Cépages résistants

Effet de l'oïdium sur la vigne

Fiches techniques - Maladies, Résilience climatique

Viticulture Viticulture Adapter la vigne au changement climatique Mildiou (vigne) Oïdium de la vigne Cépages Black rot Excoriose sur vigne

Les cépages européens de l’espèce Vitis vinifera sont très sensibles aux maladies cryptogamiques, rendant l’utilisation de produits phytosanitaires nécessaire à leur production. De plus, le changement climatique confronte les viticulteurs à de nouveaux enjeux. Les cépages résistants représentent une innovation majeure pour adapter la viticulture aux défis climatiques et sanitaires.

Résistance aux maladies cryptogamiques

Les cépages résistants au mildiou et à l'oïdium intègrent des gènes de vignes américaines et asiatiques par hybridation avec des cépages européens (Vitis vinifera). Cette approche permet de réduire l'usage de produits phytosanitaires.

Il faut compter 15 ans pour créer une nouvelle variété résistante. La sélection comporte deux étapes :

• L’hybridation : croisement de deux variétés porteuses de caractéristiques différentes que l’on voudrait retrouver ensemble chez la nouvelle variété. Pour cela, les vignes étant hermaphrodites, on procède à une castration du parent femelle puis on les pollinise avec le pollen de la deuxième variété.
• La sélection assistée par marqueurs est la deuxième étape, elle permet de sélectionner parmi les plantules obtenues uniquement celles porteuses des gènes de résistance. Des tests en parcelles sont ensuite réalisés pendant plusieurs années.

Ces vignes résistantes ne garantissent pas l’arrêt de l’utilisation des fongicides, car il faut tout de même maintenir une faible pression des maladies pour éviter que ces dernières ne développent des manières de contourner les résistances des vignes. Ainsi deux traitements par saison sont conseillés.

Parmi les variétés notables :

• Floréal, Vidoc, Voltis et Artaban sont les premiers cépages résistants créés en France dans le cadre du programme Resdur :  leur résistance est durable car elle est portée par au moins deux gènes, donc elle est plus difficilement contournable par les champignons.
  • Artaban : Ce cépage à raisin noir se caractérise par une bonne résistance au mildiou et une résistance totale à l’oïdium. Il est connu pour sa productivité élevée et sa maturité de deuxième époque (c’est-à-dire qu’il arrive à maturité 12 à 23 jours après le Chasselas qui est le cépage de référence), une forte intensité colorante et une forte intensité aromatique.
  • Vidoc :  Très résistant au mildiou et à l’oïdium, ce cépage à raisin noir a une productivité élevée et une maturité de deuxième époque tardive. Il donne des vins corsés, caractérisés par une intensité colorante élevée et une forte teneur en tanins.
  • Floréal : Ce cépage à raisin blanc est également résistant au mildiou et à l’oïdium. Il est connu pour sa productivité moyenne et sa maturité de deuxième époque. Il donne des vins expressifs et aromatiques, avec une dominante de notes de fruits exotiques et de buis. Il est partiellement résistant au black rot.
  • Voltis : Ce cépage à raisin blanc, résistant lui aussi au mildiou et à l’oïdium, a une productivité moyenne et une maturité de deuxième époque.

Souvignier Gris

• En dehors des variétés résistantes françaises, on trouve le Souvignier gris et le Muscaris, nés en Allemagne et le Soreli, originaire d’Italie.

• Le Marselan, un hybride de Cabernet Sauvignon et de Grenache, est plus résistant que de nombreux cépages traditionnels mais reste cependant plus sensible que les cépages cités précédemment. Il est peu sensible à l’oïdium mais reste sensible au mildiou, notamment sur les jeunes feuilles. C’est un cépage intéressant car il combine résistance partielle aux maladies et résistance à la sécheresse, héritée du Grenache.
• Le Coloris, un cépage rouge obtenu par l’INRA, a une résistance très élevée au mildiou, excellente à l’oïdium, partielle au black rot et très bonne sur le botrytis.
• Le Pinot Meunier, un cépage noir de cuve issu d’une mutation du Pinot noir, est le seul cépage considéré comme quasi résistant à l’excoriose. Il est également peu sensible à l’oïdium et au mildiou.

Voir aussi les stratégies de défense contre les maladies cryptogamiques (hors choix du cépage) : Pratiquer le biocontrôle en viticulture

Résistance au gel

Le gel qui affecte le plus communément la viticulture en France est le gel de printemps, qui a lieu au moment du débourrement. La vigne est sensible dès l’apparition des jeunes feuilles riches en eau. En situation de forte humidité, les jeunes pousses peuvent geler à partir de -2 à -3°C alors qu’en situation plus sèche (hygrométrie <60%), elles peuvent résister à -4 voire -5°C. Ces gelées n’entraînent jamais la mort de la vigne mais elles peuvent détruire la récolte. Les stratégies de résistance au gel au niveau du choix du cépage incluent :

• La plantation de cépages tardifs (Carignan, Mourvèdre) : les cépages tardifs ont un débourrement retardé, or plus le bourgeon éclot tard, moins il est exposé au gel. Parmi ces cépages, on retrouve le Mourvèdre. Originaire d'Espagne, il est beaucoup cultivé dans le sud de la France. Son débourrement tardif et son cycle phénologique long le rendent moins vulnérable aux gelées printanières. Cependant, sa maturation tardive nécessite des conditions climatiques favorables en fin de saison pour atteindre une maturité optimale. Traditionnellement, on disait en Provence que le Mourvèdre devait "voir la mer" pour mûrir correctement, soulignant son besoin de chaleur automnale. Cependant même les cépages les plus tardifs ne le seront pas suffisamment pour que cette stratégie soit suffisante pour protéger réellement la production du gel.

• La recherche agronomique travaille sur des clones et des porte-greffes qui vont permettre de se prémunir contre les gelées de mars-avril avec des sélections d’individus tardifs qui n’auront pas encore développé de bourgeons.

Mourvèdre

Voir aussi les stratégies de défense contre le gel (hors choix du cépage) : Protéger les vignes du gel

Adaptation à la sécheresse

La vigne est très sensible à la sécheresse. Des bulles d’air apparaissent dans les vaisseaux conducteurs de sève et les empêchent de transporter l’eau lorsque le potentiel hydrique du xylème descend sous la barre des -2,5 MPa en moyenne.

Des différences marquées existent entre les cépages face au stress hydrique. Les résistants aux maladies sont les plus sensibles à la sécheresse. Avec un P50 de -1,8 MPa, représentant le potentiel hydrique induisant 50% de perte de conductance hydraulique, le Floréal est le cépage le plus sensible, suivi par le Vidoc et le Voltis. Ainsi, il suffit de 50 jours sans eau pour tuer le Floréal. Par ailleurs, le Pinot noir est le cépage le plus résistant à la sécheresse, avec un P50 de -3,5 MPa. Il faudrait environ 150 jours sans eau pour le tuer.

Les cépages traditionnels Pinot noir, Merlot et Syrah surpassent souvent les nouvelles variétés résistantes aux maladies. Leur appareil vasculaire maintient mieux la conductivité hydraulique sous stress.

Voir aussi les stratégies de défense contre la sécheresse (hors choix du cépage) : Adapter la vigne au changement climatique

Résistance aux pics de chaleur

Une étude menée à l'Institut Agro Montpellier a identifié six régions génomiques liées à la tolérance aux températures extrêmes, notamment des gènes impliqués dans la gestion du stress oxydant et la signalisation thermique. Ces découvertes permettent d'envisager une sélection génétique ciblée pour améliorer la résistance des cépages.

Les cépages montrent des réponses variées face aux pics de chaleur. Certains, comme le Grenache et le Mourvèdre, souffrent de maturation accélérée et de stress hydrique, tandis que d'autres, comme le Carignan, bien qu'adaptés aux conditions difficiles, montrent des limites sous des chaleurs extrêmes.

Les cépages les mieux adaptés à la chaleur sont :

• Les cépages tardifs : un cépage tardif est un cépage qui a besoin d’une plus grande quantité de chaleur pour arriver à maturité. Il sera donc mieux adapté à des climats plus chauds, et, éventuellement moins impacté par des vagues de chaleur (selon le moment où intervient cette vague de chaleur) .
• Des vignobles testent aussi des cépages issus d’autres régions ou d’autres pays ayant un climat plus chaud. A Bordeaux, le programme Vitadapt teste ainsi 52 cépages dont certains viennent du Languedoc, du Portugal (Touriga) ou de Grèce (Assyrtiko, Lagiorgitiko).

Voir aussi les stratégies de défense contre les pics de chaleur (hors choix du cépage) :

• Mettre en place des systèmes d'ombrage en viticulture
• Adapter la vigne au changement climatique

Incertitudes et limites

L'adaptation des cépages au changement climatique est un sujet complexe où les avis divergent en fonction des sources, des contextes et des critères d'évaluation. Par exemple, si certaines études considèrent le Mourvèdre et le Carignan comme vulnérables aux pics de chaleur en raison d'une maturation accélérée et d'un stress hydrique, d'autres recherches les intègrent dans des programmes d'adaptation (par exemple le programme Vitadapt à Bordeaux ), mettant en avant leur débourrement tardif et leur capacité à préserver l'équilibre des vins. Ces contradictions s'expliquent probablement par la diversité des terroirs, des pratiques viticoles et des objectifs de production. Il en va de même pour les cépages résistants aux maladies cryptogamiques comme le Vidoc et le Floréal, il y a une incertitude sur leur comportement face à des températures très élevées.

Ainsi, plutôt qu’une réponse unique, la question de la résistance des cépages au réchauffement climatique nécessite une approche nuancée, tenant compte des spécificités locales et des évolutions en cours.

Toutes ces innovations s'accompagnent de défis : durée des processus (15-20 ans de R&D), acceptation des appellations, et équilibre entre résistances multiples. Les programmes de recherche comme CepInnov en Bourgogne visent à concilier ces impératifs avec les typicités régionales.