On parle de plus en plus de « colza associé », en particulier dans les pratiques d’agriculture de conservation. La technique consiste à associer un couvert au colza dès l’implantation de la culture. Ce couvert reste en place à l’automne et est détruit pendant l’hiver. La mise en place d’un couvert a plusieurs intérêts par rapport à des enjeux liés à l'azote, les ravageurs et les adventices.
Principe
Associer le colza à d'autres cultures permet de maintenir voire d'augmenter les rendements du colza, tout en réduisant les besoins en fertilisation azotée et en désherbage. Cette association colza-légumineuse est adaptée aux situations à faible disponibilité en azote, dans l’ouest et le centre de la France en particulier. L'intérêt est plus limité lorsque la disponibilité en azote au semis est forte (apports de fertilisants organiques, précédents protéagineux, reliquats post-récolte élevés,...).
Objectifs
Restitution d’azote pour le colza
Le couvert détruit pendant l’hiver (en particulier s’il contient des légumineuses) va restituer au sol de la matière organique et de l’azote dont le colza pourra bénéficier au printemps. Un couvert bien implanté pourra restituer en moyenne entre 20 à 30 kg d’azote disponible pour le colza.
Au printemps, le relargage de l’azote est différent selon les espèces de légumineuses en fonction de leur port et de leur rapport Carbone/Azote. La féverole avec son port dressé à moins de contact avec le sol (40% de sa biomasse sera minéralisée rapidement, les tiges restent en place) tandis qu’une vesce ou un fenugrec avec leur port étalé ont 100% de leur biomasse aérienne qui sera au contact du sol, et vont donc restituer l’azote plus rapidement.
Cela montre l'intérêt d’associer plusieurs espèces pour améliorer la temporalité de relargage de l’azote pour l’interculture et la culture suivante.
Valorisation de l'azote
L’association permet une valorisation de l’azote minéral de l’ordre de 10 à 20 unités lié à une meilleure porosité. La mise en place d’un couvert associé au colza favorise encore plus l’absorption de l’azote à l’automne et participe à la diminution des risques de lessivage de l’azote.
Concurrence les adventices
Un colza associé bien implanté accompagné de légumineuses permet de réduire la pression des adventices (géranium, gaillet, matricaires).
La présence de plantes associées empêche la lumière d'arriver au sol et entraîne de fait une réduction de la levée des adventices. Cet aspect est intéressant dans un objectif de réduction des herbicides.
Des essais menés par Terres Inovia sur 15 exploitations sur la période 2013-2016 pour comparer le colza associé et le colza seul ont montré une corrélation entre le poids aérien du colza et la présence d’adventices sur les parcelles. On observe qu’au-delà de 1 500 g/m2, le nombre d’adventices au m2 diminue nettement, avec les modalités du colza associé.
Effet structurant
Le couvert associé peut agir sur la structure du sol et l’améliorer, ce qui peut favoriser le développement racinaire du colza. 90% des racines des légumineuses se situent dans les 10 premiers centimètres, ce qui induit une amélioration de la porosité du sol et un meilleur enracinement du colza (le pivot d’un colza associé est plus profond de 3-4 cm comparé à un colza seul).
Perturbe les attaques des ravageurs d’automne
Les colzas associés à des mélanges à base de vesce ou féverole semblent moins attractifs pour le charançon du bourgeon terminal et l'altise du colza. La présence de plantes associées aux colzas entraîne une perturbation chez les insectes ravageurs et diminue le risque de dégâts sur la culture :
- Perturbation visuelle : l’insecte reconnaît la couleur et la forme de la plante hôte. Cela est accentué par un fort contraste entre le sol nu et la plante hôte en développement. La présence d’une plante compagne réduit ce contraste.
- Perturbation olfactive : les insectes sont attirés par des composés volatils (constituant l’odeur spécifique de la plante hôte). La plante compagne masque ou trouble l’odeur et gêne l’orientation des insectes.
- Théorie de l’atterrissage approprié/inapproprié : l’insecte se pose sur une plante et il y reste si c’est sa plante hôte ou redécolle soit pour sortir de la parcelle soit pour trouver la bonne;
- Résistance par association : plante leurre ou piège – la plante hôte bénéficie de la protection de sa plante compagne.
Des essais menés par Greenotec en 2019 pour comparer les dégâts d’altises sur colzas associés et colzas seuls ont montré un net avantage pour le colza associé. Sur les 4 des 5 parcelles d'essais, on constate une réduction des morsures allant de -20% à -36%, pour le colza associé comparé au colza seul.
Augmenter la rentabilité économique
Des essais menés par Terres Inovia entre 2013 et 2016 ont montré des marges brutes multipliées par 1,35 à 2 comparées à des colzas seuls, 13% à 18% d’azote en moins, une baisse des charges en intrants de 25 à 35%, des charges phytosanitaires de 45 à 55% et des IFT divisé par 2.
Les essais menés en 2018 par Anthony Frison ont montré des résultats intéressants au niveau de la rentabilité pour les modalités avec plantes compagnes pour tous les types de travail du sol (+5% de marge brute pour la modalité colza associé comparée à la modalité colza seul en TCS, +2,5% en strip till et +4% en semis direct) à l’exception du labour (-1%).
Le choix du couvert
Le choix du couvert associé doit se réfléchir selon 4 principaux critères :
- Un couvert à base de légumineuses pour capter l’azote de l’air.
- Un couvert qui ne concurrence pas le colza.
- Un couvert qui résiste aux herbicides colza.
- Un couvert gélif en hiver.
Selon le matériel
Selon les relations des plantes
Jouer sur la complémentarité des bénéfices des couverts : enracinement complémentaire au colza pour améliorer son exploration du sol, bonne capacité de stockage d’azote à l’automne puis de libération de celui-ci au printemps, couverture du sol pour concurrencer les mauvaises herbes et rechercher une hauteur de végétation suffisamment importante pour perturber les insectes.
De manière générale, il faut éviter les crucifères comme la navette et le couvert associé le plus facile à réussir est la féverole.
Outils d'aide
Pour vous aider dans votre choix, l'INRAe a développé l'outil d'aide à la décision CAPS (Colza Associé à des Plantes de Service), vous pouvez le télécharger en suivant ce lien.
Associations avec des légumineuses
Les légumineuses sont plus tardives que le colza. Elles ont besoin d’au moins 500°C jour pour démarrer leur croissance dynamique. Le colza a une levée plus précoce et une phase de croissance dynamique plus courte, ce qui lui confère systématiquement au moins une semaine d’avance sur les légumineuses.
Cet aspect limite les risques de concurrence sur le colza dans la première phase du cycle et rend l’association fonctionnelle. L’indice de précocité est un paramètre important à prendre en compte pour une destruction naturelle en hiver (la destruction par les basses températures n’est effective que si les légumineuses arrivent au stade bouton).
Lentille
- Avantages :
- Croissance rapide.
- Hauteur limitée.
- Enracinement superficiel.
- Bon pouvoir concurrentiel avec les adventices.
- Minéralisation de l'azote au printemps.
- Inconvénients :
- Sensibilité au gel : - 7° C.
- Sensible à l’aphanomyces.
- Espèce hôte du sclérotinia.
- Mauvaise sélectivité au désherbage chimique.
- Dose de semis en association / Objectif nb plantes/m² : 25 à 30 kg/ha. Objectif 100 à 130 plantes/m².
- Coût indicatif : 50 à 60 €/ha.
Féverole de printemps
- Avantages :
- Rapidité de développement.
- Enracinement très performant, structure le sol, améliore la circulation de l'eau.
- Production de biomasse.
- Restitution d’azote.
- Utiliser les semences de ferme.
- Sensibilité au gel.
- Bonne sélectivité au désherbage chimique.
- Perturbe les insectes à l'automne.
- Inconvénients :
- Sensible aux conditions sèches.
- Grosses graines : mélange délicat avec le colza.
- Coût de la semence.
- Espèce hôte du sclérotinia.
- Mauvaise couverture du sol.
- Dose de semis en association / Objectif nb plantes/m² : 80 à 100 kg/ha. Objectif 10 à 15 plantes/m².
- Coût indicatif : 20 à 25 €/ha (semences autoproduites).
Trèfle d’Alexandrie
- Avantages :
- Plante annuelle.
- Facile à détruire.
- Concurrent vis à vis des adventices.
- Minéralisation de l'azote au printemps.
- Restructuration du sol grâce à son système racinaire fasciculé pivotant.
- Bonne sélectivité au désherbage chimique.
- Inconvénients :
- Pouvoir couvrant moyen
- Sensibilité à la sécheresse
- Espèce hôte du sclérotinia.
- Dose de semis en association / Objectif nb plantes/m² : 6 kg/ha. Objectif 200 à 300 plantes/m².
- Coût indicatif : 15 €/ha.
Trèfle blanc nain
- Avantages :
- Rapidité de développement.
- Bonne couverture du sol.
- Bonne sélectivité au désherbage chimique.
- Inconvénients :
- Peu sensible au gel.
- Dose de semis (kg/ha) si espèce seule : 4-5.
- Coût €/ha : 30 €/ha.
Le trèfle blanc se développe très peu à l’automne et apporte donc peu de bénéfices au colza. Peu sensible au gel, sa croissance débute au printemps. Cette spécificité fait qu’il peut être ajouté dans un mélange de légumineuses gélives dans le but de se développer rapidement pendant l’interculture suivante, voire de servir de couvert permanent qui restera en place dans les cultures suivantes. Pour limiter les risques de compétition du colza au printemps, il est impératif de choisir des variétés naines comme Aberace. Dans les systèmes avec couverture semi-permanente il est conseillé de semer le couvert en même temps que le colza plutôt que de semer un colza dans le couvert déjà en place (risque accru sur la compétition en eau). Attention tout de même à la profondeur de semis du trèfle blanc, celui-ci doit être positionné superficiellement.
Pois de printemps
- Avantages :
- Rapidité de développement.
- Bonne couverture du sol.
- Sensible au gel.
- Inconvénients :
- Coût de la semence.
- Sélectivité moyenne au désherbage chimique.
- Dose de semis (kg/ha) si espèce seule : 50-80.
- Coût indicatif : 15 €/ha (semences fermières).
Lin de printemps
- Avantages :
- Sensible au gel.
- Bonne sélectivité au désherbage chimique.
- Dose de semis (kg/ha) si espèce seule : 1.
- Coût indicatif : 1,3 €/ha.
Mélanges triples ou plus
- Avantages :
- Bonne complémentarité entre les espèces.
- Pour certains mélanges, graines de taille similaire mélangeables avec le colza directement.
- Inconvénients :
- Coût indicatif : 40-80 €/ha.
L’association de plusieurs légumineuses est intéressante pour multiplier les atouts et contrebalancer les défauts de l’une d’entre elles. Les plantes à port dressé plus tardive avec pivot (féverole) peuvent être associées à des plantes à port plus étalées, avec racines fasciculées et souvent plus précoces (lentille, trèfle d’Alexandrie, etc.).
Exemple de mélanges fréquemment associés avec le colza :
- Féverole + Vesce + Trèfle d’Alexandrie
- Gesse + Fenugrec + Lentille (mélange recommandé en secteur peu gélif)
- Féverole + Lentille
- Gesse + Lentille + Trèfle d’Alexandrie (mélange recommandé en secteur peu gélif)
Attention : La vesce n'est pas assez gélive, la gesse est peu couvrante et n’apporte rien de plus et le fenugrec est peu couvrant et n’apporte rien de plus si ce n’est un répulsif contre les lièvres.
A retenir :
- Pour lutter contre les campagnols : 2kg de mélilot en mélange avec le couvert.
- Répulsif contre les lièvres : 10 à 20kg de fenugrec en mélange avec le couvert.
Association avec des couverts pérennes
L’intérêt pour les couverts permanents est croissant. S’il est risqué d’implanter un colza dans un couvert en place (sol asséché par le couvert), l’implantation simultanée avec le colza est pertinente.
Intérêts
Les légumineuses pérennes (lotier, trèfle blanc, trèfle violet, luzerne, etc.) se développent pas ou peu à l’automne. Elles ne fourniront pas de service au colza. Leur intérêt sera de couvrir le sol et de produire de la biomasse dès la récolte du colza et éventuellement d’apporter différents services à la ou les cultures suivantes.
Points d’attention
- Choix du couvert : lotier et trèfle blanc sont les espèces qui présentent le moins de risque de concurrence du colza au printemps.
- Gestion délicate du désherbage : les légumineuses pérennes ne contribuent pas à étouffer les adventices alors qu’une réduction de dose d’herbicides est nécessaire et les rattrapages d’entrée hiver à proscrire pour ne pas les détruire.
Il est donc recommandé :
- D’éviter les parcelles à forte pression en adventices dicotylédones.
- D’associer des légumineuses gélives ayant une bonne capacité de couverture du sol précoce : trèfle d’Alexandrie mono-coupe ou lentille.
L'implantation
La différence de taille entre les graines du colza et celles du couvert implanté peut être difficile à gérer au semis. Plusieurs méthodes existent selon la nature du couvert associé et le matériel.
Type de semis | Type de graines | Espèces
possibles |
---|---|---|
Semis avec le même
semoir avec 2 cuves |
Tout type | Toutes
espèces |
Semis du couvert associé
à la volée (puis enfouissement avec semoir ou outil) |
(largeur d’épandage trop faible)
|
Lentille,
féverole |
Semis avec le même
semoir en mélange avec le colza |
Petites graines | Lentille,
trèfle, |
Semis sur le rang
au microgranulateur |
Densité <30kg/ha | Lentille,
trèfle, |
Attention : Si les cultures associées sont semées trop tôt, il y a possibilité d’avoir un développement trop important du couvert qui risque d’étouffer le colza.
Conseils d’implantation / Adaptation de la conduite
- Réaliser des semis précoces, entre le 15 et 20 août (5 jours avant la date de semis normale du colza seul), pour favoriser la croissance des plantes compagnes et augmenter leur sensibilité au gel lors de l’arrivée des premiers froids. A l’inverse, un semis tardif ne permettra qu’un faible développement des plantes compagnes et ne justifiera pas le coût supplémentaire des semences.
- Choisir une variété peu sensible à l’élongation.
- Implanter en simultané et en mélange avec la semence pour les graines de même densité que le colza (ex : colza + lentille). Cela économise un passage si le matériel le permet.
- Implantation en deux passages pour les graines de densité différente du colza, semer le couvert avant le colza. Ne pas attendre trop longtemps entre les deux semis pour ne pas détruire le couvert et éviter que l’association ne prenne le dessus sur le colza. Pour une question de temps, un semis à la volée sera le plus avantageux.
- Choisir une parcelle propre en dicotylédones, notamment géranium. La stratégie herbicide devra être adaptée et se limitera à un passage précoce ou deux pour limiter la phytotoxicité sur les plantes compagnes (voir ci-après « Adapter le programme herbicide »).
- La fertilisation azotée au printemps pourra être réduite, en général de 30 unités. L’ensemble de ces adaptations de conduite garantissent le succès de la pratique et viennent justifier le surcoût de semence des plantes compagnes.
Gestion des adventices
La phytotoxicité des herbicides colza peut nuire assez fortement au couvert associé, voire le détruire. Il faut être vigilant sur les produits et les doses de traitement appliqués.
La réduction des herbicides couplée à la présence d’un couvert associé peut permettre d’obtenir des parcelles propres avec des programmes de désherbage moins chargés.
Les antigraminées
- Rattrapage en post-levée : même raisonnement que pour le colza seul, sur repousses de graminées avec un antigraminées foliaire.
- Rattrapage d’entrée ou sortie hiver : avec un produit racinaire.
Les antidicotylédones
- Les doses et stades d’application des produits diffèrent d’un colza seul. Les applications de pré-semis sont déconseillées et celles de pré-levées sont à éviter si possible car elles sont moins sélectives que les applications de post-levée.
- Privilégier des applications au stade rayonnant voire 2 à 4 feuilles du colza. Fractionnez en 2 passages si besoin.
Les principales causes d’échec de la technique des colzas associés sont liées au désherbage : il s’agit de situations avec historique de pression adventices élevée ou avec impasse herbicide. Les causes d’échec peuvent également venir de la concurrence produite, sur le colza, par certains couverts associés de vesces ou trèfles (violet, incarnat, d’Alexandrie) non détruits en sortie hiver.
Gestion des maladies
Il faut être vigilant pour ne pas augmenter le potentiel infectieux du sol au niveau de la problématique fongique (aphanomyces) en présence de légumineuses dans la rotation. Certaines légumineuses augmentent ce risque (lentilles, gesse, pois, trèfles, vesces), d’autres moins (féveroles, fenugrec, trèfle d’Alexandrie).
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Pour aller plus loin
Vidéos
Sources
- Associer un couvert à son colza - Chambre d'Agriculture de la Meuse
- Réussir l’implantation de son colza associé - Chambre d'Agriculture de la Meuse
- Bénéfices et conduite du colza associé à des légumineuses - Terres Inovia
- Colza associé : un outil pour choisir ses plantes compagnes - Entraid'
- Colza associé : Comment ? Quels avantages ? - Terre-net
- Le colza associé : la diversité au service de la performance, AgroLeague
Annexes
Cette technique s'applique aux cultures suivantes
La technique limite la présence des auxiliaires et bioagresseurs suivants