Autoguidage et ACS le duo gagnant

De Triple Performance
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Noel SemisOP2018.jpg

Jean-Marie Noël agriculteur dans l'Oise s'est lancé dans l'ACS un peu par hasard en effectuant un test, mais au vu des résultats plus que prometteurs, a décidé de développer la pratique sur l'ensemble de ses parcelles. L'autoguidage est arrivé quelques années après pour l'aider dans la réussite de ses semis directs (SD), il ne sera plus possible de faire machine arrière tant le confort de travail est grand.

Présentation

  • Nom : Jean-Marie Noël.
  • Localisation : Croissy sur Celle, Nord de l’Oise, limitrophe de la Somme.
  • Statut : Agriculteur.
  • Nom de l’exploitation : La Malmaison.
  • Autre activité : Président de sa CUMA. Jean-Marie fait quelques vacations en tant que formateur en journalisme radio à l’Université d’Amiens.
  • Parcours : Diplôme d’ingénieur en agriculture, spécialisé en développement, aménagement et gestion de projet. Il fait son stage de fin d’étude au Gabon, dans un élevage de gibier, et sa coopération en Mauritanie pendant 2 ans où il fait de l’appui aux initiatives locales en agriculture-élevage. Puis il sera journaliste à La France Agricole en production végétale à Paris pendant 8 ans (6 ans à plein temps et 2 ans à mi-temps) avant de rejoindre ses parents sur la ferme à 33 ans.
  • SAU : 155 ha, dont 135 ha sur place répartis en 5 îlots, séparés par des chemins + 20 ha à 40 km.
  • UTH : 1.
  • Label : Pas de label, mais il tend vers le tout ACS (Agriculture de Conservation des Sols).
  • Contexte : L’exploitation est 95% en fermage, ce qui le limite un peu sur certains aspects, comme la mise en place de haies ou de l’agroforesterie. La ferme est isolée au milieu des champs.
  • Climat : Situé à 170 m d’altitude, le climat est séchant malgré le fait de n’être qu’à 80 km de la mer.
  • Sol : Les parcelles sont grandes (la plus longue fait 1km) mais hétérogènes avec des zones difficiles : argiles à silex (avec + de 45% d’argile) d’un côté, et de l’autre de la cranette (argilo-calcaire superficiel beaucoup de craie avec affleurement de calcaire) avec 20 cm de terre.
  • Productions :
    • Céréales d’hiver : Blé / Orge d’hiver (escourgeon) sur la moitié de la surface : 75 ha.
    • Colza : 20 ha. De plus en plus opportuniste.
    • Maïs : 15 ha.
    • Orge de printemps (brassicole) : 14 ha, sensible au tassement, parcelle limoneuse sans hydromorphie.
    • Lin d’hiver(LH) : Lin oléagineux : 6 ha, lin fibre : 5 ha.
    • Protéagineux : Féverole, pois de printemps, vesce : 18 ha (+ un peu de luzerne pour un éleveur avec lequel il fait de l’échange de fumier).
  • Rotation : La rotation s’organise sur 6-7 ans avec : colza, blé, pois, blé, orge de printemps (OP), lin, maïs. Jean-Marie ne garde pas une rotation précise, mais il attend 7 ans avant de remettre du lin sur une même parcelle et évite de revenir trop vite sur une légumineuse car il en met aussi dans les couverts.
  • Désherbage : Dans le cadre de l’ACS, il essaie d’appliquer la stratégie : 2 cultures de printemps suivies de 2 cultures d’hiver, mais de nature différente (protéagineux + paille puis colza + blé), qui permet de casser le cycle des adventices. Il complète sa stratégie de désherbage avec l’utilisation de glyphosate, mais attention à l’effet parapluie du couvert. Attention aussi aux produits racinaires qui sont plus vite dégradés à cause du mulch et de la matière organique (MO) en surface.

La solution pour éviter d’avoir à désherber serait d’avoir de gros couverts, mais ils faut qu’ils lèvent et poussent bien.

  • Fertilisation : Depuis 3 ans il met du fumier (fourni par deux voisins éleveurs en échange paille contre fumier ou luzerne contre fumier). L’objectif est d'accroître le taux de matière organique et ainsi faciliter l’implantation en semis direct (SD).
  • Irrigation : Pas d’irrigation. Pas de drainage. Il y a quelques zones hydromorphes en jachère sur le point haut de la ferme qui sont probablement dues à la présence d’une langue argileuse.
  • Modes de commercialisation :
    • Le blé, le colza et l’orge brassicole : Vendus en prix ferme en coop ou négoce.
    • Les semences de lin oléagineux et de vesce : Vendues aux semenciers / à la boîte de multiplication.
    • Les pois et la féverole : Vendus en prix moyen, il ne s’occupe pas de la commercialisation.
  • OAD : Il utilise l’outil "Mes Parcelles" pour faire ses découpes d'assolement car il fait des subdivisions au sein de ses parcelles, pour profiter au maximum des combinaisons pédoclimatiques de chaque zone en fonction des précédents, etc…

Historique

  • Le père de Jean-Marie avait une exploitation de 80 ha en fermage à 40 km de l’actuelle puis, suite à une réduction de surface, il ne lui restait plus que 20 ha (qui sont toujours exploités par Jean-Marie). Il s’est alors mis à la recherche d’une autre exploitation et est arrivé à Croissy. Les terres étant assez ingrates, elles n’étaient pas trop convoitées par les voisins, mais comme elles étaient regroupées, il y est quand même allé.
  • 2004 : Jean-Marie rejoint ses parents sur l’exploitation où il sera d’abord salarié pendant 3 ans à mi-temps.
  • 2007 : Il devient associé.
  • 2009 : Départ en retraite de ses parents.
  • 2014 : Début de l’ACS sur lin.
  • 2019 : Début de l’utilisation de l’autoguidage.
  • 2022 : Arrêt de la betterave, après en avoir toujours fait, pour plusieurs raisons :
    • Incompatibilité avec l’ACS : Ses terres argileuses étant compliquées, l’état de la structure du sol après arrachage est catastrophique.
    • Des rendements pas exceptionnels et trop incertains (de 55 à 90 t/ha), avec un blé derrière betterave à 60 qtx/ha alors que le potentiel est à 90-95 qtx/ha dans les bonnes terres.
    • Initialement, l’arrachage des betteraves était réalisé par la CUMA mais elle n’a pas renouvelé ce matériel. Jean-Marie a alors dû recourir à la prestation par entreprise. L’ETA qui venait les arracher était trop onéreuse et pas toujours disponible quand il en avait besoin. Le poids des arracheuses intégrales était aussi problématique (+50t à charge).
    • De façon plus anecdotique, Jean-Marie considère par ailleurs que l’on consomme trop de sucre au niveau mondial et préfère ne plus prendre part à sa production (impact sanitaire).
  • 2024 : Jean-Marie est toujours en recherche pour remplacer la betterave car ça lui fait un trou de 10% dans son assolement. Il va tenter le maïs cette année.

L’ACS

Date de mise en œuvre et motivations

Jean-Marie a commencé l’ACS sans conviction il y a une 15aine d'années. Il a commencé par des essais, de manière opportuniste. A cette époque, il n’avait pas pour objectif de tout basculer en ACS car, avec sa casquette de journaliste, il voyait pas mal d’expériences où les TCS (Techniques Culturales Simplifiées) atteignaient leurs limites et pour lui, l’ACS était à mettre dans le même panier. Il a quand même fait un essai sur une parcelle de lin d’hiver, et a vu que même en diminuant le travail du sol, le rendement était bon, alors il a continué.

Etapes de mise en place

Diminution du travail du sol

Depuis longtemps, Jean-Marie Noël a une sensibilité au respect du sol, et a mis en place peu à peu une stratégie visant à le préserver au maximum.

La 1ère étape quand il a eu en main l’exploitation a été par exemple de diminuer la vitesse de rotation de la rotative (son père était un adepte du 1000 tours, et ça usait de la ferraille). La rotative est pire que le labour pour la structure, certes le contact terre/graine est top, mais le sol prend cher. Il était peu utilisateur de glyphosate à l’origine (20L/an au total) car ça lui semblait inutile. Avec la diminution du travail du sol, il lui a trouvé une utilité et l’a alors plus utilisé.


Levée des orges de printemps. ©JM Noël.

Essais

  • Il a fait ses premières armes en ACS avec le lin oléagineux d’hiver, très sensible au déchaussement (les racines cassent sous l’effet du déplacement du sol dû au gel, les plants ne souffrent pas tant du gel en lui même, mais du fait que les racines soient coupées). Des terres trop travaillées, veules (pas assez compactes) provoquent le cisaillement des racines. Il a alors essayé le semis direct (SD), mais il fait quand même un très léger travail du sol pour avoir une terre fine, pour que le sillon se ferme mieux.
  • En 2012, il a ensuite essayé de semer en direct du blé (variété Oxebo) avec un précédent colza, sur une parcelle de 4,5 ha non labourée par son père depuis 10 ans car c’est une parcelle très argileuse. Il a semé très tôt, le 21/09 au lieu de début octobre), et a récolté 103 qtx/ha alors que la moyenne de la parcelle est de 85 qtx/ha normalement, ça a éveillé son intérêt. Ça a été une bonne année pour les semis précoces, même en conventionnel.
  • Il a de plus en plus expérimenté après cela, comme des orges très précoces sur terre gelée. Il a eu des ratés (pois à 10 qtx/ha), mais ça lui a permis d’apprendre beaucoup de choses.
  • Cette année (2024) il va essayer le maïs en SD, sur une parcelle où il n’y a pas eu de travail du sol, une partie était en colza et l’autre en vesce. Sur la partie avec la vesce, il va semer la moitié avec son semoir Weaving et sur l’autre moitié, il va faire appel à un entrepreneur qui a un semoir monograine, mais la paille de vesce risque de s'agglutiner autour des socs et poser problème pour le semis. Sur la partie colza, il a mis du fumier, il va faire un petit travail du sol. Il pourra ainsi comparer les 3 modalités : Monograine sans MO, Weaving sans MO et Weaving avec MO. Le maïs entre aussi dans la rotation pour améliorer la lutte contre les graminées (ray-grass en particulier).

Semoir SD

Au début, il louait un Semeato à la société Phytograin, ça a bien fonctionné sur le lin les premières années. Il a ensuite loué le Semeato pendant 5-6 ans à un voisin éleveur qui est à 10km (plus proche que Phytograin). Maintenant il utilise le semoir SD à disques inclinés Weaving GD 6000 de la CUMA.

Dans le cadre de la CUMA ils viennent d’acheter un semoir SD à dents, le T Drill Guilbart Vironchaux, mais lors des premiers essais, le sol était trop sec chez Jean-Marie donc il a préféré le Weaving, mais il va peut-être l’utiliser pour les semis de couverts, dans la paille.

Formation

  • Pour débuter, la Société Phytograin, qui lui louait le semoir Semeato, lui avait donné quelques conseils techniques sur l’itinéraire de semis direct : semer, puis passer un coup de glyphosate, garder le colza le plus longtemps possible pour que les limaces s’attaquent au colza et pas au blé, ….
  • Il profite également de l’expérience de son voisin qui avançait de plus en plus en SD, mais il faisait très peu de couvert. Jean-Marie en a déduit qu’il y a quand même quelques précautions à prendre pour ne pas se faire dépasser par les adventices. Pour ça, il cherche le meilleur couvert : trèfle, légumineuses dans la rotation.

Suivi

Pour suivre son sol, Jean-Marie Noël fait surtout des tests à la bêche pour voir son aspect, le nombre de galeries, de racines, la granulométrie. Avec l’expérience, il arrive maintenant à voir s’il est en bon état ou non.

Grâce à ce suivi, cette année (2024), il a semé ses féveroles le 26 janvier, la terre n’était pas gelée, elle collait bien mais pas trop. Au 25 mars, ses féveroles ont très bien levé, alors qu’il n’en voit pas d’autres dans le coin. Son orge de printemps a été semée 1 semaine plus tard (début février), la parcelle fait 14 ha, c’est du limon argileux, il a essayé une partie avec engrais de fond et une autre partie sans, ça a très bien levé dans les zones sans hydromorphie.

Sentir la terre, ça aide à savoir quand y aller et à éviter les zones qui ne sont pas favorables au SD.


Lin. ©JM Noël.

Résultats

  • Lin : L’année dernière (2023) Jean-Marie a obtenu de très bons rendements en lin fibre d’hiver: 8 t/ha brute, avec bonne teneur en fibre (recette 5000 €/ha). Mais cette année il a gelé en grande partie, c’est le risque. 2 ha sur 6 ont été conservés pour évaluer le potentiel de compensation suite à un gel sévère mais pas complètement destructeur. Il est à noter que le lin fibre est plus délicat que l’oléagineux. Il prend moins de risques à faire du lin d’hiver que du lin de printemps (LP) car le climat est trop séchant et aussi à cause de l’altise contre laquelle il ne veut plus faire de traitement insecticide. De plus, il faut des terres profondes et régulières pour le LP, ce qui n’est pas son cas. Dans les parties argilo-calcaires ou argileuses, le cycle est trop court et le LP n’a pas le temps de pousser à maturité, là où le LH sur un cycle en 9 mois a le temps de se refaire.
  • Légumineuses : Jean-Marie faisait une production de semences de trèfle violet (TV) mais il y a une trop grosse pression de l’apion et comme il n’aime pas l’utilisation excessive des insecticides, depuis 2 ans il essaie de remplacer le TV par la vesce, mais elle est compliquée à récolter, il en laisse beaucoup au sol. Il croit très fort à la présence de légumineuses dans la rotation, donc il essaie.
  • Colza :
    • La plus grosse surprise est venue du colza (semence de ferme) qui est de plus en plus opportuniste. Jean-Marie en met dans les couverts, en choisissant des cultures associées qui soient facilement destructibles (gélives ou avec un antidicot). Si son objectif est de récolter 20 ha de colza, il en sème 40 ha. Si 20 ha ne sont pas beaux, il mettra autre chose à la place. Il se laisse des portes de sortie si ça ne fonctionne pas, c’est une sorte d’assurance aléas. C’est un peu compliqué d’anticiper car le colza va être très beau d’un côté de la parcelle et moins bien d’un autre. Mais globalement pour le moment ça marche bien.
    • Ça lui est même arrivé de faire une récolte de colza spontané alors qu’il avait semé de la moutarde d’Abyssinie pour la multiplier. Comme cette moutarde a un cycle long, il l’a semée en même temps que son colza de l’année précédente dans un carré de 60 ares en plein milieu de sa parcelle de colza, mais toute la moutarde a gelé. Comme il y avait beaucoup de repousses de colza des années précédentes dans ce carré, il les a laissées et au moment de la récolte, il ne voyait plus la différence entre le colza semé et le spontané. Le colza a eu un bon rendement (38 qtx/ha)


Couvert de trèfle violet.©JM Noël.

Bénéfices de l’ACS

  • Meilleure portance des sols : Il peut passer quand il veut dans ses parcelles, il ne les marque pas par ses passages de roues, il doit même mettre le guidage RTK en marche pour retrouver les traces des années précédentes.
  • Limite l’érosion des sols : Les couverts et la meilleure structure du sol évite les pertes de sol.
  • Peut-être une meilleure capacité hydrique (mais pas significative).

Limites de l'ACS

  • Favorise certains ravageurs : Campagnols, taupins, mouches qui provoquent la fonte des semis,...
  • Anticiper les inversions de flore et ne pas lever la garde quand un petit rond d’une adventice apparaît, car c’est toujours pire l’année suivante.

L’autoguidage

Date de mise en œuvre et motivations

Jean-Marie aime bien l’informatique, "il bidouille" les outils et réseaux informatiques sur son temps libre, et c’est donc assez naturellement qu’il s’est intéressé à l’autoguidage et plus particulièrement au système RTK.

C’est en 2019, au moment de l’achat du semoir SD Weaving de la CUMA, qu’il a franchi le pas et s’est acheté un système d’autoguidage Trimble (RTX). Ne voulant pas mettre de traceur pour réaliser ses semis, car l’objectif n’est pas de retourner la terre, il lui fallait donc un système de guidage. Mais le manque de transparence sur le fonctionnement du Trimble le pousse à chercher d’autres solutions en mode "Open Source", afin de savoir exactement comment ça fonctionne et de pouvoir "bidouiller" dedans. C’est en 2020 qu’il se lance avec Ag Open GPS (RTK) qui répond à ses attentes. Il en avait entendu parler quelques années auparavant, mais il en était encore à ses balbutiements à l’époque.

Etapes de mise en place

  • Quand le semoir SD Weaving est arrivé à la CUMA, Jean-Marie a acheté à titre individuel un équipement Trimble (RTX), et en a équipé son tracteur qu’il met gracieusement à disposition de la CUMA. "Une fois qu’on a goûté à l’autoguidage, on ne peut plus s’en passer, les autres membres de la CUMA se sont tous équipés maintenant". Le Trimble est assez onéreux et est une vraie boîte noire. Jean-Marie apprécie d’être autonome dans la réparabilité des outils qu’il manipule et lors de l’installation du Trimble, il a été confronté à plusieurs difficultés d’intégration du système dans son tracteur, il a alors été très dépendant de l’entreprise qui vend cet outil.
  • Il s’est alors penché sur Ag Open GPS (AOG) qui est un logiciel de guidage agricole utilisant des technologies RTK de positionnement par satellite. En tant que logiciel open source, il offre la possibilité de personnalisation et d'adaptation selon les besoins spécifiques des utilisateurs. La difficulté avec cette solution, c’est qu’elle n’est pas clé en main, il faut assembler tous les équipements soi-même. Bien intégrer le système dans son tracteur prend du temps et demande un peu de bricolage.
  • Jean-Marie a alors rejoint l’Agrilab d’UniLaSalle où des ingénieurs l’ont aidé pendant plusieurs journées à installer et paramétrer les capteurs sur son 2ème tracteur, qui lui sert essentiellement pour le pulvé. Il a également pu y suivre des formations sur la programmation d’Arduino, l’impression 3D, etc…



  • Jean-Marie utilise toujours ces 2 solutions d’autoguidage Trimble et Ag Open GPS, mais il doit passer aux dernières versions d’AOG pour profiter des dernières évolutions du logiciel. Il est plus facile maintenant d’installer les solutions Ag Open GPS car on trouve maintenant des platines électroniques qui intègrent tous les composants, ce qui évite les faux contacts et simplifie le montage. Il évalue la possibilité de revendre le Trimble pour tout passer en solutions libres.

AOG vs Trimble

  • AgOpenGPS n’est pas plus compliqué que Trimble à l’usage, mais il faut y passer du temps au début pour le paramétrer. Il est facile maintenant de s’équiper des différents composants, y compris des ordis avec des écrans tactiles (200€ d’occasion).
  • AgOpenGPS a plus de fonctionnalités que Trimble : Gestion du demi-tour, indication de l’heure de fin du travail,...
  • Avec AgOpenGPS on sait aussi comment ça fonctionne, ce n’est pas aussi obscur que Trimble.
  • AOG utilise n’importe quel système de correction (base de données de positions), dont Centipède (https://docs.centipede.fr/) par exemple.
Comparaison des prix entre les différentes solutions (à l'époque de la décision par l'agriculteur)
Trimble (RTX) Trimble (RTK) AOG (RTK)
Achat 10 000 € 15 000 € 2 000€
Abonnement 400 €/an 400 €/an N/A
Les orges sont bien alignées. ©JM Noël.

Bénéfices des solutions RTK

  • Confort de travail : Par exemple, quand on sème dans un couvert, on ne voit pas bien le sol et il faut semer droit. Le matin ça va, la concentration est à 100%, mais le soir après 12h à semer, avec la chaleur et la fatigue, on ne roule plus très droit. Avec l’autoguidage, il n’y a pas de souci, on roule toujours droit.
  • Limite la casse : Avec l’autoguidage on n’a pas à regarder tout le temps devant, on peut surveiller le matériel, dès qu’il y a un souci (une roulette qui tourne pas bien) on peut intervenir pour éviter de la casse.
  • Meilleure productivité : On peut semer le soir quand on n’y voit plus bien. C’est aussi pratique surtout quand il faut éviter la rosée, ce qui décale la journée de semis (là il commence à semer à 10h et continue jusqu’à 21h). Alors le matin il désherbe car ça marche mieux avec une hygrométrie élevée, et une fois la rosée partie, il sème.
  • Permet un travail plus propre : Surtout s’il n’y pas de broyage des couverts, car on ne voit pas le sol.
  • Précision : Si on prend bien le temps de bien paramétrer l’outil. Sur son plus vieux tracteur, qui avait 8000 h à l’époque, il a dû changer les rotules de direction pour éviter d’avoir du jeu dans la direction. Il a dû tester plusieurs positions pour les capteurs. Les nouvelles solutions sont plus intégrées et posent moins de problèmes électroniques.
  • Utilise moins de carburant : En ligne droite on consomme moins qu’en zigzagant, les manœuvres se font sans hésitation.
  • Retrouver ses traces : Il se sert du RTK essentiellement pour le pulvé car il ne retrouve plus ses traces d’une année sur l’autre car grâce à l’ACS, le sol est portant et ne marque plus le passage des roues.
  • Juge de paix : L’autoguidage permet d’éviter d’empiéter chez le voisin !

Limites des solutions RTK

La difficulté principale est de bien intégrer le système dans son tracteur.

Bilan

Economique

Ses coûts de production sont faibles, 30% en dessous de la moyenne du panel d’agris de sa comptable. Ses résultats en rendement sont aussi un peu en dessous de la moyenne de ce même panel, mais la viabilité économique de l’entreprise n’est pas mise en péril.

Le "sous-investissement" ne provoque pas de perte de rendement significativement supérieure à ce qu’il peut encaisser.

Social

  • Le temps de travail a été diminué grâce au SD, il ne passe pas beaucoup de temps dans le tracteur. Il y a quelques périodes de pointe comme tout le monde. Comme il n’a pas beaucoup de matériel sur l’exploitation, il ne passe pas trop de temps non plus à l’entretenir, sauf le semoir de la CUMA car c’est surtout lui qui l’utilise.
  • Avec les changements qu’il a opéré dans son assolement : Introduction de l’escourgeon (Orge d’hiver) et du lin d’hiver qui se récolte plus tôt que le lin de printemps, il peut se dégager du temps pour partir en vacances avec sa famille en fin d’été.
  • Les relations gagnant/gagnant avec d’autres agriculteurs :
    • Depuis cette année, un berger sans terre vient chez lui pour faire pâturer les couverts sur 40ha. Jean-Marie est encore frileux pour faire pâturer les céréales. Aucun échange financier entre eux, l’éleveur lui donne juste un mouton en échange.Il va développer cette pratique et voir pour mettre des prairies temporaires (là il y aura un échange financier).
    • Un apiculteur met 45 ruches, 9 mois sur 12, dans la jachère en échange de 10 pots de miel.
    • Deux éleveurs lui fournissent du fumier en échange de paille ou de luzerne.

Environnemental

  • Après quelques années d’ACS, Jean-Marie constate que la flore a changé dans ses parcelles. Il n’a plus de problème de crucifères (ravenelle, sanve) et il n’a presque plus de vulpin, mais maintenant il a du ray-grass, du séneçon (qui est assez résistant au glyphosate), du géranium, du chardon, de la renouée et du liseron (car il a plus de légumineuses). Le changement de flore est à anticiper en réfléchissant bien sa rotation. Il ne faut surtout pas se dire "oh c’est qu’un petit rond", car l’année d’après ça sera pire.
  • Fongicides : Il a drastiquement réduit les doses sur blé maintenant, car les plantes sont plus vigoureuses et parce qu’il sème aussi moins dense ce qui favorise la circulation de l’air.
  • Régulateurs : Il n’en met plus, les plantes démarrent moins tôt, donc s’étiolent moins car elles n’ont pas à pousser en jours courts, donc sont moins sensibles à la verse.
  • Insecticides : Il en utilise le moins possible et favorise les cultures qui en nécessitent peu.
    • Pucerons : 1 traitement sur orge.
    • Altises : 0 insecticide sur colza car il est semé tôt, donc son stade de développement est trop avancé quand les altises arrivent. Il n’utilise même pas de traitement de semence, car il utilise sa semence de ferme.
    • Méligèthes : S’il doit intervenir c’est avec un produit à base de Tau-fluvalinate qui les rend moins voraces pendant 48h mais qui ne les tue pas.
    • Bruches : Traitement uniquement pour la production de semence sur pois, pour éviter d’en avoir trop.
    • Sitones : 1 traitement sur la luzerne.
  • Au fur et à mesure, Jean-Marie arrive à gommer l’hétérogénéité de ses parcelles grâce au changement de pratiques culturales.


Jean-Marie Noël et le semoir de SD à disques inclinés Weaving. ©JM Noël.

Matériel

  • Semoir SD à disques inclinés Weaving GD 6000 de 6 m en CUMA (qu’il entretient car c’est lui qui l’utilise le plus).
  • Semoir SD à dents : T Drill Guilbart Vironchaux en CUMA (qu’il utilise peu pour le moment).
  • Moissonneuse batteuse : Achetée en commun avec son cousin. Coupe de 6,50 m, ce qui lui permet de faire 25ha / j sans forcer.
  • Pulvérisateur.
  • Tracteur 180 CV de 7 000h, qu’il met à disposition de la CUMA pour l’utilisation du Weaving. Ce tracteur est équipé du Trimble, qu’il met gracieusement à disposition des autres membres de la CUMA.
  • Tracteur 120 CV de 9500h, équipé d’AgOpenGPS, utilisé principalement pour la pulvérisation. Il s’en servait pour semer les betteraves avant.
  • Vieux outils de travail du sol quand il a du tassement, par exemple après la benne à fumier qui marque trop le sol, etc.. et y compris pour lutter contre les campagnols.
  • Déchaumeur à disques indépendants : En commun avec un autre cousin.
  • Pour le triage, il fait appel à un trieur à façon pour le blé. Pour le colza, il fait le tri à la main pour retirer les paillettes de colza, un jour de vent dans sa remorque, au champ, en faisant attention au gaillet. Ça lui prend 2-3h/an pour trier 100 kg de semences.

Investissements

  • Jean-Marie a une stratégie de limitation des coûts. Le gros du matériel est à la CUMA ou en co-propriété, ses tracteurs ont quelques heures derrière le compteur et il va les tirer jusqu’au bout. Grâce au SD ils s’usent beaucoup moins. Il achète peu de semences car il les produit à la ferme et iI n’a pas d’énormes annuités. A quoi bon investir démesurément quand la terre ne va pas répondre de toute façon ?
  • Pour le RTK, il se tourne vers des solutions en open-source afin de limiter les coûts importants du Trimble.
  • Au niveau des aides, la CUMA a fait un dossier PCAE (Plan de Compétitivité et d’Adaptation des Entreprises) pour l'acquisition du matériel de semis direct, mais à titre personnel Jean-Marie n’a perçu aucune aide et n'en a d'ailleurs pas cherché car les MAEC (Mesures Agro-Environnementales et Climatiques) sont contraignantes, et surtout non disponibles sur sa commune.

Conseils

  • ACS : Quand on décide de se lancer dans l’ACS, il ne faut pas le faire seul, il faut s’entourer, profiter de l’expérience d’autres agriculteurs qui se sont lancés avant nous. Il existe de nombreux groupes pour ça. Dans son cas, le groupe Semis Direct Avenir 60 l’a bien aidé.
  • Ag Open GPS : La condition essentielle est d’avoir un véritable investissement personnel au début, il faut vouloir changer. Quand on est pas féru de technologies numériques, ça peut être compliqué de s’y mettre, mais maintenant il existe une vraie communauté autour de cet outil, c’est plus facile de se renseigner. Il ne faut donc pas hésiter à aller voir quelqu’un qui l’a déjà installé et qui est prêt à vous aider. Il y a même un wiki "AOG wiki" qui explique pas mal de choses (il y en a un autre sur le site de l’Agrilab d’Amiens).
  • Commercialisation : Quand on vend en prix ferme, il faut vendre quand le prix est là et ne pas attendre.

Perspectives

  • Nouer le partenariat avec le berger sans terre, pour continuer à faire pâturer les couverts et développer le pâturage des céréales.
  • Essayer le maïs qui n’est pas encore dans la rotation, car il a des bienfaits pour l’ACS. Le risque est qu’il n’y a pas d’irrigation, mais Jean-Marie est prêt à accepter un certain niveau de perte (5-10%) lors des années sèches.
  • Continuer à expérimenter, cet aspect du métier d’agriculteur est essentiel, sinon on stagne et on s’ennuie.
  • Essayer d’utiliser l’outil Ag Open GPS pour la fertilisation aussi, pour moduler les doses, s’il trouve les bonnes cartographies. Mais ce sont des investissements lourds, sans trop de retours sur investissement fiables

Pour aller plus loin

Sources

Entretiens avec Jean-Marie Noël réalisés les 25 et 26 mars 2024.

Annexes





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