Implantation de couverts d'interculture et permanents en grandes cultures par Grégory Vallée

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Nous allons aborder lors de ce retour d'expérience le cheminement de Grégory Vallée dans la mise en place du semis direct l’utilisation de couverts végétaux (permanents et temporaires) dans son système en grandes cultures, notamment entre son colza et son blé). Nous verrons comment ces couverts s’intègrent dans sa rotation, quels sont ses itinéraires techniques sur ses cultures et quels sont les effets constatés actuellement du changement de pratiques sur sa ferme.

Données de contexte

  • Nom de la ferme : LE JUEF
  • Agriculteur : Grégory Vallée
  • SAU : 155 ha
  • UTH : 1
  • Texture du sol : Limons battants sur sous-sol argileux, terres labourables drainée à 100%.
  • Taux de MO : 1,6 - 1,8 % (analyses d'il y a deux ans) ; Grégory explique que pour l'instant "sur 20 cm de terre il n'y a pas d'augmentation du taux de matières organiques".
  • Productions : Colza, Maïs, Pois, Féverole, Lupin, Blé, Orge, Vaches allaitantes (une 12aine de mères , bâtiment hors-sol de veaux d'engraissement).
  • Label : Aucun.
  • Modes de commercialisation : Négoce, commercialisation en direct et coopérative (pour le maïs, légumineuses et orge). Pas de stockage à la ferme. Les veaux en engraissement, vendus à une coopérative locale. Il collabore aussi avec un voisin pour la gestion des produits issus de l’élevage.
  • Engagements (dans groupes, associations, ...) : APAD Perche, groupe 30 000 Vision Sols.
  • Commune : UNVERRE (28160).

Historique de la ferme

  • Ferme historiquement en polyculture élevage (vaches laitières et moutons). Depuis les débuts, le labour était couramment pratiqué.
  • 1970-1995 : arrêt de l'activité laitière, début élevage de taurillons (conservent vaches allaitantes pour les zones non cultivables et inondables).
  • 2000 : Début des TCS (cependant, encore un brassage important de la terre).
  • 2007 :
    • Grégory reprend la ferme familiale avec la création d'un bâtiment de veaux d'engraissement.
    • Début des couverts végétaux (pois de printemps et le maïs ensilage). Les sols fragiles, la finesse du sol, ainsi que des hivers humides rendant les sols boueux, le poussent à aller plus loin.
  • 2013 : Son oncle part à la retraite.
  • 2014 : La ferme s'agrandit de 30 ha.
  • 2018 : Premiers semis sous couvert végétal.

Objectifs

  • La ferme fait face à des hivers humides qui compliquent les labours et la gestion des couverts. Des couverts végétaux sont utilisés pour protéger les sols fragiles en hiver.
  • Il s'est orienté vers des techniques de couverture végétale permanente et de semis direct pour améliorer la structure des sols et la conservation de l'humidité. Le semis direct a aidé à réduire les besoins de travail du sol au printemps. Grégory a constaté une meilleure structure de sol pendant l'hiver, ce qui permet une meilleure implantation des cultures suivantes.
  • Il cherche l'équilibre entre la réduction des intrants et le maintien de rendements suffisants, ajustant régulièrement les doses d'azote et les densités de semis pour optimiser la rentabilité de son système.

Facteurs limitants

  • Les principaux facteurs limitants incluent la nature atypique de certaines années et des mélanges de cultures mal adaptés, ainsi que la gestion des adventices, comme le ray-grass et le vulpin, qui, pour l'instant, restent contenus dans certaines zones seulement.
  • En matière d'implantation, la mise en place des cultures est plus simple que pour le colza, bien que les problèmes de limaces se soient décalés : les zones plus argileuses, qui retiennent davantage d'humidité, attirent désormais les limaces, tandis que ces dernières étaient auparavant absentes en plein champ.
  • La population de mulots est limitée, mais son impact varie d'année en année. En blé et colza, la situation est gérable, mais le lupin reste plus difficile à protéger. Des perchoirs pour les prédateurs naturels ont été installés pour limiter les populations de mulots, et un produit anti-campagnols homologué pour toutes les cultures en plein champ, le Ratron, est utilisé pour contrôler davantage cet impact.

Motivations pour la mise en place de couverts permanents

  • Le passage au semis direct a débuté en 2017 après des formations et échanges (Chambre d'Agri culture, APAD...). Il a choisi cette méthode pour améliorer la structure du sol, limiter l’érosion, et conserver l’humidité.
  • Eté 2017 : un collègue ayant acquis un semoir a semé un premier couvert sur son exploitation. Les conditions humides de cet été-là ont permis un bon développement du couvert, composé de féverole, de moutarde et d’autres espèces. Il sème le blé direct dans le couvert, cependant, la tentative de semis direct de blé a échoué, car selon Grégory c'était un blé précédent blé. L’agriculteur a alors acheté un semoir à disque d’occasion de type Jury léger, qu’il a utilisé pour semer du blé dans les repousses de colza.
  • Automne 2017, pour la récolte 2018 : il a implanté du colza avec du trèfle violet et du trèfle blanc, semés en même temps après avoir préparé le sol avec des dents Michel et une herse, et semé le colza à une profondeur d’un centimètre.
    • Il a également tenté une première association avec de la féverole semée à la volée tous les 12-15 mètres. Si les graines de féverole ne s’enfouissent pas complètement, elles lèvent tardivement, surtout en année sèche, mais il est possible d’en retrouver dans la récolte de colza.
  • La première récolte a été un succès, notamment pour le blé cultivé derrière le colza et le trèfle violet, atteignant 110 quintaux en semis direct, grâce également aux caractéristiques favorables de la parcelle et de la variété choisie.
  • En 2019 : l’agriculteur constate qu’il n’a jamais eu de grosses pertes après le colza implanté traditionnellement, tout en testant des bandes d'association de trèfle blanc, de lotier, de luzerne, etc., pour comparaison. Il remarque que le trèfle violet peut devenir envahissant et monter dans le colza lors de la moisson, alors que le trèfle blanc et le lotier semblent mieux adaptés. La luzerne, bien que lente à se développer les premières années, devient ensuite difficile à éliminer de ses sols. Pour les mélanges, il sème 6-8 kg de lotier et de luzerne, puis ajoute 3 kg de trèfle. À la sortie de moisson, il utilise un semoir à disque pour implanter les couverts et roule sur les chaumes de colza pour les briser.
  • Depuis, avec un collègue, il utilise une faucheuse frontale à double section, permettant de faucher le colza 15 jours à 3 semaines après la moisson afin d'attirer les rapaces, de prévenir la montée en graine des graminées, et de repousser une seconde fauche fin septembre-début novembre. Cela laisse le temps aux graminées et au colza de repousser un peu pour un traitement au glyphosate après le semis.
  • Depuis quatre ans, il sème le colza avec des dents pour plus de précision et a abandonné les couverts permanents, les petites graines étant moins visibles à 3-4 cm de profondeur.
  • Eté 2023 : a recommencé à semer à la volée avant le colza, en passant tous les 8 mètres et en réessayant avec du lotier et du trèfle violet. Les résultats sont plutôt bons avec le trèfle violet, mais le lotier reste plus aléatoire, en partie à cause des limaces
    • Il apprécie le trèfle blanc car il couvre bien le sol et son coût en semence reste abordable pour un investissement d’un an et demi. Le trèfle violet, quant à lui, peut être récolté pour l’alimentation animale, mais il est trop envahissant en colza car il pousse dès qu’il a de la lumière.

Rotation

Schéma en cours de création

Gestion du couvert permanent

Grégory a testé plusieurs types de légumineuses dans ses couverts permanents, dont le trèfle (blanc et violet), le lotier, et parfois la luzerne. Il privilégie le trèfle blanc pour sa résilience et sa capacité à s’implanter durablement sans concurrence excessive pour les cultures principales, particulièrement avec le colza. Le trèfle violet, bien que favorable à la structuration du sol, est plus difficile à gérer car il peut monter dans le colza, posant un problème au moment de la moisson. Le lotier est utilisé pour sa bonne capacité à couvrir le sol, même s’il a tendance à ne pas persister au-delà de deux ans.

1. Méthode de Semis et Implantation

  • Pour le colza, Grégory pratique un semis du couvert permanent en même temps ou juste avant le semis du colza, en utilisant la méthode dite « à la volée » : il épand les graines de trèfle ou de lotier en surface, souvent avec un rouleau ou des herses pour une légère incorporation.
  • La densité de semis est ajustée en fonction de l’espèce : environ 1 kg de trèfle blanc pour 3 kg de trèfle violet ou d'autres espèces. Le semis est fait de manière peu profonde pour favoriser l’implantation des légumineuses sans gêner la levée du colza.

2. Gestion des Couverts en Interculture (Entre le Colza et le Blé)

  • Fauchage : Grégory pratique un ou plusieurs fauchages pendant la période d’interculture. Après la récolte du colza, il attend environ deux à trois semaines pour faucher le couvert, ce qui permet aux adventices comme les graminées de se régénérer avant une nouvelle coupe.
  • Maintien et destruction progressive : En automne, il effectue une dernière fauche fin septembre ou début octobre pour limiter la montée en graines des graminées indésirables. Ce cycle de fauchage aide à gérer la compétition entre les légumineuses du couvert et les autres plantes.

2. Régulation et Destruction avant le Semis du Blé

  • Avant de semer le blé, il applique une légère dose de glyphosate (environ 0,7 à 0,8 litre par hectare) pour gérer le couvert en surface. Ce passage est souvent suivi d’une deuxième application plus légère (0,6 à 0,8 litre par hectare) juste avant le semis pour cibler spécifiquement les graminées restantes.
  • Cette approche progressive limite la destruction complète des légumineuses tout en réduisant les mauvaises herbes qui pourraient concurrencer le blé.

3. Avantages et Défis des Couverts Permanents

  • Avantages : Les couverts aident à améliorer la structure des sols et fournissent un apport d’azote, particulièrement bénéfique pour les cultures suivantes. La couverture permanente du sol aide aussi à éviter le compactage en hiver.
  • Défis : Les ravageurs (notamment les mulots) sont un inconvénient des couverts permanents, car ils trouvent refuge sous les légumineuses. Grégory doit également gérer les légumineuses invasives, qui peuvent poser des problèmes de compétition avec certaines cultures.

4. Adaptations et Perspectives d’Amélioration

  • Grégory envisage des ajustements dans la densité et le choix des espèces pour maximiser la durabilité et limiter les effets concurrents. Par exemple, il continue de tester des combinaisons d’espèces et ajuste les techniques de semis pour minimiser les coûts sans affecter l’efficacité des couverts.

Investissements

  • Semoir a disques : 25 000 €
  • Semoir a dents : 14 000 € pour sa part,(Dale Drills), a investi en 2020 avec un voisin.
  • Strip-till : 3/4 000 € (pour sa part à 3 personnes).
  • Faucheuse : 10 000 € (pour gestion du couvert (en copropriété avec 3 personnes aussi)
  • Autres : Formations régulièrement au moins 1/2 journée en hiver

Effets constatés des nouvelles pratiques

  • Les charges ont considérablement baissé, notamment pour le blé cette année, où, en raison du choix variétal et des conditions printanières froides et humides, l'apport de phosphore a pu être écarté.
  • N'observe pas d'augmentation de charges sur les herbicides à l'échelle de la rotation.
  • Grégory Vallée ajuste ses pratiques de fertilisation azotée en se basant sur les reliquats azotés, contrairement à certains de ses voisins qui utilisent des calculs standardisés par des outils comme Farmstar. Il limite l’apport d’azote à 180 unités maximum par culture, soit environ 30 unités de moins que ses voisins. Bien que ses rendements en blé soient légèrement inférieurs (de 2 à 3 quintaux en moins), il obtient des taux de protéines élevés, entre 11 et 11,5 %.
  • L’évolution de ses sols est positive, avec une résilience accrue et une moindre fragilité, malgré leur nature initiale sensible au tassement et à la battance. Il n’a pas observé d’augmentation significative de la matière organique, mais il remarque que les sols se compactent moins, même si les premiers centimètres peuvent se refermer légèrement après les cultures.

Avis sur la démarche

  • "Au début, il a fallu se forger", raconte-t-il, en parlant de son expérience de transition. Il a abordé cette démarche avec une curiosité, animée par un "goût du risque", cherchant à découvrir une autre manière de travailler davantage avec le vivant et la nature.
  • Il précise que cette approche offre une liberté différente, car "on est moins serein, car on impose pas nos choix". Selon lui, la pression environnementale est plus forte dans cette méthode que dans l'agriculture conventionnelle, où l'on repart souvent d’une base plus neutre de sol nu."
  • "Les résultats des couverts végétaux varient d'une année à l'autre, et il constate que leur réaction n'est jamais la même. Toutefois, il juge l'expérience globalement plus enrichissante, malgré cette incertitude."
  • Il fait face à une pression de la part de ses voisins et de son entourage, notamment lorsque des pertes de rendement se produisent. Mais il note que ces personnes ne prennent pas en compte l'aspect économique plus large de la démarche.

Focus état de pression d'adventices

  • Grégory observe une évolution dans la flore adventice de ses parcelles, davantage de dicotylédones. Par exemple, il rencontre davantage de renouée persicaire et de laiteron dans ses parcelles de colza, tandis que la matricaire est également plus fréquente. Les chardons sont présents de manière similaire à ce que constatent ses collègues, et leurs traces sont visibles tout au long de l’année dans les champs.
  • En revanche, les adventices dans les céréales sont mieux gérées et ne posent pas de problème majeur à la récolte, bien que cela demande une vigilance constante.
  • Concernant la pression des graminées telles que le ray-grass et le vulpin, elle reste comparable à celle de ses voisins en travail du sol.
  • Grégory n’observe pas encore d’effet significatif des couverts permanents sur la réduction des adventices. Il estime que l’absence de travail du sol est la principale raison de l’émergence de certaines adventices.

Conseils pour se lancer

  • Grégory Vallée conseille d’adopter une approche plus proactive et rapide lors de la mise en place des couverts permanents et du semis direct. Avec du recul, il aurait aimé démarrer plus vite en réalisant dès la première année un passage de fissurateur ou de décompacteur, ainsi qu'en intégrant directement des couverts permanents dans les parcelles de colza.
  • Il déconseille l'utilisation de la herse rotative dans sa région, où elle a entraîné une fermeture des sols en surface sur les 6 à 7 premiers centimètres, rendant le sol compact. Il recommande de prêter attention aux particules fines en surface, qui peuvent nuire à la structure et à la dynamique des sols.
  • Pour le semis direct, Grégory préconise l'utilisation d’un semoir à dents avec disque ouvreur, qui permet une meilleure pénétration et une levée plus dynamique des semences. Enfin, il suggère de semer les couverts de manière plus dense, s'inspirant des méthodes de Thierry Tétu, afin d’augmenter la couverture végétale pour un sol mieux protégé et structuré.








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