Logo MSV Normandie officiel.png

Projet FertiBioSol - Fertilisation Carbonée Massive

De Triple Performance
Aller à :navigation, rechercher

LOGO 2.png

Région.jpg

L'objectif du projet FertiBioSol est de proposer des repères technico-économiques sur les itinéraires d’intrants carbonés massifs et de fertilisation à l’échelle de l’exploitation voire du territoire. Cette partie intrants carbonés massif illustre, au travers de deux essais chez des maraîchers, la stratégie d'intrants carbonés massifs.

Les résultats s’adressent principalement aux producteurs de légumes en agriculture biologique ou en conversion et aux futurs maraîchers.

UE.jpg


Contexte de la mise en œuvre

Contexte du projet

Agence de l'eau2.png

Dans le cadre d’un précédent appel à projet (PEI, appel à projets 2017), trois structures partenaires se sont organisées autour du projet SOCLE Innovation AB afin d’expérimenter et de diffuser des techniques innovantes adaptées aux exploitations maraîchères et légumières normandes.

Le projet FertiBioSol s’inscrit dans la continuité de SOCLE Innovation AB sur la thématique de gestion de la fertilité biologique des sols en proposant une échelle de travail plus large qui se situe à l’échelle de l’exploitation et s’inscrit dans une approche prophylactique de gestion des ravageurs.


Objectifs du projet

L’objectif de ce projet est de proposer des repères technico-économiques sur les itinéraires d’intrants carbonés massifs et de fertilisation à l’échelle de l’exploitation voire du territoire. Les résultats s’adressent aux producteurs de légumes normands en agriculture biologique ou en conversion et aux futurs maraîchers.

Les actions proposées dans le cadre de ce projet émanant de constats de terrain répondent à plusieurs thématiques prioritaires mentionnées dans le Partenariat Européen pour l’Innovation.

En particulier, sur le volet de la préservation de l’environnement et de l’anticipation au changement climatique, les actions testées porteront sur la restauration et l’entretien de la fertilité biologique du sol.

L’enjeu est d’atteindre la résilience du système de production face aux aléas climatiques et à la pression constante des maladies et ravageurs. Par ailleurs, sur le volet économique et technique, les systèmes de production testés s’inscrivent dans une démarche de maîtrise des coûts de production notamment par une recherche d’autonomie en fertilisation et une réduction des charges liées aux choix techniques.


Sol vivant et fertilisation carbonée massive

Pour s’adapter dans ce contexte, les producteurs de légumes normands ont besoin d’intégrer des innovations dans leur système de production. La bonne gestion de la fertilité du sol est l’un des fondements des systèmes en agriculture biologique et résiliente. Cela concerne, entre autres, la fertilité biologique qui est basée sur la biodiversité des organismes vivants des sols et se présente comme l’un des leviers d’action de la gestion des maladies et des ravageurs, de la limitation des intrants et de l’atténuation du changement climatique. Cela permet également de limiter l’utilisation de fertilisants du fait de la fertilité naturelle de ces sols. La gestion de l’eau est également facilitée dans ces sols, la matière organique jouant l’effet d’une éponge restituant ou captant l’eau en fonction des conditions climatiques (Chenu et al., 20001[1]). Enfin des sols riches en matières organiques et en biodiversité ont une capacité importante à capter du carbone, et donc à lutter contre les changements climatiques.

Des systèmes de production innovants ont recours aux apports massifs de matières organiques dans le but de restaurer et d’entretenir l’état organique des sols. Il s’agit notamment d’itinéraires basés sur un apport carboné massif ponctuel. D’autres systèmes innovants

valorisent la ressource en herbe comme fertilisant organique sous la forme de mulch d’herbe dans le but d’entretenir la fertilité organique des sols, d’améliorer l’autonomie azotée de l’exploitation et de réduire les opérations de désherbage. Ces deux voies peuvent s’associer pour assurer le passage d’une faim d’azote lors d’un apport carboné massif (majoritairement composé de broyat de déchets verts, C/N > 25), et lorsque la mise en production doit être effectuée rapidement. Dans une perspective où la production peut être envisagée l’année suivante, un couvert végétal vivant peut être implanté après l’intrant carboné.

Dans ce rapport, il s'agira de documenter plus particulièrement les stratégies de fertilisation carbonées massives qui permettent notamment d’augmenter la fertilité, de diminuer le temps de désherbage, d’améliorer la gestion de l’eau, des maladies et des ravageurs

et de développer des services écosystémiques.


Méthode, outils et indicateurs utilisés

  • Test VESS (évaluation visuelle de la structure des sols).
  • Mesure des nitrates.
  • Activité biologique des sols.
  • Degré Brix.
  • Rendement.

Plus de détails en dessous


Présentation des essais

L'Oasis du désert - intrant massif de matière carbonée pour améliorer la fertilité du jardin

Contexte

L’essai a lieu au GAEC de l’Oasis du désert, sur la commune Le Château d'Almenêches (61570) au cœur du bocage Ornais. Installée depuis 2017, sur 2,4 ha dont 1 ha en culture, Morgane Fournier est maintenant associée à Marc Guilloussou depuis 2021. Pour plus d’informations sur la ferme : Portrait de ferme l’Oasis du désert

Historiquement la parcelle étudiée dans le projet était en céréales et non labourée (arrêt du labour il y a 15 ans environ). Elle se compose de 10 jardins de 12 planches chacun (60m² par planche = 50m de long pour 1,2m de large) soit 7200m² en plein champ plus 1100m² de serres et 1500m² de serres installées en 2022. La parcelle est bien orientée (plein sud) et assez bien protégée du vent. La texture du sol est argilo-limoneuse (>30% argile) sur une roche mère de marne calcaire avec 25 à 30cm de terre végétale et un taux de matière organique initial de 4,9% en mars 2021.

Analyse de sol l'Oasis du désert


Les sols de la ferme sont peu profonds et ont une réserve utile assez faible. De par leur texture, ce sont des sols difficiles à travailler, ils prennent en masse facilement et se dessèchent très rapidement. De plus, des risques de chlorose sont à craindre sur les cultures.

Dans ce contexte, Morgane et Marc souhaitent augmenter la fertilité et le taux de matière organique de tous leurs jardins. Pour ce faire, ils ont choisi de réaliser des intrants massifs sur chaque jardin à tour de rôle. Chaque année, un intrant est réalisé sur l’un des jardins.

Les intrants massifs de matière organique sur des sols argileux ne sont pas forcément simples à réaliser, la matière est digérée moins vite par le sol qui en plus de cela se réchauffe moins vite. Dans ce contexte, il est important de réaliser l’intrant sur un sol ressuyé, chaud et lorsque l’activité biologique est en route (par exemple début d’automne ou fin de printemps).

L’essai a été réalisé avec la matière organique à disposition de Morgane et Marc, à savoir du fumier de cheval (issu des centres équestres), du fumier de poule (issu de l’élevage du voisin), du compost et du broyat (acheté dans les plateformes locales).


Protocole

Une planche de culture = 1x50m = 50m². L’essai comprend 12 planches, soit 600m² en culture.

Un planche de culture avec passe-pieds = 1,4 x 50 = 70m² soit 840m² pour les 12 planches.

Le précédent des 12 planches est pomme de terre (2020).

L’intrant massif est séparé en deux modalités :

  • T1 = 4 planches - fumier de volaille.
  • T2 = 8 planches - sans fumier de volaille.

Une planche sur 3 a reçu une dose supplémentaire de fumier de volaille.

Schéma essai Oasis du désert
Date apport intrant massif 5 mars 2021
Quantités apportées de matière organique Broyat

1 600 kg/planche 70m² → équivalent 229 t/ha


Les planches 3, 6, 9 et 12 ont reçu du fumier de volaille

450 kg / planche 70m² → eq. 64 t/ha de fumier de volaille

Incorporation T1 Début mai 2021
Incorporation T2 1er juin 2021
Outil incorporation Rotavator avec 2 passages à 10 cm de profondeur
T1 Incorporation + semis engrais vert à la volée + roulage
T2 Incorporation + semis engrais vert à la volée + roulage à la croskillette
Engrais vert Base Blé hiver + trèfle incarnat + trèfle d'Alexandrie + vesce

T1 : 7 kg blé (un sceau) pour les 4 planches (350 kg/ha)

T2 : 7 kg de blé (un sceau) pour les 8 planches (175 kg/ha)

Engrais vert T1 Irrigation au gardena (~7mm)
Engrais vert T2 Pluie juin 2021 (140 mm au total sur le mois)
Octobre 2021 L'engrais vert n’a pas du tout levé.

Broyage des plantes spontanées (laiteron, un peu de sorgho).

1er octobre, épandage de fumier de cheval avancé sur toutes les planches. 600kg/planche → équivalent 86 t/ha.

Bâchage début novembre jusqu’en mai.

10 février 2022 Prélèvement de sol pour suivi nitrate et activité biologique.

Test VESS = évaluation visuelle de la structure du sol.

Prélèvement du fumier de cheval épandu en octobre.

Mi-mars 2022 Mise en culture des planches à partir de mi-mars.

Radis, navet, fève, mâche, épinard, betterave, chou-rave, oignon blanc, pomme de terre primeur.

Apport de digestat de restes alimentaires (0,2 unité d’azote par kilogramme de digestat, soit 200 g d’azote) sur pomme de terre, épinard, mâche et betterave.

12 mai 2022 Prélèvement de sol pour reliquat d’azote.

Prélèvement du fumier de volaille pour analyse.

Test VESS = évaluation visuelle de la structure du sol.

Mesures de Brix sur les cultures en place.

Description des itinéraires des cultures en place.

Calendrier essai Oasis du désert


Les semis sauvages gestion de l’enherbement par apport de matière organique carbonée

Contexte

En permaculture vivrière depuis 2014, Pierre-Xavier s’installe officiellement en février 2018 sur 2ha. Il réalise des intrants massifs de broyat de déchets verts dès son installation pour remonter le taux de matière organique et la fertilité de son sol. Pour plus d’informations : le portrait de la ferme des Semis Sauvages.

Sur la parcelle suivie, un intrant massif a été réalisé en 2019. Le sol est limono-sableux avec au début de l’essai plus de 11% de matière organique. L’enjeu n’est plus ici de remonter le taux de matière organique mais de le maintenir, d’exploiter la fertilité du sol et de gérer l’enherbement. L’objectif de cet essai était donc de gérer l’enherbement à l’aide de mulch carboné. Trois grandes modalités ont été testées : pas de travail du sol et apport de compost, travail du sol au chisel et travail du sol à la herse rotative.  


Protocole

En 2019 un intrant massif de copeaux de bois mélangés à du crottin de cheval a été réalisé sur la parcelle de test. A l'issue de cet intrant massif le taux de matière organique est à plus de 11%. Des haricots sont mis en culture en 2020 sur la parcelle, s'ensuit un bâchage pour l’automne et l’hiver. Au printemps 2021, les trois modalités de test sont déterminées. Afin de tester la capacité d’un intrant carboné à limiter le temps de désherbage, une modalité apport de compost sans travail du sol est testée ainsi qu’une modalité travail du sol au chisel et une modalité travail du sol à la herse rotative (cf schéma). Les 3 modalités ayant été bâchées relativement longtemps, elles sont toutes les 3 propres au printemps 2021, avant la mise en place des différentes modalités.

Schéma essai Les semis sauvages

Après le débâchage au printemps 2021 4 à 6 cm de compost sont apportés à l'épandeur sur la parcelle compost, soit environ 350 t/ha. Les parcelles chisel et herse sont respectivement travaillées avec l’outil en question. Les cultures sont implantées dans la foulée. Une fois les cultures terminées, les parcelles sont laissées en enherbement spontané tout l’hiver. Des bâches sont appliquées en fin d’hiver 2022 pour une nouvelle mise en culture au printemps 2022.


Résultats

L'Oasis du désert

Coût de l’intrant massif, rapporté à l’hectare

Modalité T1

Sans fumier de volaille

Modalité T2

Avec fumier de volaille

Matière organique Quantité  t/ha Coût €/t Coût épandage et intégration €/ha   Coût total à l’hectare €/ha Quantité  t/ha Coût €/t Coût épandage et intégration €/ha   Coût total à l’hectare €/ha
Broyat déchets verts 229 50 230 11 450 229 50 230 11 450
Fumier de volaille 64 0 0
Fumier de cheval 86 0 0 86 0 0
Totaux : 315 t/ha 50 €/t 230€ 11 680€ 530 t/ha 50 €/t 230€ 11 680 €

Le coût d’un intrant massif peut énormément varier en fonction des circuits d’approvisionnement. La meilleure matière organique reste celle qui est gratuite. En fonction de ses opportunités et de ses relations il est souvent possible d’avoir accès à de la matière organique pas chère comme par exemple pour le fumier de volaille et de cheval pour l’Oasis du désert. Globalement ce qui coûte cher avec la matière organique c’est la livraison. Faire des intrants massifs et donc se faire livrer de grosses quantités permet de réduire les coûts. Le broyat de déchets verts est beaucoup utilisé lors d’intrants massifs car pas très cher, relativement accessible (en plateforme de compostage) et avec une bonne capacité à remonter le taux de matière organique des sols. Cependant les prix sont en train de monter. Par exemple l’intrant massif sur la parcelle de 600m² au GAEC du désert aura coûté environ 1 000€.


Caractéristiques des matières organiques apportées

Tableau des caractéristiques des matières organiques apportées, issues des analyses réalisées au laboratoire LANO. * Les valeurs de K1 (taux d'humus présent) sont approximatives et peuvent varier d’une source à l’autre, la méthode permettant de définir cette valeur étant longue (plusieurs années) et coûteuse **Chambre d’agriculture Occitanie [2]
C/N Taux de matière sèche (%) Azote total (g/kg de matière sèche) K1* (%)
Broyat de déchets verts 124 41 3,8 ~50
Fumier de volaille 9,6 77,8 39 5 à 10**
Fumier de cheval 11,5 60 28 30 à 50


Incorporation de l’intrant massif

L’intrant massif a été fait et incorporé au printemps 2021. Les intrants massifs peuvent aussi être réalisés à l’automne, mais ce qu’il faut retenir c’est qu’il faut faire un intrant lorsque les bonnes conditions sont réunies. À savoir qu'il faut que le sol soit suffisamment :

  • Ressuyé pour pouvoir entrer sur les parcelles avec les engins d'épandage et d’incorporation.
  • Humide pour que la vie du sol puisse digérer la matière apportée.
  • Chaud pour que la vie du sol soit active et puisse digérer la matière organique apportée.

Les conditions optimales sont donc souvent au printemps et/ou à l’automne (en fonction des sols). L’hiver et l’été sont défavorables aux intrants massifs de matière carbonée car la vie des sols n’est pas assez active à ces moments-là.

Il est conseillé d’incorporer un intrant massif de matière carbonée pour que celle-ci soit dégradée plus vite. L'incorporation de telles quantités de carbone entraîne une faim d’azote de plusieurs mois, les micro-organismes mobilisant l’azote disponible pour dégrader le carbone incorporé. Si l’on veut une mise en culture rapide après l'apport, il est conseillé d’apporter une source d’azote rapidement disponible.

Dans des sols lourds comme ceux de l’essai et afin de mieux intégrer la matière organique et faciliter la descente de la matière organique dans l’horizon, l’utilisation d’une dent ou sous-soleuse aurait eu un effet bénéfique. Cela n’a pas été anticipé lors de cet essai.

Epandage du broyat de déchets verts le 5 mars 2021 à l’épandeur
Broyat de déchets verts épandu au GAEC de l’Oasis du désert


L’engrais vert

Un engrais vert a été semé juste après l’incorporation de l’intrant massif. L’objectif de cet engrais vert était de couvrir le sol et surtout de structurer le sol grâce aux racines du couvert. Cependant l’engrais vert n’a pas levé et les adventices ont aussi eu du mal à sortir, certainement du fait de la faim d’azote trop sévère engendrée par l’apport massif de matière carbonée. C’est en tout cas l’analyse qui a été faite sur le moment. Il a donc été décidé de broyer les plantes spontanées et d’apporter du fumier de cheval pailleux et de bâcher le tout pour combler la faim d’azote pour les cultures du printemps à venir.


Indicateurs de suivi de la fertilité des sols

Taux de matière organique

Deux analyses du taux de matière organique ont été faites, l’une juste avant l’intrant massif le 5 mars 2021, et une autre un an après, avant la mise en culture des planches le 28 mars 2022. Le taux de matière organique était de 4,9% en mars 2021 et de 6,8% en mars 2022, pour un gain de 1,9% de matière organique. Selon la méthode du bilan humique (voir exemple du paragraphe méthode du bilan humique) le taux de matière organique théorique estimé à la suite de l’intrant massif était de 6,6%, ce qui correspond à l’ordre de grandeur. Le gain de matière organique suite à cet intrant massif carboné est donc bien réel.

Si l’on se réfère aux travaux de Pascal Boivin sur le rapport MO/Argile, au Gaec de l’Oasis du désert ce rapport MO/Argile était de 15% avant l’intrant massif, soit une structure mauvaise, et est passé à 21%, soit une bonne structure après l’intrant massif. Le sol a donc gagné en fertilité (meilleur taux de matière organique) et en structure (meilleur rapport MO/Argile).


Structure du sol : test VESS

La structure du sol est aussi appréciée grâce à un test bêche et à l’utilisation de l’échelle VESS. Au 10 mai 2022 le sol avait une structure sur l’échelle VESS de 2 à 2,5. La note de 2 correspond à une bonne structure. Le sol est plus compact sur les premières planches que sur les dernières. Globalement le sol bien que lourd et riche en argile ne semble pas trop compacté. La structure peut encore être améliorée en particulier sur les premières planches et la structure du sol aurait sûrement gagné en qualité si l’engrais vert de 2021 avait levé. On note également que la structure est meilleure sur les premiers centimètres de l’horizon, là où la matière organique de l’intrant massif a été incorporée et digérée. Il faudra encore un peu de temps pour que la vie du sol descende cette matière organique et que la structure du sol gagne aussi en qualité en profondeur.

Test bêche février 2022


Les agrégats sont arrondis et de tailles diverses. Il y a présence de macroporosités et les racines arrivent à se développer dans les agrégats et pas seulement dans les macroporosités. Cependant, le taux d’argile étant important, le sol reste lourd, et les mottes restent relativement bien liées entre elles.


Nitrates

Les nitrates (NO3-) ont été suivis grâce au testeur LAQUATwin selon la méthode décrite, à deux reprises au cours de l’essai le 4 juin 2021 et le 21 octobre 2021. Pour les mesures du 10 février 2022, elles sont issues d’analyse de reliquat azoté (LANO). Les valeurs obtenues au testeur Laquatwin et à l’analyse sont cohérentes. Ces relevés de sortie d’hiver peuvent permettre d’avoir une idée du niveau de reliquat d’azote (sans compter la fraction ammonium des reliquats d’azote).

Ce que l’on remarque au premier abord c’est le niveau élevé de nitrates dans les sols, que ce soit en 2021 ou en 2022. Sur cette période là, les reliquats d’azote en grandes cultures sont plutôt entre 20 à 70 kg/ha. D’après ces résultats ils sont donc 10 fois supérieurs ce qui laisse donc penser que le niveau de nitrates dans les sols est élevé et largement suffisant pour le développement des légumes à venir.


Evolution de la quantité de nitrates en kg-ha sur les 30 premiers centimètres.png
Evolution de la quantité de nitrates en mg-kg sur les 30 premiers centimètres.jpg


Activité biologique

L’activité biologique a été mesurée à l’aide du Microbiometer selon la méthode décrite. Cet instrument de mesure permet en particulier de mesurer la masse de carbone microbien dans le sol. Les mesures ont été faites trois fois, en juin 2021, en octobre 2021 et en février 2022. On peut voir sur les graphiques que la biomasse microbienne des sols a été plus importante en octobre 2021 qu’en juin 2021 et février 2022. Cela peut s’expliquer par des conditions climatiques favorables au développement des microorganismes et à la présence de matières organiques à décomposer dans les sols suite à l’apport carboné. En juin, les mesures sont plus basses qu’en octobre, entre autres car il faisait sec, ce qui n’a pas favorisé le développement des microorganismes.

Sur les trois mesures réalisées, la modalité sans fumier a une biomasse microbienne plus importante que la modalité avec fumier.

Dans tous les cas, le niveau de biomasse microbienne est supérieur à 200 mgC/g Sol, soit un niveau moyen. Il est souhaitable d’atteindre 600 mg C/g Sol dans les parcelles agricoles, soit un niveau proche du fonctionnement d’une prairie naturelle (1 200 mgC/gSol), ce qui s’est vérifié dans une parcelle en maraîchage sur sol vivant (Jardin des Peltier 27).

Le Microbiometer permet également de quantifier les ratios champignons/bactéries. Globalement les résultats ont été stables d’une année sur l’autre avec un ratio moyen de 0,8:1, soit 45% de champignons pour 55% de bactéries.

Evolution de la biomasse microbienne en microgramme de carbone microbien par gramme de sol.jpg


Les cultures

Au Gaec de l’Oasis du désert les premières cultures de l’essai ont été mises en place en mars 2022. Une visite en mai 2022 permet de juger du potentiel de ces cultures sans pour autant pouvoir en tirer toutes les conclusions, les cultures étant toujours en cours.

Le jardin sur lequel a eu lieu l’essai était destiné en 2022 à produire des légumes primeurs. Le jardin a été bâché d'octobre 2021 à début mars 2022. Le rotavator a alors été passé sur 3 à 4 cm pour réchauffer le sol.

Globalement les légumes semés n’ont pas levé (radis et navet), le lit de semence n’était pas assez fin et le sol pas assez chaud.

Les légumes plantés (mâche, épinard, betterave, chou rave, oignon blanc, fève, pomme de terre primeur) s’en sont mieux sortis et sont pour le moment en bonne santé (sauf une attaque de pucerons sur fèves) sans pour autant que cela ne soit très poussant. Tout a été fait sur sol nu (sauf les pommes de terre sur bâche plastique) et non pas sur paillage pour réchauffer plus vite le sol. Un apport de digestat de restes alimentaires (0,2 unité d’azote) a été fait sur certains légumes.

Après le débâchage, il semblerait que les passe-pieds n’aient pas été correctement retrouvés et les nouveaux passe-pieds ont été décalés par rapport aux anciens. En conséquence, sur chaque planche de légumes, une moitié de la planche est sur les anciens passe-pieds, avec un sol beaucoup plus compacté. La différence de développement est assez nette entre les deux parties des planches.

Oignons blancs avec un retard de développement sur la partie gauche de la planche dû au tassement car plantés sur les anciens passe-pieds.

Des analyses Brix ont été faites sur fève (7°Brix), épinard (4°Brix) et pomme de terre (4,5°Brix), mais le manque de données comparatives sur ces cultures empêche de pouvoir faire des comparatifs.

Une rapide estimation de rendement sur pomme de terre à été faite au 21 juin avec 5 kg au m².


Conclusion essai au Gaec de l’Oasis du désert

Le souhait d’améliorer la fertilité des sols à court terme au GAEC de l’Oasis du désert a été concluant : l’apport carboné massif réalisé en mars 2021 a permis de faire monter le taux de matière organique des sols de 1,9 points (4,9% en mars 2021 et 6,8% en mars 2022). Les calculs prévisionnels de gain d’humus par l’outil du bilan humique étaient donc fiables.

Les tests VESS de 2022 montrent que l’activité biologique des sols est présente, puisque le brassage de la matière exogène a été réalisé en particulier sur les premiers centimètres de l’horizon. La porosité et la structure de ce nouveau sol est très prometteuse pour les prochaines années. Les analyses d’activité biologique montrent que celle-ci est correcte à bonne sur la durée de l’essai, et ce même durant l’hiver. Ce qui permet d’appuyer les résultats visibles avec les tests VESS de 2022.

Les mesures de nitrates dans les sols nous indiquent qu’ils sont correctement pourvus en nutrition azotée pour les cultures de 2022. Aucune faim d’azote n’a été observée sur les cultures en place au printemps 2022.


Quelques points de vigilance sont toutefois à noter : l’incorporation des intrants massifs carbonés dans les sols est responsable d’une faim d’azote marquée, d’autant plus si la population de vers de terre n’est pas suffisante. Cette constatation est à mettre en lien avec l’échec de l’engrais vert de 2021. Ainsi, le suivi azote dans les parcelles est un indicateur important pour la mise en culture, afin de piloter la fertilisation azotée. D’autre part, un point d’attention sera apporté dès la saison de culture 2022 sur les adventices présentes sur la parcelle, ce qui pourra témoigner de signes agronomiques divers (compaction, …).


Aussi, on se rend compte que l’un des enjeux dans ce type de sols est de réussir à faire descendre la matière organique dans l’horizon, ce qui prend du temps avec l’activité biologique.


Les semis sauvages

Coût de l’intrant massif

Pierre-Xavier ne travaille qu’avec de la matière organique gratuite qu’il arrive à obtenir dans son entourage. Il récupère notamment du broyat de déchet vert (transport à sa charge), il récupère du copeau de bois assez fin chez un artisan et du fumier chez des voisins.


Caractéristique des matières organiques apportées

Tableau des caractéristiques des matières organiques apportées issues d’analyses réalisées en laboratoire (LANO) * Les valeurs de K1 sont approximatives et peuvent varier d’une source à l’autre, la méthode permettant de définir cette valeur étant longue (plusieurs années) et coûteuse
C/N Taux de matière sèche (%) Azote total (g/kg de matière sèche) K1* (%)
Broyat de déchets verts 83 31 5,5 ~50
Compost 12,6 63 15,7 ~50


Indicateurs de suivi de la fertilité des sols

Les nitrates

Les nitrates (NO3-) ont été suivis grâce au stylet LAQUATwin selon la méthode décrite, à deux reprises au cours de l’essai le 10 avril 2021 et le 10 février 2022. Ces relevés de sortie d’hiver peuvent permettre d’avoir une idée du niveau de reliquat d’azote (sans compter la fraction ammonium des reliquats d’azote).

Ce que l’on remarque au premier abord c’est le niveau élevé de nitrates dans les sols, que ce soit en 2021 ou en 2022. Sur cette période là, les reliquats d’azote en grandes cultures sont plutôt entre 20 à 70 kg/ha. D’après ces résultats ils sont donc 10 fois supérieurs. Afin de vérifier ces résultats, nous avons réalisé une analyse laboratoire de reliquats d’azote.

Evolution de la quantité de nitrates en kg-ha.jpg


Ces analyses reliquats d’azote ont été faites au 13 mai 2022. A cette période la minéralisation de l’azote a déjà repris, les résultats sont donc à interpréter en conséquence. Ces analyses montrent des résultats bien différents. D’après les analyses laboratoire le niveau de nitrates dans les sols restent élevés, en particulier sur la modalité "Herse" mais sont moins importants que selon la méthode des stylets Laquatwin.

Ces résultats laissent donc penser que le niveau de nitrates dans les sols est élevé et largement suffisant pour le développement des légumes à venir. Ils laissent également penser que les méthodes de quantification des nitrates restent d’une précision modérée, en particulier à l’aide des stylets d’analyse. Les échantillons doivent être traités tout de suite, au champ. Dans ce cas précis, les échantillons ont été traités au bureau, après retour des visites. Les échantillons peuvent alors avoir le temps de minéraliser et les résultats peuvent être faussés.

Quantité de nitrates en kg-ha sur les 30 premiers centimètres selon analyse laboratoire.jpg


Activité biologique

L’activité biologique a été mesurée à l’aide du Microbiometer selon la méthode décrite. Cet instrument de mesure permet en particulier de mesurer la masse de carbone microbien dans le sol. Les mesures ont été faites deux fois, en avril 2021 et en février 2022. On peut noter une baisse de la masse de carbone microbien dans les 3 parcelles (compost, chisel et herse) février 2022 par rapport au printemps 2021, sans pouvoir dire si cette baisse est significative statistiquement parlant ou non. Il est difficile de déterminer si cette baisse provient d’une pratique agricole ou simplement du fait que la mesure de 2022 a été faite en février, période à laquelle les sols sont encore froids et où l’activité biologique est encore au ralenti, et celle de 2021 en avril, période où l’activité biologique commence à reprendre.

On note aussi que la diminution semble moins importante là où il y a eu un apport de compost et absence de travail du sol (sans pouvoir l’affirmer statistiquement parlant). Il semblerait donc que l’apport de compost ou alors l’absence de travail du sol ou encore les deux combinés aient permis de limiter la diminution de la masse de carbone microbien.

D’après les échelles de biomasse microbienne dans les sols cultivés, le niveau de biomasse microbienne était haut en avril 2021 et il est moyen en février 2022, sans savoir si ce niveau va remonter au cours de la saison.

Le Microbiometer permet également de quantifier les ratios champignons/bactéries. Globalement les résultats ont été stables d’une année sur l’autre avec un ratio moyen de 0,6:1, soit 40% de champignons pour 60% de bactéries.

Evolution de la biomasse microbienne en microgramme de carbone microbien par gramme de sol2.jpg


Structure du sol

La structure du sol est appréciée grâce à un test bêche et à l’utilisation de l’échelle VESS. Au 13 mai 2022, les sols ont une structure relativement bonne, les notes attribuées sont de 2,5 pour les parcelles compost et herse et de 1,5 pour la parcelle chisel. Les agrégats sont plus anguleux sur les parcelles compost et herse que sur la parcelle chisel. Les agrégats se désagrègent bien sur les 3 parcelles. Le sol semble bien avoir intégré la matière organique bien qu’encore en cours de digestion. Les macropores sont bien présents. Les parcelles n’étant pas en culture au moment de la visite, il est difficile de déterminer si les racines arrivent à se développer dans les agrégats.


Evolution des analyses de sol

Une analyse de sol a été réalisée sur la parcelle test en octobre 2020 et deux autres analyses ont été faites en mai 2022, l’une sur la modalité compost et l’autre sur la modalité chisel.

En 2020 le taux de matière organique était de 11,73% sur la parcelle. En mai 2022 il était de 9,72% sur la modalité compost et de 7,08% sur la modalité chisel. Le travail du sol au chisel semble donc avoir fait perdre 4,65 points de matière organique, quand l’apport de compost a permis de limiter cette perte de matière organique à 2,01 points.


En ce qui concerne la capacité d’échange cationique (CEC), le même schéma semble se dessiner, une perte entre 2020 et 2022 mais beaucoup moins importante sur la modalité compost. Elle est passée sur la modalité compost de 25, cmol/kg à 20,7 cmol/kg alors qu’elle a chuté sur la modalité chisel à 16,5 cmol/kg.


Le rapport C/N du sol était de 12,2 en 2020 ce qui correspond à un sol équilibré, matière organique étant digérée. En 2022 ce rapport est respectivement de 11,5 et 11,8 pour la modalité compost et la modalité chisel. Le sol est donc toujours stable et la matière a été digérée.

On note donc que le sol est toujours riche en matières organiques et avec une bonne réserve en nutriments, cependant ces indicateurs sont en baisse comparé à 2020 avec une baisse plus marquée pour le sol travaillé. On peut expliquer cette baisse générale des indicateurs par rapport à 2020 par le fait qu’en 2020 le sol sort tout juste d’un intrant massif ayant fortement remonté le taux de matière organique et la fertilité. Entre 2020 et 2022 on peut supposer que cette fertilité continue à se diluer dans les horizons du sol. Enfin la baisse plus marquée des indicateurs sur le sol travaillé vient très probablement du travail du sol justement, qui engendre une minéralisation plus rapide et souvent des bilans humiques négatifs.

Evolution des analyses de sol sur la parcelle d’essai entre 2020 et 2022
Parcelle octobre 2020 Modalité compost printemps 2022 Modalité chisel printemps 2022
Taux de matière organique (%) 11,73 9,72 7,08
CEC (cmol/kg) 25,2 20,7 16,5
Rapport C/N 12,2 11,5 11,8


Suivi de l’enherbement

L’enjeu principal de cet essai était de voir si l’apport de matière carbonée, en plus de maintenir la fertilité, permet de réduire le temps de désherbage comparé à des itinéraires avec travail du sol. C’est essentiellement à l’appréciation du maraîcher que cet indicateur a été suivi.

Sur la modalité compost, il n’y a pas eu de désherbage réalisé en cours de culture. Pour les carottes, l’épaisseur de compost était de 6 à 9 cm. Pour les autres cultures l’épaisseur était de 4 à 6 cm.

Dernières carottes réalisées sur compost au 10 février 2022

Malgré l’absence de désherbage pendant la culture de carottes, la planche reste très propre en fin de culture.

Au contraire, sur les modalités chisel et herse, l'enherbement a été plus problématique. Il y a eu quelques désherbages manuels en début de cultures mais pas suffisamment et pas par la suite, principalement par manque de temps. Les planches en fin de culture étaient donc relativement enherbées et des adventices ont monté à graine. L’enherbement a été similaire sur les deux modalités et le maraîcher n’a pas noté de différence entre les deux modalités.

Le producteur a décidé de bâcher les planches avec travail et qui étaient enherbées pour la fin de l’hiver et le début du printemps et prévoit des semis sur compost pour le printemps 2022.


Conclusion essai à la ferme des semis sauvages

En conclusion sur l’essai aux Semis Sauvages, on note que l’utilisation de compost en paillage a permis dans ce contexte de mieux limiter l'enherbement qu’un travail du sol initial, qui est en plus de cela assez chronophage en cours de saison. L’apport de compost semble aussi avoir mieux préservé la fertilité du sol que le travail du sol. En matière de rendement et de maladies, il n’y a pas eu de grandes différences notées par le maraîcher, excepté lorsqu’il n'avait pas pu empêcher l’enherbement de prendre le dessus sur la culture sur les modalités travaillées. Le maraîcher semble satisfait de cette méthode, cela lui permet de réussir ses semis et de considérablement limiter le temps de désherbage.

Des questions restent toutefois sans réponse concernant cette méthode d’apport de compost. Notamment quant à la qualité et la nature des composts à utiliser. Tous les composts ne sont pas de la même qualité et n’ont pas les mêmes propriétés. Plus ils sont compostés, plus ils sont intéressants pour réaliser des semis de précision (exemple pour la carotte) mais moins ils nourrissent le sol. Moins ils sont compostés, moins ils permettent de réaliser des semis de précision mais plus ils nourrissent le sol. L’utilisation de composts avancés sur le long terme pourrait poser les mêmes problèmes qu’avec l’apport d’engrais azotés, à savoir diminution de la vie du sol et donc tassement des sols et donc perte de fertilité naturelle des sols.


Conclusion et perspectives

La gestion de la fertilité des sols par les intrants carbonés massifs est une méthode efficace pour les maraîchers diversifiés sur petite surface. En effet, les coûts hectare peuvent être très importants car les quantités utilisées sont de l’ordre de plusieurs centaines de tonnes, mais ramenés à la surface à amender (quelques centaines de m²), le chantier est tout à fait réalisable.

L’effet "fertilisation" de ces intrants massifs carbonés est vérifié puisque les indicateurs de bonne santé des sols et de fertilité sont très corrects (taux de matière organique, C/N de l’humus, CEC etc…). De plus, la structure du sol est améliorée, et cela l’est d’autant plus que des racines vivantes sont présentes dans les sols au moment de l’intrant massif.

Concernant la gestion du désherbage par des mulchs carbonés, comme le compost, nous avons vu chez Pierre Xavier l’efficacité de cette technique. Les caractéristiques de certains composts permettent à la fois de nourrir les plantes et à la fois de couvrir les sols, ce qui limite les levées de dormances d’adventices. Son expérience lui a appris à mettre suffisamment de compost, plus de 5 cm, pour avoir une bonne efficacité du mulch compost sur les adventices.


Tout l’enjeu réside maintenant à maintenir le taux de fertilité acquis grâce aux intrants massifs carbonés : des analyses de sol doivent être régulièrement réalisées pour suivre le taux de matière organique, en lien avec la CEC des sols. Pour maintenir ces taux importants de fertilité, les maraîchers devront apporter en routine, des mulchs organiques pour nourrir les sols : mettre des matières carbonées pour activer la vie biologique et en tirer toutes les conséquences positives (structure, infiltration, porosité, …).


Un autre enjeu réside dans l’autonomie en matière organique. En effet, des tensions sur l’approvisionnement et des hausses de prix commencent à se faire sentir sur les matières organiques. Les maraîchers sentent bien qu’il y a un intérêt à gagner en autonomie sur les matières organiques pour éviter de manquer, pour limiter les charges mais aussi pour boucler le cycle de fertilité sur leur ferme. Des pistes intéressantes sont actuellement travaillées sur les engrais verts et les rotations sur prairies.


Annexes





  1. Chenu et al. (2000), Organic Matter Influence on Clay Wettability and Soil Aggregate Stability, Soil Science Society of America Journal, vol. 64, N°4, pp 1479-1486.
  2. Une faible disponibilité en fientes bio en Provence-Alpes-Côte d’Azur [1]
Partager sur :