Pâturage des ovins dans les vignes

De Triple Performance
Aller à :navigation, rechercher
Brebis pâturant dans les vignes

Le pâturage des vignes enherbées présente un double intérêt, tant pour l'éleveur que pour le viticulteur.


Gestion de l'enherbement

Pour réussir le pâturage des vignes il est essentiel de gérer correctement l'enherbement.


Estimation de la production d'herbe

La production d'herbe sur pied dépend de sa hauteur et de sa densité. L'INRAe indique qu'il y a 100 kg de matière sèche par centimètre de hauteur d'herbe et par hectare disponibles pour le pâturage. Ainsi, une hauteur de 10 cm correspond à 1 T de MS/ha.

Cependant, il est à noter que la valeur alimentaire des prairies ou des vignes enherbées diminue au fur et à mesure de l'évolution de l'herbe. Par exemple, au stade épi 10 cm, une prairie permanente présente une valeur alimentaire de 0,90 UF (Unité fourragère)/Kg de matière sèche (MS) et de 16,7 % de matière azotée (MAT), ce qui correspond à un bon foin. Au stade début épiaison, elle n'est plus que de 0,83 UF/Kg de MS et 13 % de MAT. Au stade floraison, la valeur chute à 0,6 UF/Kg de MS et 9 % de MAT.

Il est donc primordial d'avoir un bon enherbement des vignes et de rentrer les animaux avec une bonne hauteur d'herbe, soit entre 7 cm au minimum et 20 cm maximum. La hauteur des chevilles est un bon repère.


Pratiques à éviter pour un bon enherbement des vignes

Sur-pâturage

Un sur-pâturage, généralement dû à une trop importante période de pâturage à un même endroit ou à une surcharge de la parcelle peut avoir plusieurs impacts néfastes :

  • Augmenter (x3 à x4) le temps de régénérescence de la couverture végétale, en dehors de la période allant de la fin automne à mi-hiver pendant laquelle il est moins problématique de descendre bas.
  • Prendre le risque que les brebis se tournent vers la vigne, une fois toute l'herbe ingérée.
  • Augmenter le risque d'infestation parasitaire.
  • Altérer le système racinaire des plantes et donc la pérennité des graminées de l'enherbement des vignes.
  • Accroître les risques d'érosion si les sols sont en pentes.


Sous-pâturage

Un sous-pâturage induit d'autres problématiques :

  • Perte de qualité et diminution de la valeur nutritionnelle (énergie et azote) des plantes du couvert.
  • Refus des animaux qui n'aiment pas consommer des plantes épiées.


Gestion des ovins

Besoins des animaux au pâturage

Les besoins pour chaque catégorie d'animaux se calculent à partir des UGB (Unités de Gros Bétail) en référence, à la norme moyenne de 15 kg de MS par jour, soit :

  • 2,25 kg de MS par jour pour une brebis (1 brebis = 0,15 UGB)
  • 2,25 kg de MS par jour pour une agnelle (1 agnelle = 0,15 UGB)
  • 0,75kg de MS pour un agneau herbe (1 agneau = 0,05 UGB)
  • 2,25 kg de MS par jour pour une chèvre (1 chèvre= 0,15 UGB)


Composition des troupeaux

La composition des troupeaux pâturant la vigne varie d’une situation à une autre :

  • La plupart des animaux utilisés sont des brebis en lactation et leurs agneaux, car l’agnelage se fait majoritairement à l’automne. Certains éleveurs privilégient cependant les brebis aux agnelles car ces dernières sont plus agitées et peuvent abîmer les jeunes plants de vigne.
  • Pour commencer le pâturage des vignes, il semble préférable d’avoir à sa disposition un lot d’au moins 20 brebis pâturant les vignes, pour « conserver un comportement de troupeau ».
  • Concernant les races utilisées, il est pour certains préférable d’utiliser des brebis « calmes » (Mérinos, Mourerous) et habituées aux vignes. Des brebis n'ayant jamais pâturé dans les vignes peuvent tourner un peu dans la parcelle au début mais cela ne dure qu'un temps.
    Mouton d'Ouessant
  • Certaines exploitations utilisent des moutons de petite taille, de race Ouessant, pour éviter d’endommager les sarments et de trop attaquer les feuilles.


Conduite du troupeau

Le troupeau peut être parqué et/ou gardé.

Le gardiennage est privilégié lorsque :

  • Les parcelles sont petites.
  • Le troupeau rentre tous les soirs à la bergerie.
  • L'herbe est abondante (dans ce cas, il est plus facile de garder le troupeau car les brebis se déplacent peu).


Certains bergers ont recours à la pose de filets ou bénéficient de clôtures fixes pour appuyer la garde, permettant une meilleure gestion de la ressource disponible et de gagner du temps.

Il est plus aisé de conduire les animaux en clôtures mobiles, laissant les animaux pâturer l'herbe à leur guise. Il convient de réaliser des parcs assez grands, avec 10 à 15 filets, selon la configuration du terrain et les parcelles à disposition et de bien laisser les « tournières » dans le parc pour que les brebis puissent bien se répartir entre les rangées.

L'utilisation de grands parcs a plusieurs avantages :

  • Plus grande souplesse dans la gestion du pâturage.
  • Surveillance du troupeau facilitée.
  • Limitation du risque de vol de matériel. Pour limiter les risques de vol, il vaut mieux mettre les postes de clôtures et batteries à l'intérieur des parcs avec un cadenas et les attacher au pied ou piquet de vigne. En ce qui concerne le nombre de postes électriques, il convient de mettre deux postes pour les grands parcs. L'alimentation électrique se faisant par batteries ou secteur si un réseau est disponible à proximité des parcelles.

Cependant, il faut veiller à ne pas constituer des parcs trop grands comparés à la taille du troupeau, cela représentant différents risques :

  • Utilisation hétérogène du parc par les brebis.
  • Présence de zones non pâturées.
  • Diminution de la quantité prélevée par les animaux.

Ainsi, le parc est défini "trop grand" lorsque la durée de pâturage dépasse 2 semaines à l'automne et 3 semaines en hiver.

Pour que l’impact du pâturage soit homogène, il est conseillé d’éviter de créer des parcs avec une végétation ou une topographie hétérogène. Aussi, les découpes perpendiculaires à la pente sont à privilégier, pour éviter que les brebis ne restent toujours vers le haut des parcs et délaisser les parties basses. Il peut également être disposé des points d’eau pour orienter le pâturage vers les zones les moins explorées par les brebis.

La pression de pâturage peut constituer un levier pour assurer un bon renouvellement de l’enherbement. S’il y a sous pâturage (en dessous de 10 brebis/ha), les animaux peuvent sélectionner ce qu’ils ingèrent, créer des circuits, sur-pâturer certaines zones et en sous-exploiter d’autres.


Surveillance du troupeau

Montagne des Pyrénées au milieu des moutons

Le risque de prédation par des chiens divagants ou les loups ainsi que le vol d'animaux ou de matériel, demande aux éleveurs d'utiliser de plus en plus les chiens de protection des troupeaux. L'utilisation de ces chiens nécessite la mise en place de panneaux d'information sur la présence des chiens de protection et sur le comportement à adopter face à ces chiens, dans le cadre du multi-usage du milieu.

Ces chiens peuvent engendrer quelques difficultés pour le pâturage de vignes :

  • Difficulté d'accès aux parcelles pour les personnes devant travailler dans les vignes.
  • Augmentation des mouvements brutaux de troupeaux pouvant dégrader les installations d'irrigations.


Préconisations pour le pâturage des vignes enherbées

Période de pâturage

Sheep and vines.JPG

A partir de la fin de l'aoûtement (fin octobre) jusqu’au débourrement des vignes (fin février voire mars selon les cépages et les zones).

Pour un bon enherbement des vignes, et une bonne alimentation du troupeau, les périodes de mise au pâturage des vignes doivent également être raisonnées en fonction de la pousse de l’herbe. Pour fournir aux brebis une herbe riche en quantité suffisante, il est donc préférable de commencer le pâturage lorsque l’herbe est à hauteur de cheville, entre 7 cm minimum et 20 cm maximum, aller au delà risque d'engendrer des refus.


Agencement des vignes

  • Prévoir des îlots de 15 à 20 ha regroupés minimum, avec des prairies ou zones de friches comme lieu de repli en cas de pluviométrie importante. Ceci pour éviter le piétinement de l'herbe et le gaspillage. En cas de pluie, il est également nécessaire de garder du « net » (partie où les animaux n’ont pas pâturé), pour ne pas abîmer l'enherbement et éviter que les animaux ne s'attaquent au bois de la vigne.
  • Tenir compte de l'organisation et du calendrier des travaux dans les vignes : pré-taille, taille.
  • S'entendre avec le viticulteur pour définir les accès aux engins des parcelles avant de poser les filets électriques…
  • Afin de ne pas dégrader le matériel d'irrigation, il convient d'avoir le tuyau d'arrosage accroché au fil à au moins 60 cm de haut et les asperseurs à une hauteur de 40 cm minimum. Il ne faut pas laisser les animaux trop longtemps afin de ne pas risquer d'abîmer le matériel d'irrigation, en limitant les allers et venues des animaux dans la parcelle.


Impacts des pratiques viticoles sur le pâturage

Taille de la vigne et sarments sur le sol

Ayant généralement lieu juste après la chute des feuilles mais pouvant s’étaler beaucoup plus, la taille de la vigne laisse des sarments entre les rangs de vigne. Ils sont par la suite broyés, ramassés ou laissés sur place. L’entrée du troupeau entre la taille et le broyage des sarments est en général à éviter pour plusieurs raisons :

  • Dispersion des sarments par les brebis réduisant ainsi l’efficacité du broyage.
  • Pose des filets par les bergers rendue difficile par la présence des sarments au sol.

Ainsi, le pré-taillage, qui limite la présence de gros sarments au sol, est préféré par les éleveurs car il ne laisse sur le sol que de petits sarments, qui ne sont pas gênants pour le pâturage, et permet dans certains cas de pratiquer taille de la vigne et gardiennage de façon simultanée.


Fertilisants et produits phytosanitaires

Les herbicides peuvent limiter les possibilités de pâturage pour plusieurs raisons :

  • Risques sur l’état sanitaire des brebis. Certains préconisent de faire entrer le troupeau sur la vigne après un épisode pluvieux, de façon à ce que les feuilles soient débarrassées du maximum de résidus de traitements phytosanitaires
  • Diminution de la diversité de ressources alimentaires pour les brebis. L'utilisation d'herbicides peut sélectionner, par inversion de la flore, des espèces peu appétentes pour les brebis (Séneçon du Cap, Tagetes,...). Certains préconisent d’attendre 2 ans pour laisser se régénérer la végétation.
  • Accumulation du cuivre dans le foie des brebis pouvant parfois provoquer la mort de l'animal. En préventif, certains éleveurs fournissent aux brebis des produits drainant à base de plantes hépatiques.


La fertilisation peut également gêner le pâturage des brebis, mais dans une moindre mesure :

  • Dans le cadre d’une fertilisation organique, les fumiers ou granulés ne sont pas toujours enfouis, ce qui peut déranger les brebis s’ils sont épandus à l’automne.


Travail du sol

Le travail du sol restreint le pâturage des surfaces de vignes :

  • Retarde l’arrivée des troupeaux, si effectué juste après les vendanges.
  • Détruit des surfaces pâturables, si effectué lorsque les brebis sont présentes.
  • Diminue la densité du couvert végétal, l’éleveur doit donc disposer d’importantes surface.
  • Entraîne la sélection d’espèces rudérales non consommées par le troupeau, dans certains cas problématiques pour la valorisation de la laine (lampourde notamment). Éleveurs et viticulteurs peuvent s'organiser de façon à ce que le labour soit fait après le passage du troupeau.


Semis d'un couvert

Semer un couvert végétal entre les rangs des vignes est pratiqué par certains viticulteurs pour fournir aux brebis davantage de ressources et appuyer la fertilisation. En effet, en mettant à disposition des brebis un couvert plus dense, le viticulteur allonge le temps de pâturage et augmente ainsi la quantité de fumure déposée par les animaux


Palissage, irrigation et déplacements de brebis

Le palissage et le système d’irrigation peuvent impacter la conduite du pâturage. Lorsque les vignes sont palissées et que les fils sont trop bas, les brebis ne peuvent pas se déplacer dans les rangs comme elles le souhaitent, et cela peut complexifier la conduite du troupeau, d’autant plus si les rangs sont très longs. La hauteur optimale pour la plupart des brebis est de 60 cm.

Concernant les vignes irriguées, afin de limiter la dégradation du matériel, il est également préférable d’avoir le tuyau d’arrosage accroché au fil à au moins 60 cm au dessus du sol, et des asperseurs à 40 cm.


Bilan

Intérêts

  • Apports de pâturage sur vignes pour l'éleveur et son troupeau
  • Effets sur la fertilité du sol
  • Maintien d'une couverture du sol rase dans les vignes et maîtrise de l'enherbement permettant une réduction du désherbage mécanique ou chimique.
  • Diminution du risque de concurrence hydrique
  • Diminution du risque de dispersion de maladies , dans le cas où les brebis consomment les feuilles ;
  • Valorisation des espaces secs
  • Lutte contre les incendies
  • Image sociale auprès des consommateurs
  • Pour l'éleveur, le pâturage des vignes peut représenter jusqu’ à un quart de la ration annuelle et diversifie les fourrages. Cela permet donc une baisse des charges directes d’alimentation. Pour un mois de pâturage, l’éleveur estime une économie de 22500 kg de foin, donc entre de 2250 et 2700 euros de gagné
  • Pour le viticulteur, le pâturage des vignes permet un gain de temps de travail et une économie de carburant (1 à 2 passages en moins) non négligeables. Pour les conventionnels, cela diminue les charges d’achat de produits phytosanitaires.



Points de vigilance

Plusieurs points de vigilance dans la conduite de troupeau sont à noter :

  • Rester calme avec le troupeau pour éviter des dégâts sur les ceps, le palissage ou l'irrigation.
  • Concernant les plantiers, ils ne peuvent être pâturés que si les brebis ont déjà bien mangé.
  • Lorsqu’il est pratiqué la complantation, des dégâts peuvent être observés sur les jeunes plants s’il y a présence de « cuvettes ».
  • Surveiller le piétinement des vignes. En cas de pluie, le pâturage est à éviter à cause des risques de dégradation sur le couvert végétal et de tassement du sol, ce que nous ont fait remarquer la plupart des éleveurs rencontrés.
  • Pour l’éleveur, augmentation de la main d’œuvre liée au recours au gardiennage, quasiment obligatoire.  


Sources

Annexes

Cette technique s'applique aux cultures suivantes

La technique est complémentaire des techniques suivantes

Partager sur :