Stocker du carbone en semis direct
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Stocker du carbone en semis direct

De Triple Performance
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Dans cette page, nous allons répondre aux 2 questions que tout le monde se pose, à savoir :

  • Est-ce que je peux stocker du carbone ?
  • Quelles sont les méthodes pour parvenir à en stocker dans mon sol ?


Les 5 leviers pour stocker du carbone dans le sol

Plusieurs facteurs permettent d’augmenter le taux de MO d’un sol, certains liés au climat et à la composition minérale du sol, et d’autres liés au système de culture :

  • Présence de racines
  • Un ratio C/N bas des résidus (privilégier des résidus azotés)
  • Présence de vers de terre
  • Des conditions humides et froides
  • Un taux suffisamment élevé d'argile et de calcium dans le sol
  • Des apports de MO extérieurs (effluents d'élevage, compost, BRF, ...)

Et dans un second temps, la baisse, voire l’arrêt, du travail du sol permettra de réduire la minéralisation et donc de minimiser les pertes de carbone. Mais l’importance de ce facteur est moindre comparée à ceux cités ci-dessus. Si la principale source d’humus des sols provient des racines, on comprend que nos plantes annuelles (couverts et cultures) sont assez peu efficaces, comparées à des espèces de prairies. Petit exemple ci-dessous avec cette comparaison entre une plante annuelle et une plante vivace.

StockageCACS BiomasseRacine.jpg

Il a aussi été constaté dans les essais suivis, que la diversité cultivée en simultané permettait de fortement monter le taux de carbone séquestré.

StockageCACS Diversite.jpg


Le cycle de l’humus

Cycle de l'humus.

K1 : coefficient d’humification.
K2 : coefficient de minéralisation secondaire.
1-K1 : coefficient de minéralisation primaire.

Comment stocker du carbone ?

Ce que nous apprend la littérature technique et scientifique, c'est que l'humus dans le sol, c'est principalement du carbone microbien provenant de la consommation des racines de plantes.

De cette manière, plus on a de racines, plus les micro-organismes pourront les consommer et plus on aura de carbone humifié. En effet, la matière végétale aérienne des plantes ne se transforme qu'assez peu en humus, c'est surtout la partie racinaire qui a cet effet.


Que mange un micro-organisme du sol ?

Pour que les micro-organismes puissent efficacement se développer, il leur faut une ration complète. Ils ont besoin de carbone, mais aussi d’azote, de phosphore et de soufre.

Les micro-organismes du sol sont constitués de matière ayant à peu près les mêmes ratios carbone/azote/phosphore/soufre, c'est-à-dire un C/N/P/S de 100/8/2/1,5. Pour se développer efficacement, les micro-organismes ont besoin d’une nourriture se rapprochant le plus possible de ces ratios. Par exemple, des micro-organismes se nourrissant principalement de paille vont se retrouver mécaniquement en carence d'azote, de phosphore et de soufre. De cette manière, si on a trop de carbone, les micro-organismes vont dégrader le carbone sous forme de CO2 pour se retrouver avec un ratio minéral de leur nourriture correspondant à peu près au ratio qui leur est constitutif.

Ainsi, si on prend une paille très carbonée et qu'on lui ajoute de l'azote, du phosphore et du soufre, on va augmenter sa facilité de consommation par les micro-organismes et donc augmenter son taux d'humification. C’est ce qu’ont fait les australiens ci dessous sur 4 sites (Hamilton, Harden, Buntine et Leeton), en ajoutant ou pas des fertilisants à la paille[1].


Kikrby (2013).


Est-ce que l’ACS stocke du carbone ?

La baisse de travail du sol limite la minéralisation et la perte de matière organique. Ce que l'on voit en essai, c'est que le semis direct seul stocke assez peu de carbone mais principalement le concentre en surface, comme on peut le voir sur ces différents exemples en France et en Suisse.

StockageCACS ReorganisationC.jpg


En effet, les systèmes semis direct avec des cultures annuelles produisent trop peu de racines pour un stockage efficace de carbone. En revanche, les systèmes prairiaux stockent beaucoup de carbone grâce à la forte présence de racines.

Vous avez ici un exemple où le passage d'une prairie permanente à un système semis direct voit une forte baisse de la densité racinaire et donc à terme va donner une baisse du taux de matière organique.



Faut-il apporter des produits avec des C/N bas ou haut ?

De la même manière, des couverts végétaux verts et des résidus de culture avec un bas C/N auront un taux d'humification en proportion qui sera élevé, mais un total de carbone stocké qui lui sera faible. En effet, ces matières organiques contiennent peu de carbone.

D'un autre côté, la paille qui contient beaucoup de carbone sera trop carencée en minéraux pour avoir un bon taux d'humification. De cette manière, il convient donc de mélanger paille et couverts végétaux pour avoir un taux d'humification optimal et compenser les deux types d'apports.


C/N des résidus. (INRAE).


Quel impact de la composition minérale du sol ?

Tous les sols ne se valent pas d’un point de vue minéral pour stocker du carbone. Pour stabiliser du carbone organique, il faut l’insérer dans le complexe argilo-humique. Il faut donc de l’argile et du calcium. Un sol sableux aura un faible potentiel de stockage. La littérature scientifique nous montre que le potentiel de stockage de carbone augmente en sol argileux, indépendamment des pratiques.


Source : Guillaume Thomas, 2022.

Pour créer un complexe argilo-humique, il faut aussi du calcium pour lier l’humus et l’argile. La littérature scientifique nous montre que sans calcium soluble dans le sol, le stockage de carbone reste très compliqué.


Adapté de Gaiffe and Schmitt (1980).


Quel impact du climat ?

Sur la carte ci dessous, plus la couleur est noire et plus il y a de matière organique dans le sol, à l’inverse, plus on tend vers le blanc et moins il y en a :



On voit tout de suite que les zones de montagne et nordiques ressortent en noir, donc chargées en matière organique. Ce n’est pas grâce aux pratiques agricoles, mais au climat. Ces zones se caractérisent par de longues périodes de froid, limitant la minéralisation, et donc favorisant l’accumulation de matière organique.


Comment voir des variations anormales ?

Pour voir une variation du taux de matières organiques du sol, la première chose est de bien réaliser le prélèvement d’échantillon pour l’analyse de sol. En dessous de 15 prélèvements dans une zone homogène pour obtenir une seule analyse, l’incertitude augmente trop fortement et fausse totalement les résultats. En voici un exemple ci-dessous. Les variations sont trop fortes pour être uniquement dues aux pratiques agricoles. Il y a donc un défaut de prélèvement, provenant soit d’un échantillonnage trop faible ou mal réparti.


StockageCACS ErreurEchantillonnage.jpg


De la même manière, si sur une année on observe une augmentation de 1% de MO sur une parcelle, sans apport extérieur, c’est très certainement lié à une erreur lors du prélèvement. Par exemple, pour monter de 1% de MO un sol en un an sur un hectare, il faudrait amener aux alentours de 150 tonnes de paille.



Comment stocker du carbone ?

Un système ACS sans élevage ou apports de MO exogène stocke très peu de carbone, mais le concentre en surface. Avec le temps, les niveaux finiront par augmenter, mais lentement.

Il ne faut pas oublier, qu'il est très important de bien réaliser son prélèvement de sol pour obtenir une mesure fiable.

En conclusion, comment stocker de la matière organique ?

  • Favoriser la présence de racines.
  • Avoir un C/N équilibré des résidus, pour fournir du carbone et de l’azote.
  • Assurer la présence de vers de terre pour favoriser le mélange entre le sol et la matière organique.
  • Avoir un climat humide et froid pendant la période hivernale pour limiter la minéralisation et donc la perte de matière organique. On ne peut rien y faire car c’est dépendant du climat.
  • S'assurer d'avoir suffisamment de calcium et d’argile pour aider à l'humification d'un point de vue minéral. Le taux d’argile, on ne peut rien y faire car c’est dépendant du type de sol. Pour le calcium on peut le corriger par des apports.

Enfin, pour accélérer le système, il faudra aussi faire des apports de matière organique extérieure, comme des effluents d'élevage, du compost ou du BRF (bois raméal fragmenté), et en intégrant des plantes vivaces dans la rotation.


Sources

Cet article a été rédigé grâce à l'aimable contribution de Martin Rollet, ingénieur agronome au Centre National d'Agroécologie.


Annexes

  1. Clive A. Kirkby, Alan E. Richardson, Len J. Wade, Graeme D. Batten, Chris Blanchard,John A. Kirkegaard. Soil Biology and Biochemistry. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0038071713000229

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