée mais permet d'avoir une idée sur les charges de mécanisation qui vont progressivement s’estomper avec la réduction du poste entretien (le parc est restreint et moins sollicité) et la diminution des amortissements.

Coûts d’implantation avec huit parcs de matériels différents. Source : Arvalis [2]
Nb de tracteurs Traction (ch/ha) Matériel valeur à neuf (€/ha) Mécanisation pour semis

(€/ha)

Herbicides non sélectif (€/ha) Main-d’œuvre (€/ha) Coût total d’implantation

(€/ha)

Temps de travail (h/ha)
Labour systématique 3 2,25 1 589 187 0 30 217 1,98
Labour 2 années sur 3 3 2,25 1 589 182 2 26 210 1,76
Non-labour avec matériel classique + décompacteur 3 2,25 1 523 178 5 30 213 2,02
Non-labour avec matériel classique 2 1,35 1 098 138 5 27 170 1,79
Non-labour avec déchaumeur/semoir 2 1,35 985 103 5 13 121 0,86
Semis direct 2 1,35 1 020 107 14 8 129 0,52

Le rendement

Les rendements peuvent être impactés les premières années, mais une fois le modèle bien implanté, on retourne sur un niveau d'équilibre avec la possibilité même d'avoir des rendements supérieurs, selon le type de culture, le sol,...

Évolution des rendements et résultats économiques entre un itinéraire labour et TCS en comparaison du semis direct. (Source : F. Tebrügge, Université de Giessen [2])

La marge

Pendant 6 années d’expérimentation, une comparaison a été faite entre la technique du labour et du non labour (SD) à la station expérimentale « Saint-Ex Innov » de Pusignan (69). Sur les deux sites, la SAU est de 140 ha avec 1 UTH, la rotation est la même (blé, maïs, maïs, tournesol/soja). Sur ces essais, la marge brute est inférieure, à cause de la rentabilité qui est pénalisée par les résultats techniques des premières années et l'augmentation des intrants (phyto, semences,...).

Comparaison technico-économique du SD par rapport au système labour (BTH : Blé tendre d'hiver). Source : CA01[3]


Cette expérimentation est à nuancer avec d'autres retours et notamment avec la pratique du SD sous couvert. Une autre comparaison sur les coûts de production moyens a été réalisée en Eure-et-Loir pour une culture de blé et les résultats sont plutôt satisfaisants.

Dans cette expérimentation, sur la culture du blé, il y peu de différences entre le système TCS et un système en labour, en revanche, le SD se détache vraiment.

Ces données ont été obtenues à partir de 5 exploitations en SDCV, 11 en TCS et 7 en labour. (Sources : [1])
Comparatif des coûts de production

moyenne en Eure-et-Loir pour une culture de blé

Postes SD TCS Labour
Rendements (qx/ha) 61 76 77
Herbicides (€/ha) 56 69 73
Phytos (hors herbicides)

(€/ha)

26 57 53
Engrais(€/ha) 83 106 103
Nombre de passages

(semis et traitements)

6,4 9,4 10
Charges opérationnelles

(€/ha)

182 246 241
Marges brutes (€/ha) 503 546 564
Coûts d'implantation

(matériel et MO, €/ha)

60 106 139
Coût en euros par

quintal produit

Herbicides 0,92 0,9 0,95
Phytos (hors herbicides) 0,43 0,75 0,68
Total 1,35 1,65 1,63
Engrais 1,36 1,45 1,34

Conclusion

En résumé, le Semis Direct est une approche durable qui nécessite une transition réfléchie, des adaptations spécifiques et une gestion attentive pour maximiser les avantages à long terme.

Pour en savoir plus

Sources

  1. 1,0 et 1,1 Céline ZANELLA. 2008. Les Techniques Sans Labour : Quelles sont les motivations des agriculteurs ? (2024).https://agriculture-de-conservation.com/sites/agriculture-de-conservation.com/IMG/pdf/non_labour_TSL_zanella.pdf
  2. 2,0 2,1 et 2,2 TCS. 2006. TCS et semis direct : quelles sont les marges d’économies ? https://agriculture-de-conservation.com/sites/agriculture-de-conservation.com/IMG/pdf/TCS36_semis_direct_economie.pdf
  3. CA01. 2019. Performances économiques des systèmes de culture : Comparaison d’un système Labour et Non-Labour / Semis Direct. https://extranet-ain.chambres-agriculture.fr/fileadmin/user_upload/National/FAL_commun/publications/Auvergne-Rhone-Alpes/20190613_CHAMPS_EXPERTS_PERFORMANCES_ECONOMIQUE_DE_SYSTEMES_DE_PRODUCTIONS.pdf

Annexes

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